Le patriarche Joseph (résumé du récit biblique de Gn 36 - 50)
L'histoire de Joseph est celle de l'un des fils du patriarche Jacob promu vice-roi de la puissante monarchie égyptienne. Né sous la tente d'une famille nomade de Canaan, Joseph est d'abord victime dans sa jeunesse de la persécution de ses onze frères, qui le vendent comme esclave à des marchands itinérants. Emmené captif en Egypte, il entre comme serviteur auprès d'un officier nommé Potiphar. Il arrive qu'en l'absence du maître, l'épouse de celui-ci courtise Joseph sans succès. Pour se venger de son refus, elle l'accusera faussement d'avoir tenté de la séduire, et il sera jeté en prison.
L'emprisonnement donne l'occasion à Joseph de montrer à ses gardiens qu'il possède le don d'interpréter les rêves. On lui demande alors d'expliquer un rêve étrange qu'a fait le Pharaon. La signification qu'il en donne est celle d'un message prophétique annonçant qu'une terrible famine va s'abattre sur le pays. Sept années de récoltes surabondantes seront suivies par sept années de sécheresse et de crise alimentaire.
Le roi est immédiatement convaincu, et en reconnaissance il élève Joseph au rang de premier administrateur du pays. Il le charge de gérer la crise économique annoncée, tâche dont Joseph s'acquittera brillamment en faisant emmagasiner d'importantes réserves de nourriture. Pendant les années de famine, il fournit du blé à l'Egypte et au pays de Canaan. Il retrouve ses frères venus acheter des provisions, leur pardonne et les invite à s'installer durablement en Egypte. [...]
En examinant l'Ecriture et les données historiques et archéologiques, nous relèverons ici quelques points de comparaison et de repère intéressants.
Un papyrus conservé au Brooklyn Museum de New-York, daté du règne de Sébekhotep III (fin du Moyen Empire, vers 1740 av. J.-C. environ), établit la liste d'une centaine d'esclaves devant être déplacés. La moitié d'entre eux portent des noms hébraïsants, comme par exemple Menahem, Asher, Haiimi (qui signifie en hébreu "où est mon père ?"), Hiabi-ilu (également traduit par "où est mon père ?"), Abi (encore pour "mon père"), Shepra, Aduna (c'est-à-dire "mon seigneur"), Aqaba (à rapprocher de Jacob) et Iun-er-Tan (qui peut signifier "peut-on rentrer au pays ?"). Le statut de ces esclaves étrangers offre quelques points communs avec celui de Joseph. Plusieurs esclaves portent le titre de "serviteurs sur la maison" (hry-per), qui correspond au rang de Joseph lorsqu'il est désigné par Potiphar "serviteur sur la maison". Souvent les esclaves étaient également dotés d'un deuxième nom égyptien, comme Joseph le sera par Pharaon.
Dans la Bible, les noms et des titres des personnages rencontrés présentent une consonance incontestablement égyptienne. C'est le cas par exemple du dignitaire Potiphar, prêtre de On, et dont le nom peut s'assimiler à l'expression Padi-Pa-Râ qui signifie "celui qui donne Râ". La ville appelée On ne peut être qu'Héliopolis, une ville vouée au culte du soleil (Râ) et qui s'appelait effectivement Onou. [...] Enfin, le titre honorifique que Joseph lui-même reçoit du Pharaon, Tsaphnath-Panéach, signifie vraisemblablement "le dieu a dit qu'il vivrait"[1]. Cette dernière expression contient même une subtilité remarquable qu'ont relevée les égyptologues : sa référence à une divinité anonyme ("le dieu") omet toute déité égyptienne et donc païenne, respectant ainsi le monothéisme biblique (Gn 41, 45).
L'hypothèse de l'arrivée de Joseph en Egypte à l'époque des Hyksos trouve plusieurs justifications.
La nomination d'un ministre sémitique à la cour d'Egypte est concevable sous un régime d'occupation étrangère d'origine proche-orientale.
L'absence d'archives égyptiennes mentionnant un vice-roi nommé Joseph peut s'expliquer par le manque cruel d'informations disponibles sur cette période, censurée par les successeurs et ennemis des Hyksos.
Un argument économique avancé est la somme versée pour la vente de Joseph par ses frères : cent talents d'or (Gn 37, 28). Ce montant correspond effectivement au prix moyen des esclaves lors de la première moitié du second millénaire av. J.-C. ; il devait monter à deux cents talents à la fin du second millénaire, puis à cinq cents au cours du premier.
Un indice matériel figure dans l'un des derniers versets de la Genèse, où il est précisé que le roi d'Egypte permit à Joseph d'aller enterrer son père Jacob en Canaan "avec des chars et des cavaliers" (Gn 50, 9). Or l'introduction du char en Egypte remonte précisément au temps des Hyksos : cet élément fait de la seconde période intermédiaire une limite antérieure pour l'entrée en Egypte de la famille de Jacob.
Il serait risqué de tenter d'être plus précis, et pourtant on doit citer un témoignage peu connu figurant dans un texte de l'Antiquité tardive et attribué au prêtre égyptien Manéthon (IIIème siècle av. J.-C.). Cet auteur qui composa la première Histoire de l'Egypte avance le nom du roi qui aurait connu Joseph : ce serait Apopi Ier, ou Apophis, un souverain hyksos de la XVème dynastie qui régna de 1580 à 1540 environ. Le document, connu indirectement par l'historien byzantin Georges le Syncelle, contient les mots suivants :"Certains disent que ce roi (Apopi) était au début appelé Pharaon, et que dans la quatrième année de son règne Joseph arriva en esclave en Egypte. Il nomma Joseph seigneur d'Egypte et de tout son royaume, dans la dix-septième année de son gouvernement, ayant appris de lui l'interprétation des rêves et ayant ainsi prouvé sa sagesse divine"[2]. Le problème est que Manéthon confond ensuite la guerre d'indépendance égyptienne contre les Hyksos avec la libération des Hébreux conduits par Moïse, deux évènements incontestablement différents et qui rendent de ce fait l'information très incertaine.
[1] Y. Volokhine : "L'Egypte et la Bible : histoire et mémoire. A propos de la question de l'Exode et de quelques autres thèmes". Bulletin de la Société d'Egyptologie, Genève 24 (2000-1).
[2] "Genesis - Genesis 37-50 - The story of Joseph" (bibleandscience.com).
Extraits de : bible.archeologie.free.fr/hebreuxenegypte.html>http://bible.archeologie.free.fr/hebreuxenegypte.html, qui comporte en outre de très belles photos. Les sous-titres sont de notre rédaction.