La Bible hébraïque enseigne l’unité de Dieu mais parallèlement à cette emphase sur l’unité de Dieu, un certain nombre d’indices suggèrent qu’Il est en même temps « Un » et « plus qu’Un ». L’un de ces indices est le nombre de fois où des formes plurielles de nom et de mots sont employées en parlant de Dieu.
Le mot hébreu Élohim, souvent utilisé dans la Bible pour désigner Dieu, est lui-même de forme plurielle (Genèse 20,13 ; Ecclésiaste 12,14 ; Isaïe 54,55, etc).
En Genèse 1,1, dans le premier verset de la Bible (), le mot « Dieu » (Élohim) est un pluriel mais le verbe « créa » est au singulier. Comment comprendre ce fait étrange sinon en constatant que le nom hébreu pluriel Élohim marque une différence fondamentale avec le Allah singulier des Musulmans ou le Zeus des Grecs. Il indique que le vrai Dieu est une pluralité dans l'unité et non une personne unique.
En Deutéronome 6,4 la Divinité uni-ternaire est annoncée par Moïse dans ce verset où sont exprimés en même temps l'unité et la trinité. « Écoute, ô Israël ! le Seigneur, notre Dieu (Elohénou) le Seigneur est un (ehad) » Le mot « ehad », utilisé dans le Chema pour proclamer l’unité de Dieu, est très frappant : il permet la possibilité d’une pluralité ou d’une diversité dans l’unité. Il désigne par exemple l’unité du jour et de la nuit (Genèse 1,5), l’unité de l’homme et de la femme (Genèse 2,24), l’unité d’une assemblée (Esdras 2,64) ou l’unité de deux morceaux de bois (Ézéchiel 37,17). Il existe en Hébreu un autre mot qui, lui, désigne une unité indivisible : yahid, mais ce n’est pas celui qui est utilisé dans la Bible. Par contre, lorsqu’il a rédigé ses Treize Articles de Foi, Maïmonide a substitué le mot yahid au mot ehad dans la description de la nature de Dieu. Depuis lors, l’idée de l’unité indivisible de Dieu a fait école dans le judaïsme mais ce n’est pas ce qu’exprime la Bible qui donne de multiples références pour montrer qu’il existe une diversité à l’intérieur de l’unité de Dieu. Comme détaillé dans l'article sur la profession de foi d'Israël, cette triple répétition du nom du Seigneur est contraire aux règles de la grammaire et au génie de la langue hébraïque. Les commentateurs sentent fort bien l'inconvénient de la triplication insolite du nom de Dieu en cet endroit (cf. Hhezkouni, Sephorni, Imré-Nognam). Le commentaire Behhaï dit expressément que Moïse énonce ainsi l'unité de Dieu, « afin de prescrire à notre croyance que les trois principaux attributs de la Divinité se réunissent en un, savoir: l’éternité, ; la sagesse ; la prudence ». Or, qu'est-ce autre chose que la Sainte-Trinité : le Père Éternel ; le Fils, appelé dans les litanies, d'après les proverbes Sagesse éternelle ; le Saint-Esprit, appelé dans les litanies d'après Isaïe (11,2), Esprit de conseil et de prudence. Voici comment s'exprime, au sujet de ce verset, le Zohar (Nomb. Ch 13), qui se recommande par son antiquité : « Il y a deux auxquels sont réunis un, et ils sont trois ; et étant trois, ils ne forment qu'un. Le mot Elohénou (notre Dieu), se joint aux deux noms ineffables dans le Chema et quand ils sont réunis, ils forment un de l'unité la plus absolue : Inoun hhad bihhouda hhada »
La Sainte-Trinité est encore exprimée entre autres par Genèse 1,26 :
« Et Dieu dit « Faisons l'homme à notre image et à notre ressemblance. Et Dieu créa l'homme à son image » (Gn 1,26)
On pourrait penser qu'il s'agit là d'un pluriel de majesté, tel que l'emploierait un roi. Mais il est facile de vérifier que le pluriel de majesté est une tournure occidentale, elle n'existe pas dans la Bible. Voici, par ailleurs, ce qu'on lit sur ce verset dans le Tikoun Zohar : « Faisons l'homme. A qui le Très-Haut disait-il ces paroles? Le Très-Haut disait ces paroles à l'Éternel ».
Le talmud, Traité Sanhédrin, f.38, dit qu'à la vérité « le verset 26 dépose en faveur de ceux qui enseignent qu'il y a plusieurs Dieux, mais qu'ils sont réfutés par le verset subséquent qui emploie le singulier ». Selon le Midrasch, Moïse aurait répugné à écrire le verset 26, quand Dieu le lui dicta.
Or, ce que les commentateurs regardent comme une réfutation du dogme de la Sainte-Trinité vient encore le corroborer en montrant par ce changement permanent du singulier et du pluriel.
Les commentateurs du Talmud pour expliquer le nombre pluriel du verset 26 rapportent une ancienne tradition répétée par les principaux et plus antiques commentaires, d'après laquelle Dieu n'exécute rien sans préalablement consulter sa famille, bepkamalta ckello, (ou : bepkamalta sckel magnala, la famille céleste). Cette famille, s'il est permis de répéter cette expression, qu'est-elle autre chose que la Sainte-Trinité ? Il est vrai que les commentateurs l'expliquent par les anges, et alors ce mot phamalia, emprunté du latin, aurait la signification de domesticij gens de la maison ; mais dans ce cas, Dieu n'aurait pas dit : « Faisons l'homme », puisque les anges n’ont pas aidé. Ce serait un blasphème d’attribuer à la Sagesse éternelle le besoin de consulter des créatures ! Pour trancher la question, on peut citer le Zohar : « Faisons l'homme, à qui a-t-il dit cela ? Certainement il l'a dit à lod, Hê, Vav Hê, centre des dix attributs divins » (Tikkounê Zohar in Bereschit).
Le chapitre 18 de la Genèse est encore dans le même style de variations sur le pluriel et le singulier de Dieu. Si on traduit mot à mot, il n’y a pas besoin du moindre commentaire :
« Et le Seigneur lui apparut (à Abraham) dans les plaines de Mambré, quand il était assis à l'entrée de la tente, par une grande chaleur du jour. (v. 2.) Levant les yeux, il s'aperçut que trois hommes se tenaient près de lui. Dès qu'il s'en aperçut il courut au-devant d'eux à l'entrée de la tente, et il se prosterna en terre; (v.3) et il dit : Mon Seigneur (le Talmud» traité Schebougnot, f. 35 v., décide que ce nom est saint, Kodesch, c.-à-d. qu'il s'adresse à Dieu : cette décision est adoptée par Haknonides 3 des Fondements de la Loi, ck. 6) « Mon Seigneur je te prie, si j'ai trouvé grâce à tes yeux n'outrepasse pas ton serviteur. (v. 4) Permettez que ton serviteur apporte un peu d'eau, et lavez vos pieds, ensuite vous continuerez votre marche, puisque vous êtes venus à passer auprès de votre serviteur ; et ils dirent : Fais ainsi que tu as dit. (v. 8.) Et il prit du beurre... et les servit ; et il se tint auprès d'eux sous l'arbre, et ils mangèrent. (v. 9) et ils lui dirent : Où est Sara ta femme? (v. 10.) Et il dit : Je reviendrai à toi dans un an, et Sara, ta femme, aura un fils. Et Sara s'en moqua intérieurement pensant ... (v. 10) Et le Seigneur dit à Abraham : Pourquoi Sara s'est-elle moquée, pensant … [v. 14 ) Y a-t-il une chose trop difficile pour le Seigneur ? Dans un an je reviendrai à toi, et Sara aura un fils. (v. 15) Cependant Sara nia, disant... Mais il dit ; Non tu t'es moquée, (v. 16) ces hommes se levèrent de là, et se tournèrent vers Sodome. (v. 22) Ces hommes donc s'en allant de-là, marchèrent vers Sodome, Abraham se tenant encore devant le Seigneur. » (c.à-d., selon le Talmud, Traité Berahhot, f.6 v. les Targumistes et Maimonïde : restant en adoration).
Les explications que les commentateurs donnent pour expliquer l'alternation du singulier et du pluriel dans ce chapitre à l'égard de le Seigneur, qui apparut en trois personnes prouve leur grand embarras. Le Zohar s'exprime ainsi sur ces paroles du texte et il lui apparut : « Manifestation de l'essence divine sous les trois couleurs principales, comme elle est en haut au ciel ; et c'est sous le même nombre de couleurs que Dieu se manifeste dans l'arc-en-ciel. »
On peut encore regarder sur cette question de l’unité et de la pluralité de Dieu les passages suivants :
Voilà pourquoi il n'est pas étonnant que cet enseignement ait toujours existé dans la tradition juive. C’est ainsi que bien avant que ne se fixe la doctrine chrétienne et jusqu’à un siècle environ après la destruction du second temple, des rabbins éminents ont enseigné la doctrine de la Trinité. Dans le Zohar, écrit à la fin du premier siècle par Siméon Ben Jochaï et son fils Eliezer, on lit :
« Comment les trois peuvent-ils être UN ? Sont-ils vraiment UN, parce que nous les appelons UN ? Ce mystère ne peut être compris que par la révélation du Saint-Esprit » (Zohar, III : Exodus 43b)
Les anciens maîtres juifs, le rabbin Hakkalir entre autres, employaient l'expression « Trois noms » pour désigner les trois Sephirots (puissances) par lesquelles le monde fut créé.
Jadis, Israël, entouré de nations polythéistes, avait tendance à embrasser leur idolâtrie ; les Écritures hébraïques insistèrent donc davantage sur l’unité de Dieu que sur sa «tri-unité». Mais à l’époque du Nouveau Testament et de l’Incarnation espérée par les prophètes (« Ah si tu déchirais les cieux et si tu descendais ! … » - Isaïe 63,19), l’idolâtrie ne posant plus de problème en Israël, il fut possible de formuler plus clairement la notion de « tri-unité » de Dieu dans les Écritures.
Dans le Nouveau Testament, les trois mentionnés représentent Dieu le Père, Dieu le Fils (le Messie, Jésus qui est le « Dabar », la Parole, le Verbe de Dieu) et Dieu l’Esprit qui sont UN (ehad), ce qui est l’affirmation fondamentale du Chema : «Écoute, Ô Israël, l’Éternel notre Dieu, l’Éternel est un », affirmation que Jésus Lui-même considérait comme étant le premier commandement.
L'étude du Tétragramme conduit aux mêmes conclusions :
En deux mots, les juifs croient que dans le Nom sacré de Dieu révélé à Moïse se trouvent cachés tous les mystères de Dieu et une lecture naturelle y reconnait effectivement le mystère de la Trinité et l'annonce du plan de salut de Dieu, qui passe par la venue du Messie éternel de Dieu. Dans le Nom de Dieu révélé à Moïse et dans l'attente du Messie par Israël sont inscrits dès l'origine tout le mystère de la Trinité et toute l'histoire du salut, qui passe par l'Incarnation du Christ éternel portant le mystère de Dieu.