Brève histoire de la mariologie

Brève histoire de la mariologie

Dans le Nouveau Testament, l'annonce du Christ inclut Marie. La « mariologie » est écrite dans la perspective de la connaissance du Christ, la vie de l'Eglise, et le salut.

Dans certains récits apocryphes, notamment le Protévangile de Jacques et les Transitus, la « mariologie » est écrite dans un style narratif, et Marie est la protagoniste du récit.

Chez les Pères de l'Eglise, la « mariologie » développe la doctrine de Marie nouvelle Eve et Marie Théotokos. Les pères de l'Eglise parlent de Marie en s'appuyant sur l'Ecriture qui demeure leur unique source de façon générale. Les pères mettent en valeur le mystère de Dieu dont Marie est le signe. Ils sont orientés vers la louange (apophatisme).

Les pères ne font pas un discours marial systématique mais les homélies mariales sont très nombreuses. A partir de la seconde moitié du IV° siècle apparaissent des monographie sur un point de doctrine, par exemple Epiphane, dans le Panarion développe une monographie sur la virginité de Marie et une autre sur le culte de Marie.

A l'époque médiévale, chaque réalité est considérée à la lumière de Dieu ; la culture féodale infuse l'idée de la hiérarchie, avec ses soumissions et ses protections (la Vierge est la souveraine à laquelle on se soumet et qui nous protège) ; l'individu libre émerge (St Bernard souligne l'importance du Oui de Marie) et l'individualité se développe avec les communes autonomes en Italie et ailleurs ; de là vient l'attention à la sensibilité personnelle (Giotto peint des sentiments). Le genre littéraire des « Miracula » se développe dans le milieu clunisien et alimente la confiance en la Vierge Marie.

Dans le cadre monastique, contemplatif s'opère un approfondissement doctrinal où la théologie est marquée par la louange et la prière.

Les sentences de Pierre Lombart († 1160) deviennent l'œuvre de référence.

Saint Thomas d'Aquin (†1274), accepte la philosophie d'Aristote et fait apparaître une grande unité, une grande harmonie entre foi et raison. La doctrine mariale de la Somme théologique est centrée sur le mystère de l'Incarnation, mais elle n'est pas complète, elle ne développe pas les éléments bibliques où Marie est présente, ni les liens qui l'unissent à nous. La scolastique issue de saint Thomas d'Aquin connaîtra ensuite une décadence par un excès d'abstraction.

La découverte de l'Amérique élargit l'horizon et on éprouve le besoin de nouvelles formes de pensée, on entre dans l'âge baroque.

En Italie, puis ailleurs, la Madone quitte les absides byzantines et devient une femme élégante, vêtue à la mode de la Renaissance.

Luther (†1546) entre en contestation non seulement contre les excès de la dévotion de l'époque baroque, mais aussi contre la logique des écoles théologiques : Dieu ne se révèle pas selon la raison, mais en opposition avec la raison humaine. Il ne se révèle pas « de face » mais « de dos ». Il se concentre sur la « Theologia crucis », la théologie de la croix ; Marie est la servante du Seigneur qui participe à son abaissement, sa kénose. Le Magnificat est une des meilleures illustration de la théologie de la croix, de la logique paradoxale de Dieu qui regarde le rien de Marie pour accomplir de grandes choses, chemine incognito dans l'histoire pour renverser les puissants et élever les humbles.

Chez les catholiques, avec une sensibilité moderne, M. Cano († 1560) renouvelle la présentation de la doctrine mariale. Plus tard, V. Contenson († 1674) distille dans la théologie un esprit de piété, c'est une théologie de l'esprit et du cœur (« mentis et cordis »), il est le premier à utiliser le mot « mariologie »[1]. F. Suarez (†1617) ouvre la voie d'une mariologie systématique.

En Orient, le XIX° et XX° siècle sont marqués par la renaissance moderne de la théologie orthodoxe (diaspora russe ; théologiens grecs). De manière générale, ces théologiens orthodoxes préfèrent les symboles de la poésie liturgique à une présentation conceptuelle. Les dogmes catholiques de l'Immaculée Conception et de l'Assomption sont critiqués.

En Occident, au XIX° et XX° siècle la mariologie a un caractère d'apologie, il s'agit de défendre ce qui concerne Marie. En outre, on est frappé de voir la petite place accordée à Marie dans les manuels de théologie.

Cependant, A. Nicolas, appelé le chef de file de la mariologie française, publie en 1856 son livre « La Vierge Marie et le plan divin » : « Une apologie de la Vierge ne doit plis être aujourd'hui une œuvre détachée du fond chrétien. Elle doit emporter avec elle la démonstration de la Religion tout entière. C'est une fleur qui veut être montrée en pleine terre. Contrairement au préjugé qui ne veut dans ce grand sujet qu'un rapetissement du christianisme, ce doit être une nouvelle et lumineuse manière de manifester Jésus-Christ et de glorifier Dieu. »[2] Sur ses traces, on trouve l'œuvre de L. di Castelplanio[3], où Marie est présentée dans le vaste dessein de Dieu, et où elle est intimement liée au Christ et à l'Eglise.

Un souffle nouveau parcourt le domaine mariologique quand R. Laurentin publie son « Court traité de théologie mariale »[4]. Il s'éloigne d'un ordre logique où s'enchaîne les privilèges de Marie manière rationnelle ; il prend résolu une méthode narrative, intégrant les lois du temps et de la durée : Marie n'a pas la logique d'un théorème, les intentions divines demeurent inconnues, et Marie est dotée de liberté.

C'est ainsi qu'est préparé le changement de cap du concile Vatican II, où Marie est insérée dans l'histoire du salut et le vaste dessein du Créateur, et où Marie et insérée dans le mystère du Christ et de l'Eglise. Le renouveau biblique, patristique et œcuménique porte ses fruits. Marie de Nazareth est présentée comme une personne concrète : sa foi, sa charité, son espérance et son obéissance, sa tendresse et sa compassion permettent de la recevoir comme modèle de chaque chrétien, et comme mère de l'Eglise.


[1] « mariologie » est le titre de V. Contenson, Dissertatio VI du livre X (De Oeconomia...).

[2] A. Nicolas, La Vierge Marie et le Plan divin, édition A.Vaton, Paris 1856, p. XIII.

[3] L. di Castelplanio, Maria nel consiglio dell'eterno ovvero la Vergine predestinata alla missione medesima con Gesù Cristo, Napoli, 1872-1873.

[4] R. Laurentin, Court traité de théologie mariale, Paris, Lethielleux, 1953.


Résumé par Françoise Breynaert de :

S. de Fiores, Une histoire de la mariologie,

dans : Aa Vv, Marie, l'Eglise et la théologie, dirigé par D. de Boissieu, P. Bordeyne, S. Maggioni,

Desclée, Paris 2007, p. 67-117