Le Messie souffrant

Un Messie souffrant ?

Après la résurrection de Jésus, un homme assis dans son char lisait Isaïe 53, 7-8 et demanda à l’apôtre Philippe :

« "Je t'en prie, de qui le prophète dit-il cela? De lui-même ou de quelqu'un d'autre?"»

(Ac 8, 30-35)

Cet homme assis dans son char se demande si le prophète parle de lui-même. C'est un homme est familier avec la notion biblique d’une prophétie qui parle d’abord pour les contemporains, pour éclairer le sens d’une histoire dans un contexte précis.

Il se demande aussi si le prophète parle d’un autre : il est familiarisé avec l’ouverture messianique et eschatologique des textes de l’Ecriture.

Nous pourrions aussi nous poser les mêmes questions…

Un contexte historique

A l'époque du "deuxième Isaïe" (Is 40-55), Cyrus, le roi perse, permet le retour des Juifs qui étaient exilés à Babylone. Dieu exerce sa royauté sur l'histoire.

Parmi les Juifs, l'acteur principal n'est pas un roi (sur le modèle de David), c'est un mystérieux Serviteur devant qui des rois resteront bouche close (Is 52, 15).

Les chants du Serviteur ont été écrits dans le contexte du retour d’exil. Un contexte douloureux à plusieurs égards :

1- les exilés sont jugés comme des « punis » par ceux qui n’ont pas connu l’exil.

2- Pourtant, leur foi a tellement grandi qu’elle tient tête à la religion très conquérante de Cyrus le Perse.

3- Enfin, la nation se reconstruit mais elle est humiliée sous l’occupation perse et samaritaine.

C’est dans ce contexte qu’est chantée la mission du Serviteur qui rassemble les exilés, progressivement persécuté, jugé et mis à mort.

Les chants du Serviteur doivent être interprétés dans la théologie d’Isaïe, une vision universaliste, une foi en Dieu sauveur parce qu’il est aussi le Créateur, une spiritualité qui donne à l’amour de Dieu plus de poids qu’à toute logique.

Un texte relu, traduit, et qui en inspire d'autres

Ce texte a d’abord été écrit en hébreu.

Il a ensuite traduit en grec (la Septante), et cette traduction lui a donné une portée beaucoup plus collective, sans doute pour donner sens à la souffrance de tout un peuple, persécuté au temps de la domination grecque.

ll a été interprété par le targum grec dans un sens encore différent.

La figure de ce Serviteur a inspiré d’autres prophètes, notamment Daniel, et surtout Zacharie.

Un texte que Jésus accomplit

Jésus a fait de nombreuses allusions au Serviteur souffrant pour préparer ses disciples à comprendre les chemins de la Rédemption qu’il apporterait.

Dans le livre des Actes et dans les épîtres, ces chants du Serviteur sont largement repris.


Françoise Breynaert