Les mots "docète", ou "gnostique", sont des mots peu précis qui recouvrent beaucoup de nuances. Il faut parfois les utiliser pour parler rapidement. Nous connaissons mieux les courants gnostiques depuis 1945, quand furent découverts de nombreux manuscrits en Egypte, à Nag Hammadi. (1)
Simon le magicien et les prémices de la gnose.
Simon le magicien, originaire de Samarie, voulut acheter à saint Pierre le pouvoir de conférer le Saint Esprit et de faire les mêmes miracles que le diacre Philippe (Ac 8, 9). D'autres sources apocryphes parlent de ce personnage en développant son côté ésotérique et gnostique (2).
Restons-en aux sources bibliques, elles suffisent à comprendre que les prémices de la gnose chrétienne consistent à vouloir imiter Jésus mais en se sauvant tout seul. Le gnostique accepte souvent que Jésus soit le "Fils de Dieu" et la "Sagesse pré-existante" par qui tout a été créé et qu'il faut imiter, mais l'erreur du gnostique vient du fait qu'il croit pouvoir se sauver tout seul - quitte à acheter le salut comme voulut le faire Simon le magicien.
Quelques principes de la gnose :
Gnosticisme dérive du grec gnosis - connaissance.
Pour la gnose, la rédemption vient de la connaissance, de l'illumination des vérités transmises par un être venu d'en haut.
Dans les gnoses issues du christianisme, le rédempteur est le Christ, mais un Christ qui n'a pas grand chose à voir avec le Jésus-Christ des évangiles.
Généralement, la matière, l'énergie, les mathématiques et la connaissance de "Dieu" émanent l'un de l'autre par de multiples degrés mais sans qu'il n'y ait de réelle distinction (monisme).
Les textes gnostiques mettent le lecteur devant des raisonnements.
Pour les gnostiques, l'humanité est divisée en trois catégories:
- les pneumatiques, c'est-à-dire eux, les gnostiques ;
- les psychiques ou une grande partie de l'humanité et, en particulier, les chrétiens, la grande Église ;
- les « ilici » c'est-à-dire les hommes dominés par la matière et en qui il n'y a rien de divin.
D'une classe à l'autre il n'y a pas de passage : le gnostique naît et reste gnostique et ainsi les autres. (3)
Exemples d'écrits gnostiques issus du christianisme :
- L'Évangile de Marie (II° siècle).
- L'évangile de Judas (III° ou IV° siècle). Il veut réhabiliter la figure de Judas qui ne serait plus un traître mais au contraire le premier des apôtres pour avoir aidé Jésus à « se débarrasser de son enveloppe charnelle » (1)
- L'Évangile de vérité, (IIe siècle).
- L'Évangile selon Philippe (III° siècle) s'attache à mettre en relief la figure des femmes qui entouraient Jésus. Elles posséderaient la vraie gnose. Et pour signifier la supériorité de la connaissance de la Magdeleine, Jésus n'hésiterait pas à l'embrasser sur la bouche (sentence 32 et 63). L'imagination débridée de l'auteur dépeint ensuite un Jésus assurément différent de celui des . (1)
- L'Évangile de Thomas (avec une version grecque plus ancienne, et une version copte). Il s'agit d'un recueil de 114 paroles attribuées à Jésus. Citons la dernière pensée de cet écrit, qui relativise l'apparent féminisme de ce milieu sectaire : « Simon Pierre leur dit : 'Que Marie nous quitte, car les femmes ne sont pas dignes de la Vie.' Et Jésus dit : 'Voici que moi je l'attirerai pour la rendre mâle... car toute femme qui se fera mâle entrera dans le Royaume des cieux.' » (sentence 114). Les , et le féminisme de Luc en particulier, sonnent d'une toute autre manière. (1)
- Et deux que nous connaissons par les citations des Pères : Apocryphon Johannis (vers 100-150), Pistis Sophia (vers 240.). (3)
Marie dans les écrits gnostiques :
Les gnostiques, à cause de l'idée négative qu'ils avaient de tout ce qui est matière, croyaient que Jésus de Nazareth, fils de Marie et de Joseph, est le réceptacle du Christ céleste engendré en lui au baptême, ou que le Christ est né de Marie la vierge mais cependant pas dans le sens biologique (= ex Mariam), mais fonctionnel (= per Mariam) : le Christ passe par son sein mais n'a rien a reçu d'elle.
En conséquence, la présence de la mère de Jésus dans cette littérature hérétique est toujours très secondaire. (3)
(1) Charles Perrot, Jésus, Puf, Paris 1998. p.16.
(2) Rémi Gounelle, Lire dans le texte les apocryphes chrétiens, "Supplément au Cahier Évangile" n° 148, pages 109-110 (encadré).
(2) A. Gila, Cours à la Pontificia Facultà teologica « Marianum » 2003.
Synthèse Françoise Breynaert