Icône de Cyrille et Méthode (monastère de la Sainte-Trinité de Jordanville).
Saint Cyrille (v.827-869) et saint Méthode (v.815-885) sont unis dans la postérité, d’abord parce qu’ils étaient frères, mais surtout pour leur grande action commune d’évangélisation. Byzantins de culture, ils sont en effet reconnus pour être les « apôtres des Slaves », notamment grâce à la création de l'alphabet glagolitique et à la traduction qu’ils ont faite des textes liturgiques en langue slave, ainsi qu’à l’adaptation du droit gréco-romain aux coutumes des nouveaux peuples. Ils ont été canonisés peu après leur mort dans l’Église orientale. L'Église catholique les fête le 14 février, depuis 1970, l'Église catholique de Tchéquie et de Slovaquie le 5 juillet, et l'Église orthodoxe fête à la fois le natalice de Cyrille le 14 février, celui de Méthode le 6 avril et leur célébration commune le 11 mai.
Saint Cyrille et saint Méthode ont été mis à l’honneur par le saint pape Jean-Paul II, qui les a proclamés dans sa Lettre apostolique Egregiae virtutis du 31 décembre 1980 co-patrons de l’Europe avec saint Benoît, pour leur action évangélisatrice qui a permis à l’Europe chrétienne de respirer, selon son expression, avec « ses deux poumons » : l’un, occidental, avec l’œuvre de st Benoît et de l’ héritage bénédictin , et l’autre, oriental, avec l’action évangélisatrice et sociale réalisée par saint Cyrille et saint Méthode, les « deux saints frères de Salonique ».
Carte : les thèmes byzantins en Grèce vers l'an 900. Cplakidas, CC BY-SA 3.0
Saint Cyrille et saint Méthode sont nés dans la ville de Thessalonique ou Salonique, qui, au IXe siècle était la deuxième plus grande ville de l’empire byzantin, capitale du thème de Thessalonique : un centre important, à la fois intellectuel, commercial et politique.
L’aîné des deux frères, Méthode, né vers 815, devint archonte, c'est-à-dire préfet de l'une des provinces de la frontière, où vivaient de nombreux Slaves. V Cependant, vers 840, il interrompit sa carrière pour se retirer dans l’un des monastères situé au pied du Mont Olympe en Bithynie, connu alors sous le nom de Montagne sainte.
Son frère, Cyrille, né v.827, que l’on surnomma rapidement Constantin le Philosophe, fit de très brillantes études à Constantinople, où il fut nommé à la fois bibliothécaire des archives de Sainte-Sophie et secrétaire du patriarche, puis professeur de philosophie à l'École supérieure. Mais son attrait pour la vie monastique lui fit décider de rejoindre Méthode au monastère.
Carte: la Khazarie vers 850. Gökçe Yörük, CC BY-SA 3.0
Saint Cyrille et saint Méthode ne restèrent au monastère que peu de temps, puisqu’il leur fut rapidement demandé, en qualité d'experts religieux et culturels, de faire partie d’une délégation byzantine envoyée auprès des Khazars, peuple des steppes établis au nord de la mer Noire, ayant choisi le judaïsme au IXe siècle. Selon la tradition hagiographique, saint Cyrille et saint Méthode auraient accompli de nombreuses conversions au christianisme au cours de cette mission. C’est pendant leur séjour en Crimée, à Cherson, que saint Cyrille et saint Méthode retrouvèrent l'église où saint Clément, pape de Rome et martyr, et exilé dans cette région lointaine, avait été enseveli autrefois. Saint Cyrille et saint Méthode rapportèrent avec eux les précieuses reliques, qu’ils purent, plus tard, remettre solennellement à Rome au Pape Adrien II.
Carte : la Grande -Moravie
Cependant, saint Rastislav, le prince chrétien de Grande-Moravie (État qui comprenait alors diverses populations slaves d'Europe centrale), demanda au pape Nicolas 1er, puis à l’empereur Michel III d’envoyer un maître capable d’y enseigner la vraie foi chrétienne dans leur langue. On envoya donc saint Cyrille et saint Méthode, afin de créer une Église de rite oriental, dès 863. Ils consacrèrent le reste de leur vie à cette mission, qui fut, comme le dit le pape Jean-Paul II dans sa Lettre encyclique Slavorum Apostoli du 2 juin 1985 :
« Marquée par des voyages, des privations, des souffrances, une hostilité et des persécutions qui allèrent, pour Méthode, jusqu'à une cruelle captivité. Ils supportèrent tout avec la force de la foi et une espérance invincible en Dieu. »
Saint Cyrille et saint Méthode. Icône de Bucarest (XIXe siècle).
Pour évangéliser cette population, saint Cyrille et saint méthode traduisirent en langue vernaculaire, le paléoslave, les textes liturgiques (évangiles, psautiers, épîtres, offices) qui, à l’époque, n’existaient qu’en trois langues : le latin, le grec et l’hébreu. Cette traduction fut écrite avec un alphabet nouveau, conçu par Constantin le Philosophe (saint Cyrille) et parfaitement adapté à la phonétique de cette langue, alors uniquement orale. Le slavon est une langue née de la fusion du vieux slave originel avec des formes issues des langues slaves locales et des normes grammaticales établies par saint Cyrille. Cette langue a donc été créée à des fins liturgiques par saint Cyrille à partir du macédonien, qu'il connaissait bien. Les deux frères saint Cyrille et saint Méthode se sont servi du slavon comme langue véhiculaire, parce qu’il avait l'avantage d'être suffisamment compris par la plupart des Slaves. L'alphabet grec fut donc adapté au slavon, ce qui donna plus tard l'alphabet connu sous le nom de «cyrillique».
Anselm Wisiak .Le roi Rastislav recevant les Saintes Écritures traduites par saint Cyrille et saint Méthode (1863). Slovenian Museum of Christianity, Public domain, via Wikimedia Commons.
Grâce à cette initiative, la christianisation, initiée antérieurement en ces lieux par les Églises latines, connut un développement considérable, puisque les Slaves purent avoir aisément accès à cette culture chrétienne.
Saint Cyrille et saint Méthode reçus par le pape (fresque de la basilique inférieure, Saint-Clément-du-Latran, Rome, XIès).
Après quelques années, en 868, saint Cyrille et saint Méthode décidèrent de se rendre à Rome avec leurs disciples, pour demander au pape Adrien II l’autorisation de pouvoir ordonner les disciples qui les accompagnaient, et lui remettre les précieuses reliques de saint Clément. On trouve d’ailleurs dans la basilique saint-Clément de Rome une fresque représentant Saint Cyrille et saint Méthode reçus par le pape et apportant les reliques de saint Clément. Le pape Adrien II approuva donc les livres liturgiques slaves, qu'il ordonna de déposer solennellement sur l'autel de l'église Sainte-Marie ad Praesepe (Sainte-Marie-Majeure). Le futur saint Méthode, ainsi que ses disciples Clément d'Ohrid, Gorazd, Naum, Angelar et Sava furent alors ordonnés prêtres et diacres.
C’est à Rome que mourut saint Cyrille, le 14 février 869. Il y repose, dans une chapelle latérale de la basilique saint-Clément-du-Latran (le pape Jean-Paul II s’y rendait d’ailleurs pour prier pour la Pologne et les pays slaves).
Après la mort de son frère saint Cyrille, saint Méthode fut élevé par le pape Adrien II au rang d’archevêque de Sirmium en Pannonie, évêque missionnaire pour les Slaves. C’est ainsi qu’il évangélisa la Pannonie, la Bulgarie, la Dalmatie, la Carinthie.
Mais à la suite de graves conflits politico-religieux, saint Méthode fut emprisonné, accusé d’avoir usurpé la juridiction épiscopale d’un autre, puis, à l’instigation du nouveau souverain de Grande-Moravie, qui lui était hostile, le prince Swatopluk, obligé de se justifier devant le pape Jean VIII. Ce dernier le rétablit dans ses fonctions, et le lava de toute accusation, réitérant l'autorisation, donnée par le pape Adrien II, de célébrer la liturgie en langue slavonne et accordant aux deux missionnaires historiques en terre slave, saint Cyrille et saint Méthode, notamment à Méthode en Moravie, un certificat d'orthodoxie catholique. Après avoir prêché l'Évangile à la Bohême et à la Pologne, et effectué, en 881, un dernier voyage à Constantinople où Photius avait été rétabli comme patriarche, saint Méthode mourut le 6 avril 885 en Moravie, chargé de mérites et de gloire. Saint Méthode est enterré à Velehrad (actuelle République Tchèque) dans la cathédrale, dans le mur derrière l’autel de la Vierge, si l’on croit les chroniques anciennes.
Au sud de Velehrad, près du village d’Osvětimany, se trouve le mont Saint-Clément (Hradisko Sv. Klimenta) qui est également attaché à la mémoire de saint Cyrille et saint Méthode. On y trouve en effet les vestiges d’un couvent dans lequel auraient séjourné les reliques de saint Clément rapportées par saint Cyrille et saint Méthode de Crimée, avant qu’elles ne soient acheminées vers Rome. En ce lieu, saint Cyrille et saint Méthode auraient également formé des prêtres de rite slave.
Comme le dit le pape Jean-Paul II, dans sa lettre encyclique Slavorum Apostoli du 2 juin 1985,
« Par son action prévoyante, sa doctrine profonde et orthodoxe, son équilibre, sa loyauté, son zèle apostolique, sa magnanimité intrépide, il gagna la reconnaissance et la confiance des Pontifes romains, des Patriarches de Constantinople, des Empereurs byzantins et d'un certain nombre de Princes des nouveaux peuples slaves. C'est pourquoi Méthode devint le guide et le pasteur légitime de l'Eglise qui, à cette époque, fut établie au milieu de ces nations, et il est unanimement vénéré, de même que son frère Constantin, comme annonciateur de l'Evangile et maître « de la part de Dieu et du saint Apôtre Pierre » et comme fondement de la pleine unité entre les Églises récemment établies et les Églises plus anciennes. »
Et, plus loin :
« La sollicitude fervente que montrèrent les deux Frères - et particulièrement Méthode, en raison de sa responsabilité épiscopale - pour garder l'unité de la foi et de l'amour entre les Églises dont ils faisaient partie, c'est-à-dire l'Église de Constantinople et l'Église romaine d'une part, et les Églises naissantes en terre slave d'autre part, fut et restera toujours leur grand mérite. Celui-ci apparaît encore plus grand, si l'on pense que leur mission se déroula dans les années 863 à 885, donc au cours des années critiques où se manifestèrent et commencèrent à s'approfondir le désaccord fatal et l'âpre controverse entre les Églises d'Orient et d'Occident.»
Le travail réalisé par saint Cyrille et saint Méthode pour la culture slave a permis le développement de sa langue et de son écriture. Pour cette raison, le 1100e anniversaire de la mort de Cyrille a été célébré en 1969, dans le monde entier, sous le haut-patronage de l’UNESCO.
Slavorum apostoli Ioannes Paulus PP. II .Slavorum apostoli 1985.06.02
La mémoire des deux frères saint Cyrille et saint fut célébrée pour la première fois à Rome en 1881, mais, après l’extension à toute l' Église du culte des deux Saints ordonnée par le pape Léon XIII (lettre encyclique Grande munus) il revient au saint pape Jean-Paul II d’avoir élevé les saints Cyrille et méthode au rang de co-patrons de l’Europe : dans sa lettre encyclique Slavorum apostoli, écrite à l’occasion du onzième centenaire de l’œuvre d’évangélisation des saints Cyrille et Méthode, saint Jean-Paul II justifiait ainsi sa décision de nommer saint Cyrille et saint Méthode co-patrons de l’Europe avec st Benoît :
« Considérant la vénération pleine de gratitude dont les deux Frères de Salonique (l'antique Thessalonique) sont l'objet depuis des siècles, particulièrement dans les nations slaves, et gardant en mémoire la contribution inestimable qu'ils ont apportée à l'annonce de l'Évangile dans ces peuples et, en même temps, à la cause de la réconciliation, de la convivialité amicale, du développement humain et du respect de la dignité intrinsèque de chaque nation, j'ai proclamé les saints Cyrille et Méthode co-patrons de l'Europe, par la Lettre apostolique Egregiae virtutis du 31 décembre 1980. Je reprenais ainsi la perspective de mes prédécesseurs, notamment Léon XIII qui, il y a plus de cent ans, le 30 septembre 1880, étendit à toute l'Eglise le culte des deux Saints par la Lettre encyclique Grande munus, et Paul VI qui, par la Lettre apostolique Pacis nuntius du 24 octobre 1964, proclama saint Benoît patron de l'Europe. »
Saint Cyrille et saint Méthode ont donc fondé le sanctuaire de Velehrad, évangélisé la Bohème et la Moravie et propagé en Tchéquie et en Slovaquie la bonté maternelle de Marie.
Parmi les saints qui sont actuellement pressentis pour devenir docteurs de l'Église figurent saint Cyrille et saint Méthode.