Tertullien († 222 environ) est le plus grand apologiste latin et le pionnier de la théologie occidentale. A la suite des Pères du deuxième siècle, il proclame avec vigueur le noyau primitif de la foi sur lequel s'appuie toute l'œuvre du salut : la conception virginale et la maternité réelle de Marie.
La maternité de Marie est vraie dans le sens précis que le Christ était vraiment homme, il a vraiment pris son corps en elle, sa chair était une vraie chair humaine. Par cette manière réelle d'être homme, le Fils de Dieu, par Marie, résume en lui-même l'héritage des patriarches, les promesses de Dieu à Israël, et il s'unit au premier homme Adam dont il devient le fils et le Sauveur :
« Dites-moi, je vous prie, si l'Esprit de Dieu est descendu dans une matrice sans avoir l'intention d 'y prendre chair pourquoi descendre dans une matrice ? Il aurait pu en effet rester à l'extérieur pour prendre une chair spirituelle. »[1]
« Quelle sorte de chair pouvons-nous et devons-nous reconnaître dans le Christ ? Assurément, nulle autre chair que celle d'Abraham, puisque le Christ est la semence d'Abraham; nulle autre chair que celle de Jessé, puisque le Christ est la fleur de la racine de Jessé ; nulle autre chair que celle de David, puisque le Christ est le fruit des reins de David ; nulle autre chair que celle de Marie, puisque le Christ est du sein de Marie ; enfin pour remonter encore plus haut, nulle autre chair que celle d'Adam, puisque le Christ est le second Adam. »[2].
La maternité de Marie est vraie, elle est aussi virginale : le Christ a Dieu pour Père et il a une vierge pour mère :
« Il ne convenait pas que le Fils de Dieu naquit d'une semence humaine, de crainte qu'entièrement fils de l'homme, il ne fut pas également fils de Dieu et n'eut rien eu de plus en lui que Salomon ou que Jonas (...)
Pour être en même temps fils de l'homme, c'était sa chair, et elle seulement, qu'il devait prendre de la chair de l'homme, sans la semence de l'homme. En effet la semence de l'homme était superflue pour qui avait en soi la semence de Dieu. Ainsi, de même qu'avant de naître d'une vierge, il a pu avoir Dieu pour père sans avoir une mère humaine, de même, en naissant de la Vierge, il a pu avoir une mère humaine sans avoir de père humain. »[3]
Tertullien a su considérer la maternité virginale de Marie sous son aspect le plus profond qui la rattache au mystère trinitaire (Dieu Père, Fils et Esprit Saint). C'est le mérite du grand théologien africain.
[1] Tertullien, De carne Christi 19,5 , dans J-P MAHE, Tertullien, la chair du Christ, source chrétiennes 216, Paris, Cerf, 1975, p. 289
[2] Tertullien, De carne Christi 22, 6, dans J-P MAHE, Tertullien, la chair du Christ, source chrétiennes 216, Paris, Cerf, 1975, p. 301
[3] Tertullien, De carne Christi 18, dans J-P MAHE, Tertullien, la chair du Christ, source chrétiennes 216, Paris, Cerf, 1975, p. 283-285
A. Gila