L'église des Pères, fut très prudente au sujet des écrits apocryphes : les Pères ne donnaient pas beaucoup d'importance aux données historiques éventuelles qui auraient pu compléter les données bibliques, ils étaient par contre très sensibles à la pureté de la foi et leur première attention était de recueillir et de transmettre la Révélation contenue dans l'Écriture.
De tels écrits avaient parfois des conceptions théologiques peu exactes ou erronées. En outre, les hérétiques manipulaient aisément ce type de littérature pour propager leurs erreurs. Ceci explique les soupçons de saint Irénée († 200 c.) et la réaction de Tertullien († 240), aux prises avec le monde gnostique.
Au 3e siècle les réactions sont différentes: par exemple le livre d'Enoch est cité par Origène, avec la formule "si on veut bien les accepter comme livre sacré" (In Joannem, 6,21,7: SC 157,294) ; ce livre fut accueilli comme texte scripturaire dans l'Église éthiopienne, alors que les Constitutions Apostoliques le condamnent explicitement.
Au 4e siècle on observe chez les pères de l'Eglise d'Orient, une certaine attention à ce type de littérature, évidemment quand elle n'est pas hérétique.
L'apocryphe le plus significatif, le Protévangile de Jacques, est utilisé par Grégoire de Nysse[1], Epiphane de Salamine[2] etc. En Occident, il était connu mais on n'y faisait guère recours : typique est saint Ambroise, qui a donné beaucoup de place à la figure de Marie et aux réflexions sur sa virginité, mais qui ne parle pas du fait qu'elle ait été confiée aux prêtres du temple et ne mentionne pas les circonstances de la vie de la Vierge et de son accouchement décrites dans l'apocryphe.
Par la suite, les écrits apocryphes ne furent plus compris. Alors saint Jérôme, sans faire distinctions, met en garde contre tous les apocryphes, comme étant dangereux pour la doctrine, même s'il n'interdit pas leur lecture parce qu'avec une grande prudence on peut extraire aussi l'or de la boue (Epist 107,12).
Cependant, il n'existe pas de document où le magistère fasse une condamnation explicite d'une liste d'apocryphes. Le Décret Gélasien De libris recipiendis et non recipiendis, (en 500 environ.), aurait le style d'un document de condamnation, mais il a un caractère privé et ne peut pas être allégué comme un texte officiel.
En conclusion, les pères de l'Eglise entendaient par "Apocryphes" :
- des écrits dont l'origine est méconnue et dont on croit faussement l'attribution à tel ou tel auteur[3] ;
- des écrits qui unissent des données utiles à des erreurs doctrinales[4] ;
- des écrits qui ne sont pas admis à la lecture publique dans les églises, parce qu'ils ne sont pas canoniques.[5]
- des écrits hérétiques ou utilisés par les hérétiques[6].
Mais chaque genre littéraire a ses clés de lecture qu'il faut absolument connaître pour accéder aux messages transmis.
"Tous les genres littéraires des sources mariologiques de l'Église primitive - écrit le spécialiste E. Testa - ont un noyau historique, même s'il est embelli et théologisé." [7]
Comme la plus grande partie des livres de la Bible, cette littérature s'exprime par des symboles, des images. Sans prétention de précision, cette littérature est une tentative d'aborder humblement le transcendant, d'en capter et d'en faire capter le message.
[1] Oratio en diem nat. Christi: PG 46, 1137
[2] Panarion 78,7-9: GCS 37, 457-460
[3] cf JEROME, Ep. 107; AUGUSTIN, De civitate Dei, XV, 23; Faust. XI,2
[4] cf ORIGENE, Prol. En Cant; Comm. En Mt. Serm. 28; AUGUSTIN, Faust. XI,2
[5] cf RUFIN, Symb. 38; JEROME, Ep. 96; Prol. en Gal
[6] cf IRENEO, Adv. Haer. I,20; TERTULLIEN, De resurr. 63; CLÉMENT ALESS, Strom. I,15; III,4; IPPOLITO, Philos. VII,20
[7] E. TESTA, Marie di Nazaret, in NDM, 872.
A. Gila