39.1 J’ai obtenu de lui une promesse. Je lui disais :
« Jésus, comme il me plairait de voir la cérémonie de ta majorité ! »
Il m’a répondu :
« Je te la ferai voir dès que nous pourrons être “ entre nous ” sans que le mystère en soit troublé. Tu placeras cette vision après la scène de ma Mère, ma maîtresse d’école et celle de Jude et de Jacques que je t’ai donnée récemment (le 29 octobre). Tu la mettras entre cette scène et la discussion au Temple. »
[…]
39.2 Je vois Marie, penchée sur un baquet ou plutôt une cuvette de terre cuite. Elle mélange quelque chose qui fume dans l’air froid et sec du jardin de Nazareth.
Ce doit être en plein hiver. A part les oliviers, tous les arbres sont dépouillés, de vrais squelettes. Là-haut, un ciel très pur et même un beau soleil, mais qui ne suffit pas à tempérer la bise qui secoue et fait battre les branches dénudées et onduler la frondaison gris-vert des oliviers.
La Vierge est entièrement couverte d’un lourd vêtement marron très foncé. Elle s’est attaché par-devant une toile grossière, une sorte de tablier pour protéger ses habits. Elle retire du baquet le bâton avec lequel elle brassait le contenu et j’en vois tomber une goutte d’une belle couleur rouge. Marie observe, se mouille un doigt avec les gouttes qui tombent, essaye la couleur sur le tablier. Elle paraît satisfaite.
Elle entre à la maison et en ressort avec plusieurs écheveaux d’une laine très blanche. Elle les plonge un par un dans le baquet avec patience et adresse.
39.3 Pendant ce travail, entre, venant de l’atelier de Joseph, sa belle-sœur Marie, femme d’Alphée. Elles se saluent et parlent.
« La couleur prend ? demande la femme d’Alphée.
– Je l’espère.
– La femme païenne[72] m’a assuré que c’est exactement la teinte et la méthode que l’on emploie à Rome. On me l’a donnée parce que c’est toi, et parce que tu as fait ces broderies. On dit même qu’à Rome il n’y a personne comme toi pour les travaux d’aiguille. Tu dois te crever les yeux à les faire… »
Marie sourit et fait un mouvement de la tête comme pour dire : « Ce n’est rien ! »
Sa belle-sœur regarde les derniers écheveaux de laine, avant de les montrer à Marie.
« Comme tu les as filés ! On dirait des cheveux tant ils sont fins et réguliers. Tu fais tout à la perfection… et si rapidement ! Ces derniers seront plus clairs ?
– Oui, pour le vêtement. Le manteau est plus sombre. »
Les deux femmes travaillent ensemble au baquet. Puis elles sortent les écheveaux qui sont d’une belle couleur pourpre et elles courent rapidement les plonger dans une eau glacée qui remplit une cuvette sous la petite source qui tombe en faisant un petit bruit de rires contenus. Elles rincent longuement, puis étendent les écheveaux sur des roseaux qu’elles accrochent entre deux branches d’arbre.
« Avec ce vent, ils vont sécher vite et bien, dit la belle-sœur.
– Allons auprès de Joseph. Il y a du feu. Tu dois être gelée, dit Marie. Tu as été gentille de m’aider. J’ai fait vite et avec moins de fatigue. Je t’en remercie.
– Oh ! Marie, que ne ferais-je pas pour toi ! Etre auprès de toi, c’est une fête. Et puis… c’est pour Jésus, tout ce travail. Et il m’est si cher, ton Fils !… J’aurai moi aussi l’impression d’être sa mère, si je t’aide pour la fête de sa majorité. »
Les deux femmes entrent dans l’atelier, rempli de cette odeur de bois raboté, propre aux ateliers de menuisiers.
39.4 La vision marque un arrêt…
…Elle reprend au départ pour Jérusalem de Jésus à douze ans.
Il est très beau et bien développé, au point qu’on pourrait le prendre pour un frère cadet de sa jeune Mère. Il lui arrive déjà aux épaules, avec sa chevelure blonde et frisée qui n’est plus courte comme pendant les premières années de sa vie, mais lui descend au-dessous des oreilles. On dirait un petit casque d’or entièrement ciselé de boucles lumineuses.
Il est vêtu de rouge, un beau rouge de rubis clair. C’est un long vêtement qui lui descend jusqu’aux chevilles et ne découvre que les pieds chaussés de sandales. Il lui laisse les mouvements libres, avec des manches longues et larges. Au cou, au bout des manches, aux volants, il y a une grecque tissée, ton sur ton, très belle…
[…]
Je vois Jésus entrer avec sa Maman dans la pièce – comment l’appeler ? – la salle à manger de Nazareth.
Jésus est un bel enfant de douze ans, grand, bien formé, robuste sans être gros. Il semble plus âgé qu’il ne l’est, à cause de sa complexion. Il est déjà assez grand pour atteindre l’épaule de sa Mère. Il a encore le visage rond et rose de Jésus enfant, visage qui, avec la puberté et l’âge adulte, s’amincira par la suite et prendra une couleur sans couleur, comme certains albâtres délicats qui tendent à peine vers le jaune rose.
Quant à ses yeux, ce sont eux aussi des yeux d’enfant, de grands yeux, bien ouverts, avec une étincelle de gaieté dans le sérieux du regard. Plus tard, ils ne seront plus aussi grands ouverts… Les paupières les fermeront à demi, pour voiler la trop grande perversité du monde au Pur, au Saint. Ce ne sera qu’au moment des miracles, qu’ils s’ouvriront, étincelants, plus encore que maintenant… pour chasser les démons et la mort, pour guérir les maladies et les péchés. Encore n’auront-ils plus désormais cette étincelle de gaieté mêlée au sérieux du regard… La mort et le péché lui seront toujours plus présents et proches, et avec eux la connaissance humaine aussi de l’inutilité de son sacrifice à cause des oppositions volontaires de l’homme. Ce n’est que dans de très rares moments de joie et parce qu’il se trouvera avec des âmes rachetées, spécialement avec des êtres purs, des enfants le plus souvent, que cette ambiance fera briller de joie son saint regard plein de bonté.
Mais en ce moment il se trouve avec sa Maman, dans sa maison, et en face de lui se tient saint Joseph qui lui sourit avec amour. Il y a également ses cousins qui l’admirent, et sa tante Marie, femme d’Alphée, qui le caresse… Il est heureux. Il a besoin d’amour, mon Jésus, pour être heureux. Et en ce moment, il en a.
Il porte un vêtement souple de laine rouge clair, doux, parfaitement tissé d’une étoffe fine et serrée. Une grecque court au cou, par-devant, au bout des manches longues et amples et en bas de l’habit qui descend jusqu’à terre. Elle n’est pas brodée, mais tissée en couleur plus foncée sur le rouge clair du vêtement. C’est à peine s’il laisse dégagés les pieds chaussés de sandales neuves et bien confectionnées : ce ne sont plus les semelles habituelles fixées par deux courroies croisées. Le vêtement doit être l’œuvre de sa Mère, parce que sa belle-sœur l’admire et en fait l’éloge.
Les beaux cheveux blonds de Jésus ont déjà pris une teinte plus foncée que lorsque Jésus était un tout jeune garçon, avec des reflets de cuivre dans les volutes que font les boucles en descendant jusqu’au-dessous des oreilles. Ce ne sont plus les cheveux frisés courts et légers de son enfance. Ce n’est pas encore la longue chevelure ondulée de l’âge adulte, descendant jusqu’aux épaules où elle se termine en souples rouleaux, mais les cheveux ont tendance à s’orienter vers cette couleur et cette forme.
39.5 « Voilà notre Fils » dit Marie, en levant sa main droite qui tient la gauche de Jésus. Elle semble le présenter à tous et confirmer la paternité du Juste, qui sourit. Et elle ajoute :
« Bénis-le, Joseph, avant de partir pour Jérusalem. La bénédiction rituelle n’a pas été nécessaire pour aller à l’école, premier pas de la vie. Mais maintenant qu’il va au Temple pour être déclaré majeur, fais-le et bénis-moi avec lui. Ta bénédiction… (Marie étouffe un sanglot) lui donnera de la force et à moi le courage de m’en séparer un peu plus…
– Marie, Jésus sera toujours à toi. La formule ne changera pas nos relations. Je ne te le disputerai pas, ce Fils qui nous est si cher. Personne ne mérite comme toi de le guider dans la vie, ô ma Sainte. »
Marie se penche, prend la main de Joseph et l’embrasse. C’est l’Epouse, et combien affectueuse et respectueuse pour son compagnon !
Joseph accueille avec dignité ce signe de respect et d’amour, puis il lève cette main qu’elle vient d’embrasser, la pose sur la tête de son épouse et lui dit :
« Oui, je te bénis, toi qui es la Bénie, et Jésus avec toi. Venez, mes seules joies, mon honneur et le but de ma vie. »
Joseph est solennel. Etendant les bras, les paumes tournées vers la terre, sur les deux têtes inclinées, également blondes et saintes, il prononce la bénédiction :
« Que le Seigneur vous garde et vous bénisse ! Qu’il vous prenne en pitié et vous donne sa paix ! Que le Seigneur vous donne sa bénédiction ».
Puis il ajoute :
« Il est temps, partons. C’est la bonne heure pour voyager. »
39.6 Marie prend un ample manteau de couleur grenat foncé et le drape sur le corps de son Fils. Comme elle le caresse, en le faisant !
Ils sortent, ferment, et se mettent en route. D’autres pèlerins vont dans la même direction. Hors de la ville, les femmes se séparent des hommes. Les enfants vont avec qui ils veulent. Jésus reste avec sa Mère.
Les pèlerins marchent, en psalmodiant le plus souvent, à travers les campagnes toutes belles aux plus joyeux jours du printemps. Fraîcheur des prairies, des blés, des frondaisons sur les arbres où viennent d’éclore les fleurs. Cantiques des hommes à travers champs et chemins. Chants d’amour des oiseaux dans les feuillages. Ruisseaux limpides où se mirent les fleurs des rives. Agneaux bondissants auprès de leurs mères… Paix et joie sous le plus beau ciel d’avril.
C’est ainsi que la vision prend fin.
[72] La femme païenne est sûrement romaine, donc païenne. Jésus devra adapter pour les païens (ou “ gentils ”) son enseignement de la vérité pour qu’ils puissent comprendre (voir note de 154.7, texte de 272.5, note de 406.10). Il peut compter sur eux plus que sur les juifs, comme cela est souvent mis en évidence et en donne une base biblique en 635.17. De nombreux épisodes de l’œuvre de Maria Valtorta montrent (en particulier dans le chap. 155) que les juifs se considéraient comme contaminés par le contact des païens. Cette impureté légale se fonde sur : Jr 10, 25 ; Ez 4, 13 ; Os 9, 3. Elle est réaffirmée dans certains passages néotestamentaires comme Jn 18, 28 ; Ac 10, 28 ; 11, 1-3 ; 21, 27-28. En 116.2 et 121.7, Jésus traite du véritable paganisme.