Devant la catastrophe qui endeuille l'océan Indien, chaque mot, au-delà de la compassion et de la solidarité, risque d'être un poncif. Seuls, le silence, le recueillement et la prière, sont à la mesure d'un pareil drame. La Foi dans des moments aussi tragiques ne diminue pas la souffrance ni la tentation du désespoir, elle ne retisse pas le fil des vies rompues. Au pied de la croix, quand il n'y a plus rien à dire, elle permet seulement de se tenir debout et dans le silence de tenter de répondre à l'éternelle plainte qui monte du cœur de l'homme : « Pourquoi cela ? Pourquoi lui ou elle, et pas moi ? »
Un ami que j'interrogeais sur ce mystère m'a fait parvenir, en guise de réponse et en ce début d'Année Eucharistique, le récit d'un miracle reconnu officiellement par l'Eglise[1]. Il n'est pas sans lien avec l'actualité et nous rappelle que Dieu est le maître du temps et de l'Histoire.
Le 31 janvier 1906, un tremblement de terre secoue la Colombie. A Tumaco, petit village, très bas au bord de l'océan, les maisons se fissurent et les statues de l'Eglise s'effondrent. Toute la population terrorisée se réunit sur la place du village autour de son curé, au pied d'une grande croix. Alors qu'ils sont en prière, le Père Larrondo voit la mer se retirer et découvrir une large bande de sable.
Le prêtre comprend qu'un raz de marée se prépare. Il se précipite dans l'église, s'agenouille devant le tabernacle, l'ouvre, saisit le ciboire, consomme toutes les hosties à l'exception d'une seule. Puis il revient en silence vers les villageois, portant l'hostie, entre ses doigts, très haut, au-dessus de sa tête. Au large, une énorme vague se forme et avance rapidement vers la plage et les habitants totalement paniqués.
Le prêtre marche alors vers le rivage, l'hostie élevée au-dessus de lui. Spontanément les villageois, subjugués par le calme du prêtre, le suivent en procession. A l'instant où la première vague déferle sur eux, le père Larrondo bénit la mer avec l'hostie. A la stupeur des villageois, la masse d'eau s'arrête net à quelques mètres du prêtre qui sera même « un peu mouillé jusqu'à la ceinture », racontent les témoins. Puis le flot reflue comme en s'inclinant devant l'hostie dans un fracas assourdissant. Le curé « un peu pâle », disent encore les témoins, regagne l'Eglise suivi de ses paroissiens, alors que les séismes et le raz de marée ravagent des centaines de kilomètres de côtes autour de leur village.
Le récit du miracle rapporte que les paroissiens demeurèrent devant l'hostie durant des « heures et des heures » en chantant ce Psaume de louange : « O Seigneur, on dira ta puissance de terreur et moi je raconterai ta grandeur ! » (Ps 145). Puisse cette prière monter aussi dans nos cœurs en ce début d'année si tragique.
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[1] Prodigios Eucaristicos, Frère Antonio Corrdor Garcia, o.f.m. (p. 106-113).
dans Famille Chrétienne n°1408 du 8 au 14 janvier 2005
Thierry BOUTET