Une étude synthétique et documentée sur les apparitions de saint Joseph manque encore. Les historiens ont privilégié les manifestations de la Vierge Marie, et, dans une certaine mesure, celles du Christ (bien sûr, hormis la Résurrection elle-même). Mais il est ardu, sinon impossible, de taire les ‘venues’ du père adoptif de Jésus, même si, en l’état actuel des choses, la documentation historique demeure, en certains cas, assez lacunaire et éparse. Nous passons ci-dessous sous silence les cas douteux, mal renseignés ou condamnés (Lincoln, Marlboro, Andiran-le-Fréchou, etc.).
Saint Savinien (ou Sabinien), premier évêque de Sens, baptisé à Troyes au début du IIIe siècle, mort décapité tandis qu’il célèbre une messe, est l’un des premiers à « voir » saint Joseph. Accompagné de deux compagnons, Altin et Potentien, Savinien évangélise le Gâtinais. Ensemble, ils font bâtir un monastère à Ferrières, près d’Orléans, bâtiment consacré une nuit de Noël. Cette nuit-là, tandis que Savinien dit la messe aux côtés de Potentien, une lumière inconnue envahit l’endroit. Soudain, la « Sainte Famille » apparaît à Savinien ; des anges chantent le Gloria in excelsis Deo. Le saint, en extase, s’écrie : « C’est vraiment ici Bethléem ! ».
L’apparition aide la conversion des habitants de Ferrières, fiers de leur « abbaye de Bethléem ». Au VIIIe siècle, saint Loup de Sens évoque ainsi ses prérogatives : « abbé du monastère, dénommé Bethléem ou Ferrières. »
Si les circonstances de l’apparition restent incertaines, en revanche la renommée de l’abbaye de Ferrières, quant à elle, est un fait pérenne. Clovis s’y rend en 481, pour y faire la connaissance de sa future épouse, Clotilde, selon un récit apocryphe. En tous cas, le roi franc y érige une seconde église pour les moines de Ferrières.
Plus tard, Wandelbert, gouverneur du Gâtinais, lègue le monastère à Honorius Ier (pape de 625 à 638), don figuré sur les armes de la cité par l’emblème des deux clefs. En 794, après des raids saxons dévastateurs, Charlemagne nomme Alcuin, l’un des grands intellectuels de son temps, à la tête de l’abbaye. Le Vendredi saint 879, les jeunes princes Louis III et Carloman y sont sacrés. Plusieurs souverains se rendent en pèlerinage à Ferrières, notamment Louis XI au XVe siècle.
Cette mémoire des faits est inscrite dans la longue durée : l’église actuelle, construite au XIe siècle, est dédiée à Savinien.
Les faits commencent le 10 août 1519. Ce jour-là, Jean de la Baume, bûcheron varois, prie au sommet d’une colline de Cotignac lorsqu’une « nuée » apparaît devant lui. L’homme, décontenancé, voit dans la lumière la « Vierge portant l’Enfant Jésus et saint Joseph, entourés de l’archange saint Michel et de saint Bernard ». L’apparition lui demande de rendre visite au curé de Cotignac pour lui demander de faire bâtir à cet endroit une chapelle en l’honneur de Notre-Dame-de-Grâce. Le lendemain, Jean voit une seconde fois la Sainte Famille.
Le 14 septembre suivant, la première pierre du sanctuaire local est posée. Deux ans plus tard, le pape Léon X accorde des indulgences aux pèlerins de Cotignac. Le 21 février 1660, Louis XIV et Anne d’Autriche y viennent en pèlerinage.
Le 7 juin 1660, un siècle et demi après les premières apparitions, saint Joseph se manifeste sur les lieux à un jeune berger, Gaspard Ricard, en prière sur le mont Bessillon. Gaspard est assoiffé ; soudain, il voit un « homme à ses côtés » et entend : « Je suis Joseph. Soulève ce rocher et tu boiras. » Effectivement, le jeune homme déplace la lourde pierre et découvre dessous une source d’eau.
Le 31 janvier 1661, Mgr Joseph Ondedei, évêque de Fréjus, authentifie ces apparitions. Le sanctuaire est confié aux prêtres de l’Oratoire. Après la tourmente révolutionnaire, le lieu connaît une période de renouveau. En 1938, la statue de la Vierge Marie y est couronnée. En 2005, le sanctuaire de Cotignac devient basilique mineure.
En 1670, à Kakisz, l’une des villes les plus anciennes de Pologne, entre Cracovie et Poznan, saint Joseph apparaît un soir à Stobienia, âgé et malade. Le pauvre homme ne cesse de prier saint Joseph, patron de la bonne mort. Il entend : « Tu guériras quand tu feras peindre un tableau représentant la Sainte Famille avec l’inscription portant ces mots : ‘Allez à Joseph’ ; tu l’offriras à l’église collégiale de Kalisz. »
Nous mesurons insuffisamment la renommée de ce sanctuaire, haut lieu de la mémoire de la nation polonaise. Après avoir insérée la mention de saint Joseph dans le Canon de la messe catholique, le bienheureux Jean XXII offrit en octobre 1962 son anneau pontifical à ce sanctuaire. En 1969, le clergé polonais y fonde le Centrum Józefologiczne : le premier Centre d’Études international sur saint Joseph.
Saint Gaëtan de Thiene (1480-1547), fondateur des Théatins, voit la Sainte Famille, probablement le jour de Noël 1547, peu avant sa mort, dans la basilique Sainte-Marie-Majeure à Rome. Le peintre italien Giovanni Battista Tiepolo (1696-1770) représente la scène vers 1735/1740.
Le jeudi 21 août 1879, la Vierge Marie, accompagnée de saint Joseph et de saint Jean l’évangéliste, apparaît sur la façade de l’église paroissiale de Knock Mhuire (Irlande, comté de Mayo, diocèse de Tuam), en présence de 18 témoins. En arrière-plan, les voyants observent un petit autel sur lequel se tient un « agneau ». Des guérisons sont alléguées. Dans les mois suivants, l’évêque diocésain crée une commission d’enquête dont les résultats positifs sont publiés l’année suivante. Le « Lourdes irlandais » reste un pèlerinage européen de premier plan. Jean-Paul II s’y est rendu dès la première année de son pontificat.
Le 18 mars 1896, la jeune Marie Martel (1872-1911), élève de l’école religieuse de son village, voit la Vierge Marie pour la première fois. Trois ans plus tard, jour pour jour, la « voyante de Tilly » voit la Sainte Famille. Au cours de l’année 1901, Marie allègue plusieurs apparitions de saint Joseph. Le 15 août 1896, Mgr Hugonin, évêque de Bayeux, autorise l’installation d’une statue mariale sur les lieux des apparitions, à l’intérieur d’une petite chapelle.
Fatima est aujourd’hui l’un des principaux pèlerinages catholiques du monde. Le 13 octobre 1917, une foule estimée entre 50 et 100 000 personnes assiste à un prodige céleste : la « danse » du soleil. Ce jour-là, les trois pastoureaux voient la Sainte-Famille. Le 13 octobre 1930, l’évêque de Leiria reconnaît les apparitions de Fatima. Paul VI et Jean-Paul II sont venus sur les lieux.
Dans le diocèse italien de Bergame, la petite cité de Ghiaie di Bonate connaît elle aussi une série de 13 apparitions mariales, entre le 13 et le 31 mai 1944. Adelaïde Roncalli, la voyante, âgée de sept ans, est la cinquième d’une famille de huit enfants. Marie et Joseph se montrent à elle au cours de la 9e apparition. On parlera à propos de ce phénomène d’une vision de l’Église sur un mode symbolique et allégorique. En 2002, Mgr Roberto Amadei, évêque de Bergame, autorise le culte à Notre-Dame de Ghiaie.
À Rome, Bruno Borlotti, pieux adolescent de 14 ans, voit le Christ, la Vierge et saint Joseph le 4 mars 1949. C’est la dernière manifestation spirituelle d’une série commencée le 17 mai précédent.
En avril 1968, le quartier populaire de Zeitoun au Caire est le théâtre d’apparitions nocturnes restées très célèbres, au-dessus de l’église copte orthodoxe. De nombreux clichés, inexplicables à ce jour, ont été diffusés dans le monde entier. On estime certains soirs le nombre des témoins certains soirs à à 250 000 ! Cyrille VI, patriarche copte orthodoxe d’Alexandrie, publie une déclaration le 5 mai 1968 par laquelle il reconnaît l’origine surnaturelle du phénomène.
En Israël, en août 1983, saint Joseph est contemplé à l’intérieur d’une petite grotte de Beit Sahour, non loin de Bethléem, par une jeune chrétienne grecque-orthodoxe.
Au Brésil, plusieurs récits d’apparitions de saint Joseph voient le jour depuis une trentaine d’années. On notera :
A Anguera, près de Salvador de Bahia, Pedro Regis témoigne d’apparitions de la Vierge (sous le vocable « Notre-Dame de la Paix ») et de saint Joseph depuis 1987.
- à Jacarei, près de Sao Paulo, Jésus, Marie et Joseph apparaissent régulièrement en fin de journée, vers 18h30, à Marcos Tadeu.
- à Itapiranga, depuis le 2 mai 1994, la Vierge Marie puis la Sainte Famille apparaissent à Maria do Carmo et à son fils, Edson Glauber, né le 27 octobre 1972, étudiant en sciences économiques au moment des faits. Les premières apparitions ont lieu à Manaus (dont le nom originel était ‘Saint-Joseph du Fleuve Noir’). En 1995, la Vierge prédit à Edson une venue prochaine de saint Joseph. Le jour de Noël 1996, Edson est témoin de faits extraordinaires : « Je priais le chapelet, et lorsque j’eus terminé, j’ai été surpris par une grande lumière qui a illuminé la pièce dans laquelle je me trouvais. J’ai eu une très belle vision de Notre-Dame et de saint Joseph qui portait l’Enfant-Jésus dans ses bras. Tous trois étaient vêtus de robes d’or étincelantes […]. Les bras de l’Enfant-Jésus et ceux de la Vierge étaient dirigés vers le Coeur de saint Joseph qui était entouré de douze lys blancs avec, au centre le M de Marie, surmonté d’une croix. »
En mars 1998, Joseph apparaît à plusieurs reprises sous les traits d’un homme jeune d’environ « 25 ans », « yeux verts » et « cheveux châtains », « barbe courte », d’une taille d’environ « 1, 85 m ». Lorsque jésus, marie et Joseph apparaissent ensemble, ils montrent chacun leur Coeur. En novembre 1997, Edson entend ces paroles : « Dieu veut que saint Joseph soit glorifié par tous les hommes d’une manière spéciale. » En décembre 2004, une autre locution est alléguée : « Dieu m’envoie comme protecteur de l’Église et des familles. Je vous place sous mon manteau protecteur. »
« Tout me conduit à conclure que les apparitions d’Itapiranga ont une origine surnaturelle », déclare Mgr Carillo Grilli le 31 mai 2009. Le prélat autorise la construction d’un petit sanctuaire et le culte public aux « trois Sacrés Coeurs » de Jésus, Marie et Joseph. Le 2 mai 2015, il célèbre une messe sur les lieux des apparitions.
D’autres pays sont concernés, comme l’Inde où Marie et Joseph apparaissent le 26 juillet 1997 à Kallianpur, entre Goa et Mangalor, à trois fillettes, dont une n’a pas reçu le baptême ; ou encore les Pays-Bas, près d’Eindhoven, où Agatha Molki Van der Palen, mère de famille trentenaire, voit Marie et la Sainte-Famille.