Comment définir les « principales » apparitions ?
Plusieurs critères sont possibles :
Selon le critère "les apparitions reconnues par l'Eglise catholique romaine" nous aurions quinze apparitions, dont celle d'Aparecida qui n'est pas à proprement parler une apparition mais la découverte surprenante d'une statue : Guadalupe ; Aparecida ; Notre Dame du Laus ; Alphonse Ratisbonne ; La Salette ; Lourdes ; Pontmain ; Gietrzwald ; Fatima ; Beauraing ; Banneux ; Amsterdam ; Betania ; Akita ; Kibeho.
Notons que certaines apparitions sont reliées entre elles : L'apparition d'Akita est liée à celle d'Amsterdam (toutes deux reconnues). L'apparition à Ratisbonne et celles de Zeitun reprennent celle de la rue du Bac (mais cette dernière n'est pas reconnue).
Ajoutons celle de Zeitun (Egypte) reconnue par l'Eglise copte.
Si nous retenons "les apparitions donnant lieu a une fête liturgique dans le calendrier romain universel", il y en a seulement 4 : Guadalupe (Mexique), la Rue du Bac (Paris), Lourdes (France), Fatima (Portugal). Et il faut aussi évoquer l'apparition à Blacherne (Constantinople) au X° siècle, une apparition qui a donné lieu à la fête liturgique slave du Pokrov.
Le critère "apparitions reconnues et récentes, visant la paix et la réconciliation entre les peuples" semble une clé de lecture intéressante qui permet de rapprocher 5 apparitions reconnues et récentes : Fatima (Portugal, 1917), Amsterdam (Pays Bas, 1945-1959), Akita (Japon, 1973-1975), Betania (1976-1984, Venezuela), Kibeho (Rwanda 1981-1983)...
C'est en tenant compte de tous ces critères que nous avons rédigé cette page, sans doute un peu longue puisqu'elle présente 17 apparitions, mais qui a le mérite de donner une vue d'ensemble construite sur des critères précis.
Blacherne (Istanbul, X° siècle)
Les Russes attaquèrent Blacherne en l'an 860 mais il s'enfuirent devant la relique du manteau de Marie et ils demandèrent des missionnaires pour leur pays.
Au siècle suivant (X° siècle), à Blacherne, la Vierge apparut à André, un Fol-en-Christ d'origine slave, et à son disciple Epiphane.
De là vient la fête orthodoxe de la "Protection de la Mère de Dieu" célébrée le 1er octobre (le 14, selon le calendrier julien utilisé par les Eglises orthodoxes de rite slavon).
Durant un temps assez long, les deux voyants virent le voile briller au dessus de la foule, ce à quoi fait allusion la liturgie slave du 1° octobre (Pokrov).
Guadalupe (Mexique, 1531)
C'est l'époque de la conquête espagnole, avec tous ses drames humains. La Vierge apparaît à Guadalupe sous les traits de métis, eux qui étaient le fruit des viols, et donc très méprisés.
Le 12 décembre 1531 est une date qui indique pour les Aztèques une nouvelle ère.
La survie de l'univers, selon leurs croyances, nécessite des sacrifices humains par dizaine de milliers. L'apparition de Marie désigne le Christ (elle est enceinte et porte une petite croix), elle réoriente vers le Christ l'intuition aztèque d'un sacrifice rédempteur.
La Vierge apparaît sur « la Tilma » du voyant Juan Diego. Etant donné la symbolique de la Tilma, ceci indique que Marie protège, donne la dignité, invite à un mariage spirituel, porte la nourriture spirituelle, le Christ.
A l'époque, aussi bien les Espagnols que les Indiens sont divisés entre eux. L'apparition rassemble le peuple par le baptême et autour de l'évêque et entraîne une évangélisation d'une efficacité extraordinaire : 9 millions de conversions en sept ans !
L'évêque présent au moment des faits, Fray Juan Zumárraga, reconnaît les faits.
Aparecida (Brésil, 1717)
En septembre 1717, à 180 km de Sao Paulo, trois pêcheurs découvrent une petite statue de l'Immaculée conception, de couleur sombre et au visage souriant, qu'ils ont pêchée dans leur filet, - dans lequel ils prirent ensuite des poissons en abondance.
Les pêcheurs l'appellent « Aparecida », ce qui signifie : celle qui est apparue, qui fut trouvée là par surprise.
Grâces et miracles se multiplient, reconnus par le curé. Un sanctuaire est construit.
La médaille miraculeuse (Paris, rue du Bac, 1830)
La fête liturgique du 27 décembre commémore la médaille dite miraculeuse. L'apparition qui a donné lieu a cette médaille n'a pas encore fait l'objet d'une reconnaissance officielle.
Le 18 juillet 1830, la Vierge désigne de la main l'autel où repose le tabernacle et dit:
« Venez au pied de cet autel. Là, les grâces seront répandues sur toutes les personnes qui les demanderont avec confiance et ferveur.»
Le 27 novembre 1830, à l'occasion de la description de la médaille que la Vierge demande, Catherine voit s'inscrire en demi-cercle cette invocation en lettres d'or:
« O Marie conçue sans péché priez pour nous qui avons recours à vous ».
Alors une voix se fait entendre:
« Faites, faites frapper une médaille sur ce modèle.Les personnes qui la porteront avec confiance recevront de grandes grâces ».
Alphonse Ratisbonne (Rome, 1842)
En 1842, Alphonse Ratisbonne, un jeune juif, était en voyage touristique à Rome. Il avait accepté, par pure courtoisie de porter la médaille miraculeuse. Entrée dans l'église saint André, la Vierge Marie lui apparut dans la même attitude que sur la médaille. « Elle m'a fait signe de la main de m'agenouiller, une force irrésistible m'a poussé vers elle ; la Vierge a semblé me dire : c'est bien ! Elle ne m'a point parlé, mais j'ai tout compris » Il se convertit et devint prêtre.
La Salette (France, 1846)
L'apparition a lieu le 19 septembre 1846. La clarté qui enveloppe Notre Dame et les deux voyants vient d'un grand Crucifix que Marie porte sur sa poitrine. Elle porte sur ses épaules une lourde chaîne et, à côté, des roses. Elle verse des larmes silencieuses. Son message, destiné à tout le peuple, demande entre autre la prière du matin et du soir, le jeûne du carême, le respect du nom de Dieu et le repos du dimanche.
L'apparition a mis Mgr de Bruillard en difficulté, car le cardinal de Bonald y était opposé, ainsi que Jean-Marie Vianney, dérouté par l'impulsivité provocante de Maximin. Mgr de Bruillard enregistra officiellement le secret le 3 juillet 1851 avec toutes les formes juridiques et l'envoya par deux légats au pape qui le lut en leur présence et fut positivement impressionné. Il encouragea la reconnaissance de l'apparition par Mgr de Bruillard le 19 septembre 1851 : l'apparition, « portant en elle-même tous les caractères de la vérité, est indubitable et certaine ».
Lourdes (France, 1858)
Les apparitions de Lourdes à Bernadette ont duré entre le 11 février et le 16 juillet 1858.
Le 25 mars 1858, l'apparition donne son nom : je suis l'immaculée conception.
Selon Bernadette, la vierge avait son âge et sa taille (donc 1m 40). Bernadette allait du cachot à la grotte de l'apparition. Comme elle, le pèlerin quitte ses enfermements et marche vers la grotte où l'attend un être de lumière, pour une nouvelle naissance.
L'apparition fut reconnue le 18 février 1862 avec un discernement exemplaire. « La Vierge a réellement apparu à Bernadette Soubirous. »
Pontmain (France, 1871)
Le 17 janvier 1871, alors que les Prusses envahissent la France, la Vierge Marie apparaît dans le ciel, avec un message, écrit : «Mais priez mes enfants, Dieu vous exaucera en peu de temps, Mon Fils se laisse toucher.» Puis une croix sanglante apparaît, tenu par la Vierge Marie. La Croix sanglante s'efface bientôt pour laisser place à deux croix blanches lumineuses qui nous semblent, avec le sourire retrouvé de Marie, annoncer la Résurrection.
Il y eut une remarquable cohérence entre l'évêque, sa commission et le curé témoin de l'unique apparition. Le 2 février 1871, Mgr C.A.J. Wicart annonça son jugement canonique par mandement, en ces termes : « Nous jugeons que l'Immaculée Vierge Marie, Mère de Dieu, a véritablement apparu le 17 janvier 1871 à Eugène Barbedette, Joseph Barbedette, Françoise Richer et Jeanne-Marie Lebossé » (R. Laurentin, Pontmain, Laval, 1971, 187).
Gietrzwald (1877, Pologne)
Entre le 27 juin 1877 et le 16 septembre 1877, la Vierge est apparue à deux enfants. Le 30 juin 1877, l'apparition dit, par exemple (en polonais) : « Je désire que vous récitiez le rosaire tous les jours. ».
Fut reconnue les 24-25 juillet 1977 lors du centenaire des apparitions, par la Conférence épiscopale polonaise où siégeaient les cardinaux Wyszynski et Wojtyla, avec la formule juridique : « Les apparitions sont dignes de crédibilité. »
Fatima (1917, Portugal)
Le message est trop riche pour être résumé en quelques mots (il y a la prière que l'ange enseigne, il y a le chapelet pour la paix ; il y a les demandes de consécration formulées différemment ; il y a la dévotion du samedi).
Ce message possède une portée géopolitique : si nous faisons ce que demande la vierge Marie, la Russie se convertira et un temps de paix sera accordé au monde... « A la fin, mon cœur immaculé triomphera ».
Le 13 octobre 1930, l'évêque de Leiria reconnut l'authenticité des faits en ces termes : « Nous jugeons bon de déclarer dignes de foi les visions que les enfants eurent à la Cova de Iria, paroisse de Fatima [...] le 13 de chaque mois de mai à octobre 1917. »
Beauraing (Belgique, 1932)
A 33 reprises, du 29 novembre au 3 janvier, la Vierge Marie apparaît à cinq enfants.
La Vierge apparaît au-dessus d'un pont de chemin de fer, puis sur une aubépine, dans la cour de l'école.
A partir du 29 décembre, les enfants aperçoivent, entre ses bras ouverts en signe d'au revoir, son cœur tout illuminé, tel un cœur d'or.
Le cardinal Van Roey, archevêque de Malines émit son jugement positif le 2 juillet 1949 : «Nous pouvons, en toute sérénité et prudence, affirmer que la Reine des Cieux apparut aux enfants de Beauraing, au cours de l'hiver 1932-1933 »
Banneux (Belgique, 1933)
Mariette Béco, domiciliée au lieu-dit « la Fange », ne fréquente ni l'église ni le catéchisme. Jusqu'au jour où la Vierge l'invite et la guide sur le chemin...
La première apparition a lieu le dimanche 15 janvier 1933, vers dix-neuf heures. Dehors, il gèle à -12 degrés. La Vierge l'appelle et Mariette la suit...
Le 19 janvier : - Qui êtes-vous, ma belle Dame ? - Je suis la Vierge des Pauvres.
Puis la Vierge invite l'enfant à plonger ses mains dans une source... « - Cette source est réservée pour toutes les nations [...] pour soulager les malades. »
Le 22 août 1949, l'évêque de Liège reconnut le caractère surnaturel des apparitions.
Amsterdam (Pays-Bas, 1945-1959)
Marie veut être dans ce temps la "Dame, Mère de tous les Peuples". C'est ainsi qu'elle s'est présentée à Amsterdam de 1945 à 1959 au cours d'apparitions.
Ida Perdemann, la voyante, reçut aussi une prière :
« Seigneur Jésus-Christ, Fils du Père, répands à présent Ton Esprit sur la terre.
Fais habiter l'Esprit Saint dans les cœurs de tous les Peuples, afin qu'ils soient préservés de la corruption, des calamités et de la guerre.
Que la Dame de tous les Peuples, la bienheureuse Vierge Marie, soit notre Avocate. Amen. »
Le 31 mai 2002, Son Exc. Mgr Josez Punt, devenu Évêque de Haarlem, signait un décret dans lequel il reconnaissait le caractère surnaturel des apparitions de la Dame de tous les Peuples, affirmant que ces apparitions nous sont «une aide pour comprendre les signes des temps et pour aider à vivre plus intensément l'Évangile».
Déclaration de S. Exc. Mgr Joseph-Marie Punt, évêque de Haarlem, en Hollande ou Pays-Bas, concernant les apparitions de la Dame de tous les Peuples à Amsterdam
comme étant d'origine surnaturelle : cliquez.
Zeitun (Egypte 1968)
A partir du 2 avril 1968, la Vierge Marie est apparue au Caire, à Zeitun. Les apparitions continuèrent pendant des mois et furent visibles par des foules considérables de musulmans et de chrétiens. Le plus souvent, elle avait la position de la vierge de la médaille miraculeuse, et fut accompagné de symboles de réconciliation, notamment des colombes.
Cette série d'apparitions n'a pas été reconnue par l'Eglise catholique, mais par le patriarche copte d'Egypte, très estimé mais indépendant de Rome.
Akita (Japon, 1973-1975)
Cinq religieuses d'un Institut séculier disposent d'une chapelle avec, près du tabernacle, une statue représentant la Vierge, debout sur un globe et adossée à la Croix, réplique de la Vierge apparue à Amsterdam : Notre Dame de Tous les Peuples.
Le 5 juillet 1956, Agnès ressent une blessure à la main, et son ange l'attire à la chapelle, elle regarde la statue et perçoit sur les mains de la Vierge une blessure analogue à la sienne, le sang suinte également.
Le samedi 13 octobre 1973, après laudes, oraison et chapelet, elle reçoit un nouveau message : « Un feu tombera du ciel et anéantira une grande partie de l'humanité [...]. Les armes qui vous resteront seront le rosaire et le signe [de la croix] que le Fils a laissé. » Les messages ont été accompagnés parfois de la vision d'une grande lumière, parfois d'un parfum ineffable...
Le 4 janvier 1975, premier samedi du mois, vers neuf heures du matin, la sœur sacristine s'étonne : le socle de la statue est mouillé. Elle a versé encore ensuite des larmes, en tout : 101 fois et, au cours du temps, 2000 témoins.
Les effusions de la statue de Notre-Dame d'Akita ont été reconnues le 22 avril 1984, non sans peine, grâce à la persévérance, à la conviction spirituelle et à deux voyages de Mgr Itô à Rome, car la Conférence épiscopale du Japon, égarée par le jugement d'experts qui expliquaient ces effusions par une invraisemblable hypothèse parapsychologique, était contre. Il obtint de poursuivre l'enquête avec des analyses scientifiques concluantes.
Betania (1976-1984, Venezuela)
La Vierge apparut à Maria Esperanza Medrano de Bianchini pour la première fois le 25 mars 1976, au-dessus de la grotte, à côté d'une source : « Ma fille, je vous ai donné mon cœur, je vous le donne et vous le donnerai toujours. Je suis votre refuge. » La Vierge « rayonnante de lumière » dit à Maria Esperanza: « Je suis la réconciliatrice des peuples. »
Le 25 mars 1978, quinze personnes « voient la Vierge ».
Le 25 mars 1984, après la messe, les gens se détendaient et soudain, la Vierge leur apparut, au-dessus de la cascade. Et tout cela, pour des gens très divers. « Au moins cinq cents à mille personnes, mais, à mon avis, beaucoup plus de mille », estime l'évêque...
L'évêque, professeur de théologie spirituelle et de psychologie à l'université de Caracas, préféra mener l'enquête par lui-même. Il interrogea plus d'une centaine de témoins et reconnut les faits le 21 novembre 1987.
Kibeho (1981-1989, Rwanda)
Les apparitions de la Vierge commencèrent le 28 novembre 1981 et se terminèrent le 28 novembre 1989.
Nathalie Mukamazimpaka, l'une des trois voyantes de Kibeho rappelle :
« La Vierge m'a appris à prier la couronne du Rosaire des 7 douleurs parce qu'elle disait que se préparait une tragédie pour le Rwanda. La Madone nous a demandé de changer notre style de vie, d'aimer les sacrements, de faire pénitence, de prier sans cesse en récitant le Rosaire des 7 douleurs pour la conversion du cœur de ceux qui se sont éloignés de Dieu, et d'être humbles en demandant pardon et en pardonnant. »
Le sanctuaire, qui ne possède pas encore toutes les infrastructures nécessaires, attire des foules de plus en plus considérables, attirées par un message de sanctification de la douleur humaine et de réconciliation. Le mystère pascal est en effet le centre incandescent de la prière chrétienne.
L'apparition fut remarquablement étudiée par Mgr Gahamanyi, évêque de Butaré, qui nomma une commission excellente, formée des théologiens de son séminaire. Les apparitions à trois voyants furent reconnues en l'an 2000.
Synthèse F. Breynaert
Source : Cf. René LAURENTIN et Patrick SBALCHIERO, article « Apparitions reconnues » dans : Dictionnaire encyclopédique des apparitions de la Vierge. Inventaire des origines à nos jours. Méthodologie, prosopopée, approche interdisciplinaire, Fayard, Paris 2007. (1405 pages)