Sainte Édith Stein en 1938. Cologne Carmel Archives, Public domain, via Wikimedia Commons.
Sainte Thérèse-Bénédicte de la Croix ou sainte Edith Stein (1891-1942) fut proclamée en 1999 par le saint pape Jean-paul II co-patronne de l’Europe avec sainte Brigitte de Suède (1302-1373) et sainte Catherine de Sienne (1347-1380), Docteur de l'Église. Philosophe allemande convertie du judaïsme au catholicisme, Édith Stein devint carmélite, connut les deux conflits mondiaux du XXème siècle et mourut à Auschwitz, internée au camp d'extermination nazi où elle fut mise à mort. Béatifiée puis canonisée par le saint pape Jean-Paul II, On la fête le 9 août.
Édith Stein est née le 12 octobre 1891 à Breslau, ville allemande rattachée à la Pologne en 1945 sous le nom de Wrocław, d’une famille juive pratiquante. Benjamine d’une famille de onze enfants, dont beaucoup sont morts en bas âge, Édith Stein perdit toute jeune son père et sa mère, Augusta Stein, dut assumer à la fois la responsabilité de l’entreprise familiale de scierie et l’éducation de ses nombreux enfants, dont beaucoup sont morts en bas âge. Édith Stein fit cependant de brillantes études et découvrit bientôt la philosophie, tout en soutenant, avec sa sœur Erna et ses amies, le mouvement féministe, qui réclamait une égalité totale entre hommes et femmes.
Édith Stein - étudiante à Breslau (1913-1914).Monasterio Santa Teresa de Jesús, Buenos Aires. Self-scanned
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Édith Stein poursuivit de brillantes études à l’Université de Breslau, puis à Göttingen, où elle intégra la Société de philosophie, qui rassemblait alors les principaux membres de la phénoménologie. L’engagement d’ Édith Stein au service des autres se réalisa dans les cours d’orthographe qu’elle donna gracieusement dans une association d’éducation populaire, mais aussi par sa contribution à une association de femmes, qui militait pour l’égalité des sexes. Pendant la première guerre mondiale, Édith Stein s’engagea à la Croix Rouge en Autriche pour soigner les malades de toutes nationalités et assister les mourants. Cette expérience fut si essentielle pour Édith Stein, qui s’interrogeait en philosophe sur l’empathie et la communication, qu’elle devint le sujet de sa thèse, qu’elle obtint brillamment, en 1917. Première femme devenue docteur en philosophie en Allemagne, Édith Stein milita pour que les femmes puissant être admises à enseigner en Université.
Édith Stein devint l'assistante d'Edmund Husserl et s’employa à diffuser sa pensée, tout en continuant sa recherche personnelle sur la personne humaine , les valeurs essentielles de liberté et le refus du totalitarisme. L’ouvrage qu’ Édith Stein publia en 1991, intitulé Introduction à la philosophie, en est une synthèse.
Il est donc impossible de séparer la recherche philosophique d’Édith Stein de son engagement dans la société: elle concevait tout son travail de philosophe comme une contribution à l’avenir de l’Europe, luttant notamment contre l’antisémitisme et militant pour la reconnaissance des femmes, à destination desquelles elle écrivit un second ouvrage, intitulé Formation de femme et profession de femme.
Statue commémorant l’itinéraire d’Édith Stein à Cologne. Factumquintus, CC BY-SA 3.0
En 1919, Édith Stein, poursuivant sa quête de la vérité, découvrit les Exercices spirituels d'Ignace de Loyola, puis se passionna pour st Augustin. Mais elle dit que
« La cause décisive de ma conversion au christianisme fut la manière dont mon amie [Anna Reinach ] accomplit par la force du mystère de la Croix le sacrifice qui lui était imposé par la mort de son mari ».
Édith Stein, constatant ainsi la puissance de l’amour du Christ, écrivit:
“Ce fut ma première rencontre avec la Croix, et avec la puissance divine qu’elle communique à ceux qui la portent. Pour la première fois, j’ai pu voir concrètement devant moi, le corps de l’Église, née de la Passion rédemptrice du Christ, victorieuse de la couronne d’épines et de la mort. À ce moment-là, le Christ a rayonné en moi, dans le mystère de la Croix, balayant mon incroyance et effaçant mon judaïsme “.
Découvrant alors, en août 1921, dans son cercle d’amis, sainte Thérèse d’Avila, Édith Stein se passionne pour la vie intérieure telle que sainte Thérèse l’a consignée dans des ouvrages Le Château intérieur (ou livre des demeures) et dans Le Livre de la Vie. Bouleversée par ces ouvrages, qui lui permettent une rencontre fulgurante avec le Christ, Édith Stein choisit l’ordre du Carmel. Elle demanda le baptême, qui eut lieu le 1er janvier 1922, et, en attendant d’être admise à entrer au Carmel, tout en enseignant, Édith Stein traduisit les œuvres du saint cardinal John Henry Newman et une partie de l’œuvre du Docteur de l’Église saint Thomas d'Aquin, du latin en langue allemande (notamment les Quæstiones disputatæ de veritate), poursuivant ses écrits par une comparaison entre la philosophie thomiste et la phénoménologie, pleinement consciente de l’importance de mettre la connaissance au service de Dieu.
Édith Stein commença ensuite à donner des conférences, en Allemagne et dans d'autres pays, sur la place de la femme dans la société et dans l'Église, sur la formation des jeunes et sur l'anthropologie, au cours desquelles elle rencontra de nombreuses personnalités, telles que la poétesse Gertrud von Le Fort. Cette dernière deviendra son amie et écrira l'œuvre La Dernière à l'Échafaud, dont Georges Bernanos s'inspira pour écrire les Dialogues des Carmélites.
Les courageuses prises de parti d’Édith Stein contre le nazisme lui permirent d’affirmer la dignité de tout être humain. L’encyclique de Pie XI Mit brennender Sorge, publiée le 10 mars 1937 , qui forme l’un des trésors de la Doctrine sociale de l’Église, fait écho à cette condamnation radicale du nazisme par Édith Stein, qui avait d’ailleurs écrit au pape pour lui demander que l’Église prît une position claire contre ce qu'elle nommait « l’idolâtrie de la race ». Interdite d'enseignement en 1933 (les lois allemandes nazies interdisant aux femmes l'enseignement dans les universités ainsi qu'aux Juifs), Édith Stein décida, pour tenter de détruire les préjugés antisémites, d'écrire son autobiographie. Celle-ci s'intitule Vie d'une famille juive.
Édith Stein reçut l’autorisation d’entrer au Carmel de Cologne, le 15 octobre 1933, à 41 ans, en la fête de sainte Thérèse d'Avila, et le nom de « Thérèse-Bénédicte de la Croix » lors de sa prise d’habit, le 14 avril 1934. Encouragée par ses supérieures, Édith Stein reprit ses écrits philosophiques et écrivit L’Être fini et l’Être éternel, son œuvre majeure, qui établit le chemin de la recherche de Dieu, dans une connaissance de soi. Pour fuir les nazis, Sœur Thérèse-Bénédicte de la Croix reçut l'autorisation de partir au carmel d’Echt (Pays-Bas), le 31 décembre 1938, où sa sœur Rosa, également convertie, la rejoignit plus tard.
Elle y continua son œuvre et, à l'occasion du 400ème anniversaire de la naissance du Docteur de l'Église saint Jean de la Croix, sœur Thérèse-Bénédicte de la Croix (Édith Stein) entreprit l'étude de sa théologie mystique, et rédigea Scientia Crucis (La Science de la Croix), ouvrage dans lequel elle synthétisa la pensée du Docteur de l’Église avec la sienne. Cette synthèse lui permit de parcourir son propre cheminement intellectuel et spirituel, et d’en montrer les étapes. Privée du droit d’émigrer, elle ne put s’enfuir dans un Carmel en Suisse, comme elle le souhaitait, pour échapper à la déportation.
Arrêtée le 2 août 1942 par la Gestapo. avec sa sœur Rosa avec tous les Juifs qui avait reçu le baptême catholique, Édith Stein fut d’abord détenue avec sa sœur dans le camp de Westerbork, dans lesquels elle retrouva deux de ses amies, deux jeunes filles juives devenues catholiques : Ruth Kantorowicz et Alice Reis, ainsi qu’ Etty Hillesum, qui en parle dans son Journal. Édith Stein y donna le témoignage d’un amour immense. Le 7 août 1942, Édith Stein et sa sœur Rosa furent envoyées à Auschwitz, en Pologne, où, le 9 août, elles furent assassinées dans la chambre à gaz.
Cérémonie de canonisation d’Édith Stein, devenue sainte Thérèse-Bénédicte de la Croix, le 11 octobre 1998.
La mort d’Édith Stein fut reconnue comme assassinat « ex odio fidei », en haine de sa foi catholique, ce qui fait d’Édith Stein une martyre: en effet cette arrestation était une vengeance des nazis contre le message de protestation des évêques catholiques des Pays-Bas contre le pogrom et les déportations de juifs.
Édith Stein fut béatifiée par le pape Jean-Paul II en mai 1987 à Cologne, et celui-ci déclara :
« L’Église honore une fille d’Israël, qui pendant les persécutions des nazis est demeurée unie avec foi et amour au Seigneur Crucifié, Jésus Christ, telle une catholique, et à son peuple telle une juive ».
Sainte Édith Stein fut canonisée le 11 octobre 1998 et proclamée co-patronne de l’Europe le 1er octobre 1990. Le pape Jean-Paul II ajoute :
« Déclarer aujourd’hui Edith Stein co-patronne de l’Europe signifie déployer sur l’horizon du vieux continent un étendard de respect, de tolérance, d’accueil, qui invite hommes et femmes à se comprendre et à s’accepter au-delà des diversités de race, de culture et de religion, afin de former une société vraiment fraternelle. »
Ainsi fut honorée à travers cette grande figure les
« témoins de la vérité et du bien… [qui] ne se sont pas soumises au pouvoir du mal, et … [qui] apparaissent à présent devant nous comme des lumières dans une nuit de ténèbres »
dira d’Édith Stein le pape Benoît XVI, dans le discours qu’il a prononcé lors de sa visite à Auschwitz le 28 mai 2006.
L’un des thèmes chers à Édith Stein est celui de la vocation de la femme. Elle en parle en magnifiant la fonction maternelle de la femme, qui s’exerce de façon naturelle, mais aussi spirituelle, en éveillant à la foi. En cela, la femme est le symbole de l’Église, avec bien sûr la Vierge Marie, son modèle, qui est l’épouse du Christ. Le saint pape Jean-Paul II a d’ailleurs développé ce thème de Marie et la vocation de la femme dans sa lettre apostolique Mulieris dignitatem du 15 août 1988, qu’il a écrite à l’occasion de l’année Mariale.
La spiritualité d’Édith Stein est d’abord celle du Carmel: en témoigne la prière à Marie Reine du carmel qu’Édith Stein composa. Elle médite la Passion du Christ avec Marie : Édith Stein pense que la Vierge Marie était certainement présente le Jeudi Saint pour célébrer à Jérusalem le repas pascal avec tout le groupe qui suivait Jésus, et nous offre une magnifique méditation sur ce thème, qui se termine par cette prière:
“Ô Mère, apprends-nous à recevoir le Corps du Seigneur comme Tu l’as reçu.”
Édith Stein conçoit l’eucharistie comme une liturgie cosmique, à laquelle nous sommes tous invités à nous joindre.
Elle médite aussi la Passion du Christ en mettant en valeur le fait que le Christ n’était pas seul, supposant que
“la vision des fidèles qui allaient le suivre sur son chemin de souffrance a soutenu le Sauveur au jardin des Oliviers.”
La prière qu’ qu’Édith Stein compose à partir du texte de l’Évangile “Or près de la Croix se tenait Sa Mère ” est un long hommage à la maternité de la Vierge Marie, dans sa dimension charnelle et spirituelle, et s’achève par ces mots:
« Ceux pourtant que Tu T'es choisis pour compagnons,
Qui un jour entoureront le trône éternel,
Doivent se tenir ici avec Toi au pied de la Croix
Et doivent acheter par le sang du cœur [versé dans] d'amères souffrances
La splendeur du ciel aux âmes chères,
Que le Fils de Dieu leur confie en héritage. »
Edith Stein médite aussi le Samedi Saint de Marie, mettant en valeur les vertus de Marie en ce Jour.
Enfin, l’acte de confiance d’Edith Stein est une prière d’abandon, dans lequel elle accepte le sacrifice, parole qu’elle accomplira en martyre de son peuple.
Plaque commémorative d’Édith Stein à Prague. Vincent de Groot - htt://www.videgro.net, CC BY-SA 4.0