L'histoire des polémiques est intéressante : elle montre le respect nécessaire pour que l'intelligence humaine explore et pèse le pour et le contre, avec sérieux ;
Mais l'histoire des polémiques montre aussi l'importance d'une opposition idéologique à la possibilité du miracle. La croyance toute au plus déiste (croire qu'un dieu lance la création et se retire) n'est pas la vraie foi chrétienne en Dieu Créateur qui reste présent à sa Création et peut accomplir un miracle (cf. articles d'approfondissement).
Et le XIX° siècle a vu grandir une idéologie qui, au nom de la science, a chassé la possibilité du surnaturel.
L'auteur nous présente ici l'une des premières grandes polémiques, celle à la fameuse séance de l'Académie des Sciences du 21 avril 1902, où Paul Vignon avait présenté, à la demande de l'académicien Yves Delage (biologiste et professeur à la Sorbonne), son étude de l'image du Linceul :
Paul Vignon, catholique convaincu et collaborateur du professeur Yves Delage, agnostique, étudia avec ce dernier les stigmates de la Passion et les coulées sanguines. Celles-ci semblaient authentiques, présentant les caractéristiques et le comportement d'une tache de sang sur un tissu qui ne l'absorbe pas: la coagulation commence par la périphérie en se creusant par le centre.
Toutes leurs observations corroboraient ce qui était supposé du Linceul, par tradition: l'image représentait un homme mort par crucifixion et non une peinture, et le crucifié semblait bien être Jésus de Nazareth, personnage historique dont les nous ont rapporté les faits.
Arrivé à la certitude de cette conclusion, le professeur Yves Delage, membre de l'Académie des sciences y présenta une communication de son collaborateur Paul Vignon qui résumait leurs recherches et leurs conclusions.
Quelle ne fut pas alors le tollé face à une telle communication dans cette noble et docte assemblée: oser parler de religion, de l'étude d'une relique à l'aube de ce vingtième siècle qui se voulait résolument moderne et anticlérical alors que la religion était considérée comme un phénomène d'obscurantisme social et rétrograde qu'il fallait combattre!
Depuis plusieurs années d'ailleurs, la troisième République au travers de ses différents cabinets montrait l'exemple.
Waldeck-Rousseau, chef de ministère commença les menées anticléricales le 18 février 1899 en soumettant les 750 congrégations religieuses à l'octroi d'une autorisation préalable d'association. Il ne faisait en fait qu'appliquer une loi votée en 1880. Emiles Combes (ancien séminariste comme Waldeck-Rousseau) qui lui succéda en 1902 procéda à l'expulsion des communautés religieuses dont le gouvernement avait refusé l'autorisation d'association (congrégations enseignantes, prédiquantes, caritatives, etc.). Il fit aussi voter la loi relative à la séparation de l'Eglise et de l'Etat le 9 décembre 1905 qui spolia l'Eglise de France de son patrimoine immobilier.
En but aux persécutions du laïcisme politique
Marcellin Berthelot avait été ministre de l'Instruction Publique de 1886 à 1887 puis ministre des Affaires Etrangères de 1895 à 1896. C'était un ami d'Emiles Combes partageant le même sectarisme anticlérical, n'hésitant pas à l'accompagner dans des cérémonies officielles à provocation antireligieuse comme à Tréguier en Bretagne pour l'inauguration d'une statue d'Ernest Renan [1 ] sur la place de la cathédrale, où il prit la parole en septembre 1903 aux côtés d'Anatole France, du maire de la ville, du ministre de la Justice et d'E. Combes.
Berthelot était un chimiste réputé, membre de cette académie et présent au cours de cette séance. Il s'éleva contre cette communication d'une manière virulente et hostile et entama une polémique sectaire contre l'intervention d'Yves Delage. Il refusa de consigner cette déposition dans le compte-rendu de séance "pour ne pas déshonorer la science" selon ses propos.
La carrière de l'honnête Professeur Yves Delages fut, par la suite, pour le moins que l'on puisse dire, entravée par les remous provoqués lors de cette séance...tandis que la république honorait le personnage sectaire en matière de religion, de Marcellin Berthelot, en transférant ses cendres au Panthéon.
Le sort de l’avocat Secondo Pia ne fut pas meilleur que celui du professeur Yves Delage : il fut victime de la calomnie maçonnique turinoise qui le désignait comme mystificateur, charlatan et faussaire. Ainsi sali et déshonoré, il ne put être réhabilité que bien après sa mort, lorsque Enrie fut habilité à prendre la deuxième photographie du Linceul en 1931, photographie qui reste toujours de nos jours la photographie officielle du Linceul de Turin.
Les efforts des ennemis du Linceul de Turin furent vains: Secondo Pia n'avait ni triché, ni falsifié la photographie, et le professeur Yves Delage et Paul Vignon avaient bien identifié des taches de sang sur le Linceul. Leurs observations furent confirmées par la suite par beaucoup d'autres spécialistes du Linceul comme le docteur Pierre Barbet ou Antoine Legrand.
___________