Marcion a vécu au 2° siècle. Les écrits de Marcion ont disparu. Nous ne les connaissons que par les citations présentes chez les auteurs chrétiens qui le critiquent, notamment Justin, Irénée, Hypollite et Tertullien.
Marcion rejette l'Ancien Testament.
Marcion ne considère pas l'Ancien Testament comme Ecriture et il a aussi coupé dans les lettres de Paul tout ce qui se réfère à l'Ancien Testament.
Il se peut qu'il ait pensé qu'après la sanglante révolte des juifs contre les romains dans les années 132-135, il valait mieux pour les chrétiens témoigner n'avoir rien de commun avec les juifs.
Cette attitude n'a pas été celle de l'Eglise. Les chrétiens se souviennent des disciples d'Emmaüs, avant la fraction du pain, Jésus leur avait expliqué les Ecritures, « depuis Moïse et parcourant tous les prophètes » (Lc 24, 27). Cette première partie de l'Eucharistie dure jusqu'à nos jours : une lecture dit l'Ancien Testament ; puis la lecture de l'Evangile donne la lumière apportée par Jésus. Autrement dit, Jésus rejoint le peuple juif dans son histoire, avant de rejoindre les païens dans leur origine. Et les chrétiens, même au temps de la mission chez les païens, apprécient les « seuils de la foi » contenus dans l'Ancien Testament comme d'authentiques pédagogues (Galates 3, 24). « Ainsi nous tenons plus ferme la parole prophétique: vous faites bien de la regarder, comme une lampe qui brille dans un lieu obscur, jusqu'à ce que le jour commence à poindre et que l'astre du matin se lève dans vos cœurs. » (2Pierre 1, 19) L'Ancien Testament, est pour tous comme un géant qui porte Jésus. « Pour accueillir Jésus jusqu'à l'ouverture du ciel, il faut accueillir le géant qui le porte »[1].
Marcion rétrécit le Nouveau Testament.
Sans doute gêné pas les différences entre les évangiles, Marcion rejette les évangiles de saint Matthieu, Marc et Jean. Il ne garde que l'évangile de saint Luc. C'est un choix en opposition du choix d'un évangile quadriforme qui avait rapidement conquis la faveur au début du II° siècle.
De plus, passant outre le témoignage de la Vierge Marie (et de sa famille), dans la version de Marcion, l'évangile de Luc commence ainsi : « L'an quinze de Tibère César, au temps de Pilate, Jésus est descendu à Capharnaüm », ce qui connote une descente du ciel. Marcion a coupé le récit de la conception et de la Nativité parce qu'il a la conviction que Jésus n'est pas passé par une naissance mais qu'il est apparu d'une manière miraculeuse, entièrement formé[2].
Le Jésus de Marcion : un Jésus réduit, un « phantasma ».
Marcion ne doute pas que Jésus soit de nature divine. Mais Marcion pense que Jésus n'a pas participé à la nature humaine. On dit que Marcion a assimilé l'apparence corporelle de Jésus à la forme des anges qui ont visité Abraham (Gn 18, 1-8), mangé la nourriture d'Abraham, mais n'étaient manifestement pas vraiment de nature mortelle.[3] Marcion parle de Jésus comme d'un « phantasma (en grec) » (fantôme / spectre)[4]
Le corps de Jésus ressuscité est de la même substance céleste qu'il a toujours été, une forme, un « phantasma ». Jésus n'a pas vraiment subi les souffrances des mortels[5], et pourtant sa croix est rédemptrice car elle donne aux rachetés d'avoir part au corps céleste qui est l'Eglise.
Derrière cette vision de Jésus, il y a un mépris pour le corps, pour le mariage et pour les relations sexuelles, ainsi que pour toute la création matérielle. D'ailleurs sont supprimés tous les passages qui identifient le Dieu et Père de Jésus comme créateur du monde. La divinité que Jésus représente n'est pas le créateur des corps charnels. [6]
Il n'y a donc pas d'espérance cosmique. L'ascèse a une visée uniquement négative.
[1] Jacques Bernard, Les fondements bibliques, Parole et Silence, Paris 2009, p. 485
[2] Tertullien, Adv. Marc. IV, 7 ; IV, 21, 11.
[3] Tertullien, Adv. Marc. III , 19, 1.
[4] Tertullien, Adv. Marc. III , 10, 11.
[5] Tertullien, Adv. Marc. III , 8
[6] Tertullien, Adv. Marc. III , 8.
Bibliographie :
Larry W. Hurtado, Le Seigneur Jésus Christ, La dévotion envers Jésus aux premiers temps du christianisme. Cerf, Paris 2009, p. 571-580.
Françoise Breynaert