Certes, Jésus est souvent nommé dans l'Ecriture comme "le Galiléen" ou "le Nazaréen", et il l'est parce qu'il vécut essentiellement sa vie d'homme en ces lieux.
Mais bien que du royaume du Nord par les ancêtres paternels de Marie, sa Mère, le Christ est tout autant d'ascendance du royaume du Sud et ainsi refait l'unité du Royaume de David, ce qu'il exprime en acceptant d'être reconnu pour "fils de David", le roi certes issu de la Tribu de Juda mais donné aux douze tribus par la volonté de Dieu et l'onction de Samuel, le fils d'Anne...
C'est pourquoi la Vierge Marie a dû se faire recenser en Judée avec Joseph, son époux parce qu'ils descendaient tous deux du roi David, leur ancêtre commun:
Le premier recensement en Judée,
sous Auguste, est, on peut l'affirmer, un fait historique, et la loi de ce recensement, qui était seulement le dénombrement de la population, obligeait Joseph à venir se faire inscrire à Bethléem, pour la raison que donne l'Evangile qu' « il était de la tribu et de la famille de David ».
En fait ce "recensement" est une inscription au "cens" = l'impôt romain de la "pax romana", une paix qui termine en principe les guerres romaines, borne l'empire et permet de l'équiper de routes et de garnisons chargées de la sécurité des villes et des routes pour les déplacements de pélerinages et de commerce. La base de ce "cens" "per capita" est la famille, selon l'usage romain et c'est donc Joseph qui doit se faire recenser mais ne peut abandonner son épouse en fin de sa période de femme enceinte.
Les généalogies authentiquement conservées au siège de chaque famille étaient de notoriété publique en Judée pour les grandes familles qui en étaient fières et pour les familles sacerdotales qui devaient justifier de leur ascendance pour pouvoir célébrer au Temple et être rétribués de leur service. Ces généalogies pouvaient être consultées, comme nos registres de l'état civil. Les familles en avaient des copies qui se transmettaient de génération en génération.
Les deux généalogies de Jésus-Christ données, l'une par saint Matthieu, l'autre par saint Luc, différentes en ce que la première établit plutôt la transmission des droits messianiques de Jésus par voie légitime et régulière d'héritage, la seconde, la transmission de la vie et du sang par la filiation charnelle, mais communes en ce que l'une et l'autre aboutissent à David, après lequel s'établit la séparation des droits en l'homme, et celle du sang en la femme, ce deux généalogies montrent dans le roi prophète, l'auteur commun de Joseph et de Marie.
Le Messie, promis et attendu chez les Hébreux, était principalement désigné sous les deux noms de fils de David par tous les Hébreux et de roi de Juda par les Judéens fiers de leur privilège royal d'avoir la dynastie de royauté la plus ancienne, celle de David sur la tribu de Juda.
La double généalogie de Jésus, d'après l'Évangile, montre qu'il était véritablement, par filiation naturelle, fils de David, et, par descendance dynastique, roi de Juda; il était fils de David par Marie, héritier légitime de David par Joseph. (...)
Jésus tenait ses droits familiaux et ses titres royaux de Joseph et de Marie, descendant l'un et l'autre, dans une ligne différente, de David. Tous deux, rejetons royaux, mais devenus marginaux car depuis longtemps écartés du trône, avaient donc à se rendre, pour le recensement, à Bethléem, la ville originaire de leur commun ancêtre.
C'est ce que dit saint Luc : "ascendit autem et Joseph... ut profiteretur cum Maria... (2,4-5)".
Mais des critiques, qui ont encore objecté contre l'Evangile l'inutilité de la présence de Marie au recensement, prétendent pour se donner raison que le texte de saint Luc, qui fait venir Joseph avec Marie à Bethléem, n'est pas à traduire: "Et Joseph monta, lui aussi, à Bethléem pour se faire inscrire avec Marie", mais "Et Joseph, lui aussi, monta avec Marie, pour se faire inscrire".
Ici, encore, la philologie condamne cette interprétation qui fait violence au texte. L'Evangile dit formellement, en araméen puis en grec et en latin (et tous les manuscrits concordent sur ce point), que Joseph alla à Bethléem pour se faire inscrire avec Marie: "ut profiteretur cum Maria".
Marie, en effet, avait aussi à satisfaire à la loi du recensement
Une ancienne tradition, conforme à l'Évangile, fait de Marie, selon la loi juive, une fille héritière, c'est-à-dire une fille aînée, n'ayant pas de frère et possédant un héritage de ses parents, sinon la maison d'Anne, sa mère, à Jérusalem, du moins, celle de Joachin, son père, à Nazareth, où l' Ange qui vint la visiter, la trouva seule. Et, en effet, l'Évangile, qui mentionne une "sœur", c'est-à-dire pour nous une cousine d'elle (lJn 19, 25) ne lui donne pas de frère.
C'est en cette qualité de fille héritière, et conformément à la loi mosaïque qui voulait maintenir dans leur intégrité le territoire des diverses tribus et empêcher la confusion des propriétés, que Marie avait dû épouser un homme de la tribu de son père, son plus proche parent, Joseph, le Booz de la nouvelIe Ruth, qui était, comme elle, de la tribu de Juda.
Moïse avait établi la règle, en effet, selon laquelle les filles héritières ne pourraient se marrier hors de leur tribu, afin que leur héritage, même racheté par des parents, ne passât pas à une tribu étrangère, en vertu du Jubilé. Et cette règle était si absolue qu'elle allait jusqu'à autoriser des mariages qui, en dehors de ce cas, eussent été prohibés par raison de parenté. Ainsi s'était conclu le mariage entre Joseph et Marie, quoiqu'ils fussent déjà unis par un lien de parenté rapprochée.
Mais en se mariant, Marie avait transmis les droits personnels, qu'elle tenait de son père, à son époux, et c'est par elle que Joseph, fils de Jacob selon la nature, était devenu, selon la loi, le fils d'Héli (nom équivalent dé Joachin), père de Marie, par lequel saint Luc a établi, en même temps que l'origine davidique de Joseph, la filiation de Jésus, fils de Marie, en remontant d'Héli et en passant par David, jusqu'à Adam, "qui naquit de Dieu", "qui fuit Dei".
A titre de fille héritière aussi, et comme représentant personnellement une tige de la famille de David, Marie dut donc se présenter en personne au recensement, avec Joseph son époux, à Bethléem, le lieu d'origine de leurs ancêtres communs.
Car l'objet même du dénombrement ordonné par Auguste en Judée prouve que, en même temps qu'on suivait l'usage juif, quant au lieu d'origine où devait se faire la déclaration, on observa aussi la règle romaine qui voulait que les femmes ayant une personnalité civile et des droits propres, fussent inscrites comme les hommes.
Tertullien, ancien jurisconsulte, versé dans le droit romain, dit positivement que Marie, selon l'usage de Rome, fut inscite sur les registres du cens: ... "sicut apud Romanos, in censu descripta est Maria, ex qua nascitur Christus". C'est ce que disent aussi d'anciens Pères. Entre autres, Saint Grégoire le Thaumaturge, évêque de Néocésarée, en Palestine, assure que Marie fut obligée, par l'édit d'Auguste, de se rendre de Nazareth à Bethléem.
Tertullien constate de plus que Jésus fut recensé par Marie, son intermédiaire :
"per Mariam inde censendum". L'empereur Julien l'Apostat met le fait hors de doute. S'adressant aux chrétiens, « Ce Jésus que vous prêchez, leur dit-il, était un des sujets de César. Si vous en doutiez, je vous le prouverai sur le champ, d'une manière incontestable, puisque vous dites vous-mêmes qu'il a été enregistré, avec son père et sa mère, du temps de Quirinius ».
Et, en effet, dans ce premier recensement de la Judée, les enfants durent être enregistrés comme les adultes, car il n'était pas fait seulement en vue de la capitation mais pour l' évaluation de la population.
(Extrait du livre "Jésus-Christ dans l'histoire", de Arthur Loth, réédité en janvier 2003 chez F.-X. de Guibert).