Rabbi Me'ir disait:
« Chaque homme a l'obligation de dire cent bénédictions par jour. »
(Menahot 43b)
Au-delà du cadre officiel du culte à la synagogue, la bénédiction (berakah) est usuelle chez les Juifs dans les différentes actions de la journée: dans l'acte de se réveiller au matin et de se coucher le soir, dans les repas, dans le travail, dans les voyages, dans les événements ou rencontres significatives, dans les maladies et dans la mort elle-même.
« Grâce à la berakah l'univers devient un sanctuaire immense à pénétrer et à traverser avec vénération et contemplation. » [1]
La « berakah » (prière de bénédiction) opère un quadruple passage:
1. Du « moi » à Dieu, reconnu Seigneur de toutes les choses;
2. De la possession à l'accueil, parce que Dieu dans sa bonté fait bénéficier l'homme et il lui permet l'usage des réalités créées ;
3. De l'objet au cadeau, car le croyant considère la création comme effet de l'amour gratuit de Dieu;
4. De la manipulation à l'écoute obéissante, c'est-à-dire de l'utilisation des choses à des fins égoïstes au respect de leur intentionnalité voulue par Dieu. [2]
Marie entre dans la logique de la bénédiction, parce qu'elle se montre décentrée d'elle-même et projetée vers le Seigneur: se proclame sa "servante" (Lc 1,38 et 48), après en avoir écouté le message, elle loue Dieu de tout son être (Lc 1,46-47).
La « berakah » (prière de bénédiction) offre une double joie :
« la joie de se savoir objet de la bienveillance divine et la perception du monde comme parabole d'unité et d'harmonie » [3].
Marie l'a expérimenté, en effet le Magnificat est un hymne joyeux, motivé par l'expérience du regard bienveillant de Dieu sur son humble servante (Lc 1,48) et c'est un chant qui assume le « nous » communautaire ("comme il l'avait dit à nos pères": Lc l,55)
En harmonie avec la pitié hébraïque, l'ancien apocryphe « Transitus » met sur les lèvres de la Mère de Jésus, au seuil de la mort, une double série de bénédictions adressées à son Fils ou au Père:
« Je te bénis, signe du ciel apparu sur la terre pour m'élire et demeurer en moi. [...]
Je te bénis toi et tes trois ministres que tu as envoyés pour le ministère des trois voies.
Je te bénis toi et la lumière éternelle dans laquelle tu habites. Je bénis la plantation de tes mains, qui dure à jamais. [...]
Je te bénis, Seigneur de chaque bénédiction, je bénis les domiciles de ta gloire;
je bénis le grand Chérubin de la lumière, devenu ton habitacle en mon sein. [...]
Je te bénis avec toute la force qui m'est promise. »
[1] C. DI SANTE, La preghiera di Israele, Casale Monferrato 1985, p.44.
[2] Ibid., p.45-46
[3] F. MANNS, La preghiera d'Israele al tempo di Gesù, Bologna 1996,61.
Stefano de Fiores,
Faculté théologique pontificale « Marianum » à Rome.