Étienne Pinardeau. La Vierge Marie et l’Enfant Jésus offrant un cœur à saint Benoît et à sainte Scholastique. 1659.
Saint Benoît de Nursie (480-547) est une figure emblématique de très grande importance. Considéré par les Catholiques comme par les Orthodoxes comme le « Père des moines d'Occident », il domine de sa haute figure la chrétienté médiévale, où se répandit la règle bénédictine qu'il a édictée pour son abbaye du Mont-Cassin. L' influence de saint Benoît fut très importante sur le monachisme occidental et sur la civilisation européenne médiévale, ce dont témoigne le mouvement cistercien, qui en est héritier. Le pape Benoît XVI cite saint Benoît comme modèle du véritable humanisme. Saint Benoît est aussi, depuis 1964 et grâce au saint pape Paul VI, le premier des saints patrons de l’Europe, avec les saints Cyrille et Méthode qui ont été proclamés co-patrons de l’Europe par le saint pape Jean-Paul II en 1980, patronat que ces trois saints partagent désormais, depuis 1999, avec les saintes Brigitte de Suède, Catherine de Sienne et Thérèse-Bénédicte de la Croix (sainte Édith Stein). Saint Benoît est également le protecteur des scouts, des ingénieurs, des fermiers, des écoliers et des chaudronniers. C’est aussi le saint patron de l’Union internationale des guides et scouts d'Europe, et le saint patron des exorcistes. On fête Saint Benoît le 11 juillet. Dévot de la Vierge marie, saint Benoît entrait quotidiennement dans la louange avec la Vierge Marie, et a légué cette dévotion mariale à l’ordre bénédictin.
Les éléments biographiques de saint Benoît proviennent du Docteur de l’Église saint Grégoire le Grand (+ 604), qui, au VIès, soit plus de 40 ans après la mort de st Benoît, a écrit les Dialogues sur la vie et les miracles des Pères italiens et sur l'éternité des âmes, et a fondé lui-même un monastère dans sa propre maison familiale, selon la règle de saint Benoît.
Concernant st Benoît, il écrit dans le Livre II des Dialogues que
"L'homme de Dieu (st benoît) qui brilla sur cette terre par de si nombreux miracles, ne brilla pas moins par l'éloquence avec laquelle il sut exposer sa doctrine" (Dial. II, 36)
Jeune noble, originaire de Nursie en Ombrie, saint Benoît (480-547) fut envoyé à 15 ans à Rome faire ses études. Mais, sans doute écœuré par les mœurs dissolues d'un grand nombre de ses compagnons d'étude, il s'enfuit bientôt dans les montagnes, à l’est de Rome, en quête de Dieu. C’est dans une grotte de Subiaco qu’il devint ermite pendant trois ans, guidé par un ermite.
Fra Angelico. St Benoît dans sa grotte à Subiaco. Fra Angelico, Public domain, via Wikimedia Commons
Là, comme l’explique le pape Benoît XVI,
« Il dut supporter et surmonter en ce lieu les trois tentations fondamentales de chaque être humain: la tentation de l'affirmation personnelle et du désir de se placer soi-même au centre, la tentation de la sensualité et, enfin, la tentation de la colère et de la vengeance. Benoît était en effet convaincu que ce n'était qu'après avoir vaincu ces tentations qu'il aurait pu adresser aux autres une parole pouvant être utile à leur situation de besoin. Et ainsi, son âme désormais pacifiée était en mesure de contrôler pleinement les pulsions du "moi" pour être un créateur de paix autour de lui. Ce n'est qu'alors qu'il décida de fonder ses premiers monastères dans la vallée de l'Anio, près de Subiaco. »
C’est là qu’il se voit peu à peu entouré de disciples.
Il quitte alors la grotte et décide de s'installer avec ses disciples à Subiaco.
Abbaye Sainte- Scholastique de Subiaco. Livioandronico2013, CC BY-SA 4.0
À Subiaco, entouré de quelques disciples, saint Benoît écrit peu à peu la Règle bénédictine et y demeura une vingtaine d’années. En l'an 529, « entré dans une nouvelle phase de sa maturation intérieure et de son expérience monastique », comme le dit le pape Benoît XVI, après avoir laissé à son disciple le frère Maur la charge des moines restant sur place, saint Benoît s’installa, accompagné de quelques frères, au Mont-Cassin, qui deviendra le premier monastère bénédictin.
Philippe de Champaigne. L’ange désignant à saint Benoît l'emplacement du monastère du mont Cassin ; v.1656. Public domain, via Wikimedia Commons
Saint Benoît et ses frères s’installent au lieu-dit Cassino, le mont Cassin, dans le Latium. Là, ils doivent faire face à plusieurs manifestations démoniaques, que saint Benoît vainc par la prière et la destruction des idoles trouvées dans les bois environnants. St Benoît est pour cette raison connu pour son pouvoir sur les démons.
Spinello Aretino – cycle des la vie de st Benoît. St Benoît chassant un diable qui empêchait la construction de l’abbaye.1387. Spinello Aretino, Public domain, via Wikimedia Commons.
Saint Benoît organise la vie des moines, qui s'harmonise entre prière, méditation et travail intellectuel ou manuel (ora et labora, « prie et travaille »). L'esprit qui règne est celui de pauvreté, de charité et d’humilité. L’hôtellerie est à la disposition des pèlerins, des voyageurs, des malades – en particulier des lépreux. « Tout hôte qui viendra sera reçu comme le Christ », dit saint Benoît, et chacun travaille selon ses capacités. Saint Benoît participera également à la construction du monastère de Terracine, dans le Latium. Saint Benoît restera au Mont-Cassin jusqu’à sa mort, survenue le 21 mars 547, la même année que sa sœur sainte Scholastique, qui a fondé la branche féminine bénédictine. Saint Benoît y sera enterré. Les reliques de saint Benoît furent ensuite transportées du Mont-Cassin, alors abandonné après sa destruction par les Lombards, jusqu’à l’abbaye de Fleury, sur les bords de la Loire, en juin 655 (Saint-Benoît-sur-Loire). Ce monastère de Saint-Benoît-sur-Loire avait en effet été fondé vers 630-650, par des moines venus d'Orléans. On y respectait la règle de Saint-Benoît. À la suite de ce transfert, l'abbaye devint un important lieu de pèlerinage.
Translation des reliques de st Benoît (portail nord de l'église abbatiale de Saint-Benoît-sur-Loire. Gentil Hibou, CC BY-SA 3.0
Saint Benoît avec sa Règle et avec la famille bénédictine qu'il a fondée nous a laissé un patrimoine qui a porté des fruits dans le monde entier jusqu'à aujourd'hui.
« Dans tout le deuxième livre des Dialogues, Grégoire nous montre la façon dont la vie de saint Benoît était plongée dans une atmosphère de prière, fondement central de son existence. Sans prière l'expérience de Dieu n'existe pas. Mais la spiritualité de saint Benoît n'était pas une intériorité en dehors de la réalité. Dans la tourmente et la confusion de son temps, saint Benoît vivait sous le regard de Dieu et ne perdit ainsi jamais de vue les devoirs de la vie quotidienne et l'homme avec ses besoins concrets. En voyant Dieu, saint benoît comprit la réalité de l'homme et sa mission. »[1]
Enluminure du XIVès. Saint Benoît expliquant la Règle à Caesarius de Heisterbach. Unknown / (of the reproduction) Heinrich-Heine-Universität Düsseldorf/ Universitäts- und Landesbibliothek Düsseldorf, Public domain, via Wikimedia Commons.
« Dans sa Règle, saint Benoît qualifie la vie monastique d'"école du service du Seigneur" (Prol. 45) et il demande à ses moines de "ne rien placer avant l'Œuvre de Dieu [c'est-à-dire l'Office divin ou la Liturgie des Heures]" (43, 3). Saint Benoît souligne cependant que la prière est en premier lieu un acte d'écoute (Prol. 9-11), qui doit ensuite se traduire par l'action concrète. "Le Seigneur attend que nous répondions chaque jour par les faits à ses saints enseignements", affirme-t-il (Prol. 35).
Ainsi, la vie du moine devient une symbiose féconde entre action et contemplation "afin que Dieu soit glorifié en tout" (57, 9). En opposition avec une réalisation personnelle facile et égocentrique, aujourd'hui souvent exaltée, l'engagement premier et incontournable du disciple de saint Benoît est la recherche sincère de Dieu (58, 7) sur la voie tracée par le Christ humble et obéissant (5, 13), ne devant rien placer avant l'amour pour celui-ci (4, 21; 72, 11) et c'est précisément ainsi, au service de l'autre, qu'il devient un homme du service et de la paix. Dans l'exercice de l'obéissance mise en acte avec une foi animée par l'amour (5, 2), le moine conquiert l'humilité (5, 1), à laquelle la Règle consacre un chapitre entier (7). De cette manière, l'homme devient toujours plus conforme au Christ et atteint la véritable réalisation personnelle comme créature à l'image et à la ressemblance de Dieu.
L’Abbé
À l'obéissance du disciple doit correspondre la sagesse de l'Abbé, qui dans le monastère remplit "les fonctions du Christ" (2, 2; 63, 13). Sa figure, définie en particulier dans le deuxième chapitre de la Règle, avec ses qualités de beauté spirituelle et d'engagement exigeant, peut-être considérée comme un autoportrait de saint Benoît, car - comme l'écrit Grégoire le Grand - "le saint ne put en aucune manière enseigner différemment de la façon dont il vécut" (Dial. II, 36). L'Abbé doit être à la fois un père tendre et également un maître sévère (2, 24), un véritable éducateur. Inflexible contre les vices, il est cependant appelé à imiter en particulier la tendresse du Bon Pasteur (27, 8), à "aider plutôt qu'à dominer" (64, 8), à "accentuer davantage à travers les faits qu'à travers les paroles tout ce qui est bon et saint" et à "illustrer les commandements divins par son exemple" (2, 12). Pour être en mesure de décider de manière responsable, l'Abbé doit aussi être un personne qui écoute "le conseil de ses frères" (3, 2), car "souvent Dieu révèle au plus jeune la solution la meilleure" (3, 3). Cette disposition rend étonnamment moderne une Règle écrite il y a presque quinze siècles! Un homme de responsabilité publique, même à une petite échelle, doit toujours être également un homme qui sait écouter et qui sait apprendre de ce qu'il écoute.
Saint Benoît qualifie la Règle de "Règle minimale tracée uniquement pour le début" (73, 8); en réalité, celle-ci offre cependant des indications utiles non seulement aux moines, mais également à tous ceux qui cherchent un guide sur leur chemin vers Dieu. En raison de sa mesure, de son humanité et de son sobre discernement entre ce qui est essentiel et secondaire dans la vie spirituelle, elle a pu conserver sa force illuminatrice jusqu'à aujourd'hui. »[2]
Plus de 20 000 fondations religieuses dans le monde adoptèrent la règle bénédictine, qui connut un important renouveau à partir du xe s. siècle sous l’influence des moines de Cluny.
Le saint pape Paul VI proclama saint Benoît Patron de l'Europe le 24 octobre 1964. Il salua l'œuvre merveilleuse accomplie par saint Benoît à travers la Règle pour la formation de la civilisation et de la culture européenne. Il a également attribué à saint benoît les titres de messager de la paix (pacis nuntius), architecte de l'unité (unitatis effector), maître de la culture et de la civilisation (civilis cultus magister), héraut de la foi chrétienne (religionis christianæ præco) et fondateur du monachisme occidental (monasticæ vitæ in occidente auctor). Depuis l980, grâce au saint pape Jean-Paul II, st Benoît partage ce patronat européen avec les saints Cyrille et Méthode, et les saintes Brigitte de Suède, Catherine de Sienne et Édith Stein (Thérèse-Bénédicte de la Croix). Saint Jean-Paul II a d’ailleurs composé une prière à la Vierge Marie pour l’Europe.
Comme le dit le pape Benoît XVI,
"Aujourd'hui, l'Europe - à peine sortie d'un siècle profondément blessé par deux guerres mondiales et après l'effondrement des grandes idéologies qui se sont révélées de tragiques utopies - est à la recherche de sa propre identité. Pour créer une unité nouvelle et durable, les instruments politiques, économiques et juridiques sont assurément importants, mais il faut également susciter un renouveau éthique et spirituel qui puise aux racines chrétiennes du continent, autrement on ne peut pas reconstruire l'Europe. Sans cette sève vitale, l'homme reste exposé au danger de succomber à l'antique tentation de vouloir se racheter tout seul - une utopie qui, de différentes manières, a causé dans l'Europe du XX siècle, comme l'a remarqué le Pape Jean-Paul II, "un recul sans précédent dans l'histoire tourmentée de l'humanité" (Insegnamenti, XIII/1, 1990, p. 58). En recherchant le vrai progrès, nous écoutons encore aujourd'hui la Règle de saint Benoît comme une lumière pour notre chemin. Le grand moine demeure un véritable maître à l'école de qui nous pouvons apprendre l'art de vivre le véritable humanisme. »
Ni la Règle bénédictine que saint Benoît a rédigée, ni sa vie ne mentionnent explicitement le nom de la Vierge Marie. On peut cependant constater que saint Benoît avait une dévotion particulière pour la Vierge Marie, et qu’il mettait en œuvre les vertus mariales.
Dans un passage de la Règle de saint Benoît, on lit que saint Benoît entrait quotidiennement dans la louange avec la Vierge Marie. Ainsi, dans la coutume liturgique bénédictine, et selon la demande de saint Benoît, chaque soir le cantique de la Vierge Marie est chanté. À la suite de saint Benoît, l’ordre bénédictin a donc conservé une grande dévotion envers la Vierge Marie.
Saint Benoît a été très souvent représenté, soit pour certains épisodes de sa vie (on peut citer les fresques de la vie de saint Benoît de Spinello Aretino, mais aussi le tableau de Jean Restout sur l’extase de st Benoît (1746), saint Benoît ermite à Subiaco, qui permet de représenter un paysage, saint Benoît exorcisant un moine, ou comme abbé : saint Benoît est alors représenté avec l'habit bénédictin (la coule noire), la tonsure, une crosse d'abbé, ainsi qu'une Bible.
On représente également Saint Benoît avec sa sœur sainte Scholastique, parce qu’ils sont l’un et l’autre fondateurs de l’ordre bénédictin.