624.1 Eux aussi cheminent rapidement sous les oliviers. Ils sont tellement sûrs de sa résurrection qu’ils parlent avec la gaieté d’enfants heureux. Ils se dirigent tout droit vers la ville.
« Nous dirons à Pierre de le regarder attentivement et de nous dire combien son visage est beau, suggère Elie.
– Personnellement, si beau qu’il puisse être, je n’oublierai jamais son aspect pendant supplice, murmure Isaac.
– Tu le revois encore tel qu’il était quand il a été élevé sur la croix ? » demande Lévi. « Et vous autres ?
– Moi, parfaitement. La lumière était alors encore bonne. Ensuite, avec mes vieux yeux, je n’y voyais plus guère, répond Daniel.
– Moi, au contraire, je l’ai vu jusqu’à ce qu’il me paraisse être mort. Mais j’aurais préféré être aveugle pour ne pas voir cela, déclare Joseph.
– Bon ! Mais maintenant il est ressuscité, cela doit nous rendre heureux, intervient Jean pour le consoler.
– Tout comme la pensée que nous ne l’avons quitté que pour être charitables, ajoute Jonathas.
– Mais notre cœur est resté là-haut, pour toujours, soupire Matthias.
– Pour toujours, oui. Toi qui l’as vu sur le suaire, dis-nous : comment est-il ? Ressemblant ? questionne Benjamin.
– Comme s’il parlait, répond Isaac.
– Le verrons-nous, ce voile ? demandent plusieurs.
– La Mère de Jésus le montre à tous. Vous le verrez certainement. Mais c’est un triste spectacle. Il vaudrait mieux voir… 624.2 Oh ! Seigneur !
– Serviteurs fidèles, me voici. Allez. Je vous attends les jours prochains en Galilée. Je veux encore vous dire que je vous aime. Jonas est bienheureux, avec les autres, au Ciel.
– Seigneur ! Oh ! Seigneur !
– Paix à vous, qui êtes de bonne volonté. »
Le Ressuscité se fond dans le vif éclat du soleil de midi. Quand ils relèvent la tête, il n’est plus là. Mais il leur reste la grande joie de l’avoir vu tel qu’il est maintenant : glorieux.
Ils se lèvent, rayonnants de bonheur. Dans leur humilité, ils ont du mal à croire qu’ils ont mérité de le voir, et ils répètent à l’envi :
« A nous ! A nous ! Comme il est bon, notre Seigneur ! De sa naissance à son triomphe, il s’est toujours montré humble et bon envers ses pauvres serviteurs !
– Et comme il était beau !
– Il ne l’a jamais été autant ! Quelle majesté !
– Il semble plus grand encore et avoir davantage de maturité.
– C’est vraiment le Roi !
– On l’appelait le Roi pacifique ! Mais il est aussi le Roi redoutable pour ceux qui doivent craindre son jugement !
– Tu as vu quels rayons se dégageaient de son visage ?
– Et quels éclairs dans son regard !
– Moi, je n’osais pas le fixer. Je l’aurais pourtant voulu, car je pense qu’il ne me sera probablement plus accordé de le voir ainsi avant d’être au Ciel. Et je veux le connaître pour ne pas éprouver de crainte alors.
624.3 Oh ! nous ne devons pas avoir peur si nous restons tels que nous sommes : ses serviteurs fidèles. Tu l’as entendu : “ Je veux vous dire encore que je vous aime. Paix à vous, qui êtes de bonne volonté. ” Il n’y a pas un mot de trop. Mais dans ce peu de paroles, il exprime sa totale approbation de ce que nous avons fait jusqu’à présent, et nous fait les plus grandes promesses pour la vie à venir. Ah ! entonnons le cantique de la joie, de notre joie :
Gloire à Dieu dans les Cieux très hauts et paix sur la terre aux hommes de bonne volonté.
Le Seigneur est vraiment ressuscité, comme il l’avait dit par la bouche des prophètes et par sa parole sans défauts.
Il a perdu avec son sang tout ce que le baiser d’un homme avait déposé en lui de corrompu, et, purifié comme l’est l’autel, son corps a pris l’inexprimable beauté de Dieu.
Avant de monter aux Cieux, il s’est montré à ses serviteurs. Alléluia !
Marchons en chantant l’éternelle jeunesse de Dieu, alléluia !
Allons annoncer aux païens qu’il est ressuscité, alléluia ! Le Juste, le Saint est ressuscité, alléluia, alléluia !
Du tombeau il est sorti immortel. Et l’homme juste avec lui est ressuscité.
Dans le péché, comme dans une grotte, était enfermé le cœur de l’homme.
Il est mort pour dire : ‘ Levez-vous ! ’ Et ceux qui étaient dispersés se sont levés, alléluia !
Après avoir ouvert aux élus les portes des Cieux, il a dit : ‘ Venez. ’
Qu’il nous permette par son sang saint d’y monter nous aussi. Alléluia ! »
Matthias, l’ancien disciple âgé de Jean-Baptiste, marche en tête en chantant, comme autrefois peut-être David avait chanté devant son peuple sur les routes de Judée. Les autres le suivent en chantant en chœur à chaque alléluia avec une sainte joie.
624.4 Mais déjà Jérusalem apparaît au pied de la petite colline qu’ils descendent rapidement. Jonathas, qui fait partie du groupe, dit :
« A cause de sa naissance, j’ai perdu ma patrie et ma maison, et à sa mort j’ai perdu la nouvelle maison où je travaillais honnêtement depuis trente ans. Mais même si on m’avait enlevé la vie à cause de lui, je serais mort dans la joie, car c’est pour lui que je l’aurais perdue. Je n’éprouve aucune rancœur à l’égard de celui qui se montre injuste envers moi. Mon Seigneur m’a enseigné en mourant la parfaite douceur. Et je ne m’inquiète pas pour le lendemain. Ma demeure n’est pas ici, mais au Ciel. Je vivrai dans cette pauvreté qui lui a été si chère, et je le servirai jusqu’au moment où il m’appellera… et… oui… je lui offrirai aussi le renoncement… à ma maîtresse… C’est l’épine la plus dure… Mais maintenant que j’ai vu la douleur du Christ et sa gloire, je ne dois pas tenir compte de ma douleur, mais seulement espérer la céleste gloire. Allons dire aux apôtres que Jonathas est le serviteur des serviteurs du Christ. »