La démocratie : que dit l’Eglise ?

La démocratie : que dit l’Eglise ?

406 L'encyclique « Centesimus annus » renferme un jugement explicite et structuré sur la démocratie:

« L'Église apprécie le système démocratique, comme système qui assure la participation des citoyens aux choix politiques et garantit aux gouvernés la possibilité de choisir et de contrôler leurs gouvernants, ou de les remplacer de manière pacifique lorsque cela s'avère opportun.

Cependant, l'Église ne peut approuver la constitution de groupes dirigeants restreints qui usurpent le pouvoir de l'État au profit de leurs intérêts particuliers ou à des fins idéologiques.

Une démocratie authentique n'est possible que dans un État de droit et sur la base d'une conception correcte de la personne humaine. Elle requiert la réalisation des conditions nécessaires pour la promotion des personnes, par l'éducation et la formation à un vrai idéal, et aussi l'épanouissement de la "personnalité" de la société, par la création de structures de participation et de coresponsabilité ».

Jean-Paul II, Encycl. Centesimus annus, 46: AAS 83 (1991) 850

a) Les valeurs de la démocratie

407 Une démocratie authentique n'est pas seulement le résultat d'un respect formel de règles, mais le fruit de l'acceptation convaincue des valeurs qui inspirent les procédures démocratiques: la dignité de chaque personne humaine, le respect des droits de l'homme, le « bien commun » comme fin et critère de régulation de la vie politique. S'il n'existe pas de consensus général sur de telles valeurs, la signification de la démocratie se perd et sa stabilité est compromise.

La doctrine sociale identifie le relativisme éthique comme l'un des risques majeurs pour les démocraties actuelles, lequel induit à estimer qu'il n'existe pas de critère objectif et universel pour établir le fondement et la hiérarchie correcte des valeurs:

« On tend à affirmer aujourd'hui que l'agnosticisme et le relativisme sceptique représentent la philosophie et l'attitude fondamentale accordées aux formes démocratiques de la vie politique, et que ceux qui sont convaincus de connaître la vérité et qui lui donnent une ferme adhésion ne sont pas dignes de confiance du point de vue démocratique, parce qu'ils n'acceptent pas que la vérité soit déterminée par la majorité, ou bien qu'elle diffère selon les divers équilibres politiques. À ce propos, il faut observer que, s'il n'existe aucune vérité dernière qui guide et oriente l'action politique, les idées et les convictions peuvent être facilement exploitées au profit du pouvoir. Une démocratie sans valeurs se transforme facilement en un totalitarisme déclaré ou sournois, comme le montre l'histoire ».

Jean-Paul II, Encycl. Centesimus annus, 46: AAS 83 (1991) 850

 

Fondamentalement, la démocratie est

« un "système" et, comme tel, un instrument et non pas une fin. Son caractère "moral" n'est pas automatique, mais dépend de la conformité à la loi morale, à laquelle la démocratie doit être soumise comme tout comportement humain: il dépend donc de la moralité des fins poursuivies et des moyens utilisés ».

Jean-Paul II, Encycl. Evangelium vitae, 70: AAS 87 (1995) 482

b) Institutions et démocratie

408 Le Magistère reconnaît la valeur du principe relatif à la division des pouvoirs au sein d'un État:

« Il est préférable que tout pouvoir soit équilibré par d'autres pouvoirs et par d'autres compétences qui le maintiennent dans de justes limites. C'est là le principe de l'"État de droit", dans lequel la souveraineté appartient à la loi et non pas aux volontés arbitraires des hommes ».

Jean-Paul II, Encycl. Centesimus annus, 44: AAS 83 (1991) 848

Dans le système démocratique, l'autorité politique est responsable face au peuple. Les organismes représentatifs doivent être soumis à un contrôle effectif par le corps social.

Ce contrôle est possible avant tout grâce à des élections libres, qui permettent de choisir et de remplacer les représentants.

L'obligation, pour les élus, de rendre compte de leur action, et qui est garantie par le respect des échéances électorales, est un élément constitutif de la représentation démocratique.

409 Dans leur domaine spécifique (élaboration des lois, activité gouvernementale et contrôle de celle-ci), les élus doivent s'engager à rechercher et à mettre en œuvre ce qui peut contribuer à la bonne marche de la communauté humaine dans son ensemble.

L'obligation qu'ont les gouvernants de répondre aux gouvernés n'implique absolument pas que les représentants soient de simples agents passifs des électeurs.

Le contrôle exercé par les citoyens n'exclut pas, en effet, la liberté nécessaire dont les élus doivent jouir dans l'accomplissement de leur mandat en rapport avec les objectifs à poursuivre: ceux-ci ne dépendent pas exclusivement d'intérêts partisans, mais, dans une bien plus grande mesure, de la fonction de synthèse et de médiation en vue du bien commun, qui constitue une des finalités essentielles et incontournables de l'autorité politique.

c) Les éléments moraux de la représentation politique

410 Ceux qui exercent des responsabilités politiques ne doivent pas oublier ou sous-évaluer la dimension morale de la représentation, qui consiste dans l'engagement à partager le sort du peuple et à chercher la solution des problèmes sociaux.

Dans cette perspective, autorité responsable signifie aussi autorité exercée en faisant appel aux vertus qui favorisent la pratique du pouvoir dans un esprit de service (patience, modestie, modération, charité, effort de partage); une autorité exercée par des personnes capables d'assumer de façon authentique le bien commun comme finalité de leurs propres actions, et non pas le prestige ou l'obtention d'avantages personnels.


Conseil Pontifical Justice et Paix,

Compendium de la doctrine sociale de l'Eglise, 2 avril 2004,

§ 406-410