À Noël 1886, la jeune Thérèse a reçu la grâce de « sortir de l'enfance », au sens négatif de l'infantilisme, dans la communion à « l'admirable échange » de l'Incarnation. Après avoir reçu cette grâce, elle va vivre ensuite les dimensions infinies de l’amour.
Jésus accomplit un « petit miracle » pour « la faire grandir » en un instant, alors que lui se fait tout- petit :
« En cette nuit où Il se fit faible et souffrant pour mon amour, Il me rendit forte et courageuse »[1].
Dans le très beau texte du Manuscrit A, Thérèse passe immédiatement de la Crèche à la Croix en racontant ce qui concerne le salut du criminel Pranzini, son « premier enfant »[2] , à partir de la contemplation d'une image de Jésus Crucifié. « Sortie de l'enfance » à Noël, l'enfant est devenue une femme, déjà épouse et mère à 14 ans, avant d'entrer au Carmel !
C'est en aimant Jésus que Thérèse vit au cœur de la Trinité. Son christocentrisme est trinitaire. Ce « Jésus Je t'aime », c'est l'Esprit Saint présent à l'intime de son Cœur :
« Ah! Tu le sais, Divin Jésus je t'aime
L'Esprit d'Amour m'embrase de son feu
C'est en t'aimant que j'attire le Père. »[3]
Cet acte d'amour était comme la "respiration" continuelle de Thérèse, et elle l'a exprimé dans son dernier souffle. Elle est morte en disant une dernière fois à Jésus: "Mon Dieu je vous aime!" :
« Mon Bien-Aimé, Beauté suprême
À moi tu te donnes toi-même
Mais en retour
Jésus je t'aime
Et ma vie n'est qu'un seul acte d'amour! »[4]
Dès ici-bas, Thérèse est consommée par « l'amour, ce feu de la patrie » [5]
Comme le dit saint Thomas d’Aquin, l'amour absolu est déjà possible en cette vie[6], alors que le savoir absolu est réservé à la vision de Dieu dans l'au-delà. L'apôtre Pierre écrivait en parlant de Jésus :
« Sans l'avoir vu, vous l'aimez, sans le voir encore, mais en croyant, vous tressaillez d'une joie indicible et pleine de gloire. » [7].
Thérèse avait très bien compris le danger « d'être tout » ; la foi et l'amour l'empêchent de tomber dans le panthéisme : en acceptant toutes ses limites et sa petitesse de créature - « Je ne suis qu'une enfant, impuissante et faible » [8] - peut réellement être divinisée par l'amour :
« Je compris que l'Amour renfermait toutes les Vocations, que l'Amour était tout, qu'il embrassait tous les temps et tous les lieux... en un mot qu'il est Éternel ! Alors dans l'excès de ma joie délirante je me suis écriée : Ô Jésus mon Amour... ma vocation enfin je l'ai trouvée, ma vocation, c'est l'Amour !... Oui j'ai trouvé ma place, dans l'Église et cette place, ô mon Dieu, c'est vous qui me l'avez donnée... dans le Cœur de l'Église, ma Mère, je serai l'Amour... ainsi je serai tout... ainsi mon rêve sera réalisé !!! » (Ms B 3 v)
Source :
F.-M. Léthel, Théologie de l'amour de Jésus. Éd. du Carmel 1996, p. 161-169.
[1] Ms A, 44v
[2] Ms A, 46v
[3] Poésie Vivre d'Amour PN 17/2
[4] PN 28/2
[5] Poésie 45, 7
[6] St Thomas d'Aquin, Somme théologique II, II, q 27a 4, 5, et 6.
[7] 1P 1, 8
[8] Ms B 3v
-sur ste Thérèse de Lisieux (1873-1897), docteur de l’Église, dans l’Encyclopédie mariale