40.1 Le Temple, aux jours de fête. La foule entre et sort par les portes de l’enceinte, traverse les cours, les atriums et les portiques, disparaît dans tel et tel édifice situé aux différents niveaux sur lesquels se répartit l’agglomération du Temple.
Voici qu’entre aussi, en chantant des psaumes à mi-voix, le groupe de la famille de Jésus, d’abord les hommes, puis les femmes. D’autres personnes se sont jointes à eux, peut-être de Nazareth ou encore des amis de Jérusalem. Je ne sais pas.
Après avoir adoré le Très-Haut de l’endroit d’où les hommes peuvent le faire (je le comprends car les femmes se sont arrêtées en contrebas), Joseph se sépare d’eux en compagnie de son Fils, et traverse les cours en sens inverse. Il tourne à un endroit et pénètre dans une vaste pièce qui a l’aspect d’une synagogue. Je ne comprends pas bien. Y avait-il aussi des synagogues dans le Temple ? Il parle avec un lévite, et celui-ci disparaît derrière un rideau à rayures pour revenir ensuite avec des prêtres âgés. Du moins, je crois que ce sont des prêtres ; ce qui est sûr, c’est qu’il s’agit de maîtres pour la connaissance de la Loi, chargés par conséquent d’examiner les fidèles.
40.2 Joseph et Jésus s’inclinent profondément devant les dix docteurs qui ont dignement pris place sur des tabourets de bois peu élevés. Puis Joseph présente Jésus :
« Voici, dit-il, c’est mon fils. Depuis trois lunes et douze jours, il est arrivé à l’âge que la Loi indique pour la majorité. Mais je veux qu’il soit majeur selon les préceptes d’Israël. Je vous prie de considérer que, par sa complexion, il montre qu’il est sorti de l’enfance et qu’il n’est plus mineur. Je vous prie de l’examiner avec bienveillance et justice pour juger ce que moi, son père, j’affirme ici être vrai. Je l’ai préparé pour cet instant et pour la dignité de fils de la Loi qu’il doit recevoir. Il connaît les préceptes, les traditions, les décisions, les coutumes des parchemins et des phylactères. Il sait réciter les prières et les bénédictions quotidiennes. Puisqu’il connaît la Loi elle-même et ses trois branches[73] de la Halakha, les Midrashim et de la Aggadah, il peut donc se conduire en homme. Pour cette raison, je désire être libéré de la responsabilité de ses actes et de ses péchés. A partir de maintenant, qu’il soit assujetti aux préceptes et prenne à son compte les peines dues à ses manquements à leur égard. Examinez-le.
– C’est ce que nous allons faire. 40.3 Avance, mon enfant. Quel est ton nom ?
– Jésus, fils de Joseph, de Nazareth.
– Un Nazaréen… Tu sais donc lire ?
– Oui, Rabbi, je sais lire les paroles écrites et celles qui sont renfermées dans les paroles elles-mêmes.
– Que veux-tu dire ?
– Je veux dire que je comprends aussi le sens de l’allégorie ou du symbole qui se cache sous l’apparence, comme la perle qui ne se voit pas, mais qui se trouve dans la coquille épaisse et fermée.
– Réponse qui n’est pas commune, et qui est fort sage. On entend rarement cela dans la bouche d’un adulte ; alors chez un enfant… et nazaréen par-dessus le marché ! »
L’attention des dix hommes s’est éveillée. Leurs yeux ne perdent pas de vue un instant le bel enfant blond qui les regarde, sûr de lui, sans effronterie, mais sans peur.
« Tu fais honneur à ton maître qui, assurément, est très savant.
– La Sagesse de Dieu réside dans son cœur juste.
– Mais écoutez cela ! Heureux es-tu, toi le père d’un tel fils ! »
Joseph qui est au fond de la salle s’incline en souriant.
40.4 On donne à Jésus trois rouleaux différents en disant :
« Lis celui qui a un ruban doré. »
Jésus ouvre le rouleau et lit. C’est le Décalogue. Mais dès les premiers mots, un juge lui reprend le rouleau en disant :
« Continue par cœur. »
Jésus parle avec tant d’assurance qu’on dirait qu’il lit. Chaque fois qu’il nomme le Seigneur, il s’incline profondément.
« Qui t’a enseigné cela ? Pourquoi le fais-tu ?
– Parce que ce Nom est saint et on doit le prononcer avec des marques intérieures et extérieures de respect. Les sujets d’un roi, qui ne l’est que pour peu de temps, s’inclinent devant lui alors qu’il n’est que poussière. Devant le Roi des rois, le très-haut Seigneur d’Israël, présent même s’il n’est visible que pour l’esprit, toute créature qui dépend de lui d’une sujétion éternelle ne devrait-elle pas s’incliner ?
– Bravo ! Homme, nous te conseillons de faire instruire ton fils par Hillel ou Gamaliel. C’est un Nazaréen… mais ses réponses permettent d’espérer qu’il sera un nouveau grand docteur.
– Mon fils est majeur. Il fera comme il voudra. Pour moi, si sa volonté est honnête, je ne m’y opposerai pas.
40.5 – Mon enfant, écoute. Tu as dit : “ Souviens-toi de sanctifier les fêtes. Mais, non seulement pour toi, mais pour ton fils et ta fille, ton serviteur et ta servante, et jusque pour les bêtes de somme, il est dit de ne pas travailler le jour du sabbat. ” Eh bien, dis-moi : si une poule pond un œuf ou si une brebis met bas un agneau le jour du sabbat, sera-t-il permis d’utiliser le fruit de son sein ou bien faudra-t-il le considérer comme une chose abominable ?
– Je sais que beaucoup de rabbins – le dernier, Chammaï est toujours vivant – affirment que l’œuf pondu le jour du sabbat n’a pas respecté le précepte. Mais je pense qu’autre est l’homme, autre est l’animal ou celui qui accomplit un acte animal comme l’enfantement. Si j’oblige une bête de somme à travailler, je me charge de son péché parce que je m’emploie à la faire travailler sous la menace du fouet. Mais si une poule pond l’œuf mûri dans son ovaire ou si une brebis met bas le jour du sabbat, parce que le moment de sa naissance est venu, non, cette action n’est pas un péché, pas plus que l’œuf et l’agneau qui arrivent le jour du sabbat ne sont entachés d’un péché aux yeux de Dieu.
– Pourquoi donc, si tout travail accompli durant le sabbat est péché ?
– Parce que la conception et l’engendrement correspondent à la volonté du Créateur et sont réglées par des lois qu’il a données à toute créature. Or la poule ne fait qu’obéir à cette loi qui veut qu’après un certain nombre d’heures de formation, l’œuf soit achevé et prêt pour la ponte. La brebis aussi ne fait qu’obéir à cette loi imposée par celui qui a tout fait. Le Créateur a établi que, deux fois par an, quand vient le sourire du printemps sur les prés en fleurs, et quand les arbres perdent leurs feuilles, que le froid étreint la poitrine de l’homme, les brebis s’unissent pour donner ensuite dans l’autre période lait, viande et fromages nourrissants pour les mois les plus fatigants à cause des moissons ou marqués par la souffrance et la tristesse à cause des gelées. Si donc une brebis donne le jour à un agneau quand l’heure est venue, son petit, on peut bien le regarder comme sacré, même pour l’autel parce qu’il est le fruit de l’obéissance au Créateur.
40.6 – Pour moi, j’arrête là l’examen. Sa sagesse étonnante surpasse celle des adultes.
– Non. Il s’est dit capable de comprendre également les symboles. Ecoutons-le.
– Qu’il dise d’abord un psaume, les bénédictions et les prières.
– Et les préceptes aussi.
– Oui. Dis les Midrashim. »
Jésus énonce avec assurance une litanie de « ne pas faire ceci… ne pas faire cela… » Si nous devions subir encore toutes ces restrictions, rebelles comme nous le sommes, je vous assure qu’il n’y aurait plus personne de sauvé…
« Ça suffit. Ouvre le rouleau au ruban vert. »
Jésus ouvre et se met à lire.
« Plus loin, encore plus loin. »
Jésus obéit.
« Suffit. Lis et explique, s’il te semble qu’il y a un symbole.
– Dans la Parole sainte, il est rare qu’il n’y en ait pas. C’est nous qui ne savons pas les découvrir et les mettre application. Je lis[74] : quatrième livre des Rois ; chapitre 22, verset 10 : “ Le scribe Shaphân, continuant de s’adresser au roi, dit : ‘ Le grand prêtre Elcias m’a donné un livre. ’ Shaphân l’ayant lu en présence du roi, après avoir entendu les paroles de la Loi du Seigneur, déchira ses vêtements, puis il donna… ”
– Passe les noms.
– “ … cet ordre : ‘ Allez consulter le Seigneur pour moi, pour le peuple, pour tout Juda, au sujet des paroles de ce livre qu’on a découvert. En effet la grande colère de Dieu s’est allumée contre nous parce que nos pères n’ont pas écouté les paroles de ce livre de façon à en suivre les prescriptions ’… ”
– C’est assez. Ce fait s’est produit il y a plusieurs siècles. Quel symbole trouves-tu dans un événement de chronique ancienne ?
– Je trouve qu’il ne faut pas circonscrire dans le temps ce qui est éternel. Dieu et notre âme sont éternels, de même que les rapports entre Dieu et l’âme. Donc, ce qui avait provoqué alors les châtiments, les provoque de la même manière aujourd’hui, et les effets de la faute sont les mêmes.
– C’est-à-dire ?
– Israël ne connaît plus la sagesse qui vient de Dieu. C’est à lui, et non à de pauvres humains, qu’il faut demander la lumière et il n’y a pas de lumière en l’absence de justice et de fidélité à Dieu. Alors on pèche, et Dieu, dans sa colère, punit.
– Nous n’avons plus la sagesse ? Mais que dis-tu, mon enfant ? Et les six cent treize préceptes ?
– Il y a bien des préceptes, mais ce ne sont que des mots. Nous les connaissons, mais nous ne les mettons pas en pratique. Donc nous ne les connaissons pas. Le symbole est celui-ci : tout homme, en tout temps, a besoin de consulter le Seigneur pour connaître sa volonté et y adhérer pour ne pas s’attirer sa colère.
40.7 – L’enfant est parfait. Même le piège de la question insidieuse n’a pas troublé sa réponse. Qu’on le conduise à la vraie synagogue. »
Ils passent dans une pièce plus vaste et plus luxueuse. Pour commencer, on lui raccourcit les cheveux. Joseph en recueille les boucles. Puis on ceint son vêtement rouge d’une longue ceinture qui fait plusieurs fois le tour de la taille, on lui attache des banderoles au front, au bras et à son manteau. On les fixe avec des sortes de broches. Puis on chante des psaumes et Joseph, dans une longue prière, loue le Seigneur et appelle sur son Fils toutes les bénédictions.
La cérémonie est finie. Jésus sort avec Joseph. Ils retournent à l’endroit d’où ils étaient venus et retrouvent les hommes de la famille. Ils achètent et offrent un agneau puis, avec la victime égorgée, ils rejoignent les femmes.
Marie embrasse son Jésus. On dirait qu’il y a des années qu’elle ne l’a vu. Elle le regarde, maintenant qu’il a l’habit et les cheveux d’un homme. Elle le caresse…
Ils sortent. C’est la fin.
[73] ses trois branches pourraient être, respectivement, l’ensemble des normes de comportement (ou Halakah), la série des commentaires rabbiniques de l’Ecriture sainte (les Midrashim), et ces mêmes commentaires exposés d’une manière plus accessible au peuple (la Aggadah). Nous les retrouverons en 197.3, 225.9, 414.4, 625.4. L’œuvre des rabbins sera abordée en 252.10 et en 335.9.
[74] Je lis : il cite la “ Vulgate ” (comme en 35.11) qui était en usage à l’époque de l’écrivain. Dans la “ nouvelle Vulgate ” introduite après le concile Vatican II, les deux premiers livres des Rois prirent le nom de 1 Samuel et 2 Samuel, et les deux suivants 1 Rois et 2 Rois.En outre, les Paralipomènes sont devenus les livres des Chroniques. Le second livre d’Esdras (appelé aussi livre de Néhémie), est devenu Néhémie. L’Ecclésiaste est devenu Qohélet, l’Ecclésiastique le Siracide. Enfin le Psaume 9 a été divisé en deux, changeant donc d’une unité le numéro des psaumes suivants jusqu’au 145, qui devint le 146, alors que l’ancienne numérotation reprend à partir du Ps 147, qui unit les 146 et 147 de la Vulgate. D’autres différences entre la Vulgate et la nouvelle Vulgate seront signalées par une note quand ce sera nécessaire : en 50.9, 68.6 (sur le nom de Bethsaïde), 266.1, 272.4, 368.6 (sur le mot gazofilacio), 413.3, 434.6, 439.2, 457.2, 463.2, 476.9, 487.6, 520.9, 544.8 (deux notes).Le texte de la présente édition de l’œuvre, qui reproduit fidèlement le manuscrit original de Maria Valtorta, garde les renvois bibliques selon la “ Vulgate ”. En revanche les notes, qui doivent faciliter la recherche du lecteur, les indiquent selon la “ nouvelle Vulgate ”, même lorsqu’ils sont repris de notes de Maria Valtorta selon la “ Vulgate ”.Dans toute l’œuvre de Maria Valtorta, la façon de citer la Bible (livre, chapitre, verset) n’appartient pas à l’époque de Jésus mais à celle de l’écrivain et à la nôtre, de même que Jésus parle la langue de notre temps et non celle de son temps à lui. Même dans la façon de citer la Bible, il faut donc considérer l’œuvre à la manière d’une “ traduction ” destinée à l’utilité de ses destinataires.