A Fatima, la première apparition se déroule aux environs de midi et Marie demande aux trois voyants de revenir le 13 de chaque mois « à cette même heure ».
L'heure de midi est riche de sens, un père de l'Eglise nous l'explique.
Abraham reçut Dieu à midi au chêne de Mambré (Gn 18, 1), avec une promesse de fécondité : "Je reviendrai vers toi l'an prochain; alors, ta femme Sara aura un fils." (Gn 18, 10)
Midi, c'est surtout la sixième heure, c'est l'heure où le Christ est mis à mort.
En partant du chiffre 6, Origène évoque « la Rédemption de l'homme qui fut créé le sixième jour »[1]. Origène n'utilise pas les chiffres pour dire ce qu'il veut. Il résume en fait l'Evangile. La passion commence et se termine « au jardin » (Jn 18,1 et Jn 19, 41), ce qui évoque le jardin de la Genèse. Jésus ressuscité souffle sur les disciples le soir de la résurrection comme le Créateur a soufflé pour vivifier Adam (Jn 20,22). Bref, la mort du Christ correspond à la restauration de l'homme tel qu'il sortit des mains du Créateur.
C'est encore à midi que saint Paul se convertit sur le chemin de Damas (Ac 22, 6).
Midi symbolise la conduite digne : « Comme il sied en plein jour, conduisons-nous avec dignité: point de ripailles ni d'orgies, pas de luxure ni de débauche, pas de querelles ni de jalousies. » (Rm 13, 13).
Midi symbolise une intelligence et une pureté du cœur « claires et radieuses » qui rendent capable de voir Dieu.[2]
Aussi la fiancée du Cantique des cantiques « désire aller vers l'époux même à midi, juste au moment où la lumière du jour est plus brillante et la splendeur du jour parfaite et pure. »[3] L'épouse désire « cette heure où la lumière se répand à flots sur le monde, où le jour est pur, et la lumière plus limpide et plus radieuse. »[4] Parce que l'époux lui manifeste les éminents et sublimes secrets de ses vertus à midi[5].
Saint Grégoire de Nysse résume toute cette tradition :
« Enseigne-moi donc, dit-elle, ou tu mènes paître le troupeau, afin que je puisse trouver le pâturage du salut, me rassasier de la nourriture céleste que tout homme doit manger pour entrer dans la vie. Que j'accours auprès de toi, qui es la source, pour aspirer la boisson divine que tu fais jaillir comme d'une source pour les assoiffés. Cette eau jaillit de ton côté ouvert par la lance et, pour celui qui en goûtera, elle deviendra source jaillissante pour la vie éternelle. Si tu me conduis dans ces pâturages, tu me feras parfaitement reposer à l'heure de midi ; en paix, tout aussitôt, je me coucherai et je me reposerai dans la lumière sans ombre. Car il n'y a pas d'ombre à midi : le soleil est au zénith. C'est là que tu fais coucher ce dont tu es le pasteur, lorsque tu prends tes enfants avec toi sur ta couche du matin, c'est-à-dire de l'origine du mal et de son terme, celui-là repose à l'heure de midi sous le soleil de justice. Fais-moi donc connaître, dit la bien-aimée comment trouver le pâturage ; indique-moi le chemin du repos de midi. Il ne faudrait pas que j'échappe à la bonne direction et que l'ignorance de la vérité m'agrège à des troupeaux étrangers au tien.[6]»
[1] ORIGENE (180-250), Commentaire sur le Cantique des Cantiques, Sources Chrétiennes 375, par Luc Brésard et Henri Crouzel, Cerf, Paris, 1991, Livre II, 4,32-34 ; Tome I, p. 347-349
[2] Ibid., Livre II, 4,27 ; Tome I, p. 345
[3] Ibid., Livre II, 4,11 ; Tome I, p.335
[4] Ibid., Livre II, 4,15 ; Tome I, p.339
[5] Ibid., Livre II, 4,25 ; Tome I, p. 345
[6] GREGOIRE, EVEQUE DE NYSSE (335-395), Homélie sur la Cantique 2, Ed. H Langerbeck, Leiden, brill, 1960, 63.
Synthèse F. Breynaert