« Le Baptême au Jourdain est avant tout un mystère de lumière. En ce lieu, alors que le Christ descend dans les eaux du fleuve comme l'innocent qui se fait "péché" pour nous (cf. 2 Co 5, 21), les cieux s'ouvrent, la voix du Père le proclame son Fils bien-aimé (cf. Mt 3, 17 //), tandis que l'Esprit descend sur Lui pour l'investir de la mission qui l'attend. »
Jean Paul II, Lettre apostolique Rosarium Virginis Mariae, octobre 2002, § 21
Marie n'est apparemment pas présente au Jourdain au moment du baptême de Jésus, mais elle communie par toute sa vie à la signification de cet événement. Jean Paul II a fait du baptême de Jésus au Jourdain le premier mystère lumineux du Rosaire.
En effet, le Jourdain a un rôle symbolique en tant que frontière avant l'entrée dans la terre de Canaan (Josué 6). Se plonger dans le Jourdain, c'est refaire symboliquement tout le parcours spirituel d'Israël, l'appel de Dieu, la sortie d'Egypte, le Sinaï, la marche au désert en y recevant la manne pour chaque jour.
Marie a personnellement fait ce parcours spirituel. Marie se sait aimée de Dieu qui s'est penché sur elle (Lc 1, 48). Elle se sait choisie de Dieu qui fait Alliance avec elle. Nous pouvons comparer l'Annonciation et l'Alliance au Sinaï. Marie s'est mise en route, en confiance.
Le père de Jean Baptiste, Zacharie, est prêtre au temple de Jérusalem. Le fait que Jean le Baptiste vive au désert et baptise au Jourdain indique qu'il appartient aux mouvances juives qui attendent un temple non fait de main d'homme. Son comportement est un acte de contestation, une prise de distance par rapport au temple de Jérusalem.
On sait par ailleurs[1] que les mouvements juifs qui attendent un temple non fait de main d'homme attendent aussi un rédempteur personnel qui sauvera le peuple de ses péchés et qui sera confirmé par des miracles ou des voix célestes. Le récit de l'Annonciation (Lc 1, 26-38) inscrit Marie dans ce cadre, donc dans une certaine affinité avec Jean le Baptiste.
Le fait qu'au baptême du Christ l'Esprit Saint soit représenté par la colombe (Mt 3,16 ; Mc 1, 10 ; Lc 3, 22 ; Jn 1, 32) doit aussi être interprété sur l'arrière fond biblique.
La colombe est une image pour parler d'Israël dont le Seigneur est l'époux[2], une image qui désigne donc le peuple, un peuple à construire ou à sauver, à rassembler dans une nouvelle Alliance. En harmonie avec la symbolique de la colombe, l'Annonciation est une Alliance, l'Incarnation est une noce de l'humanité avec Dieu.
La colombe est aussi un animal de sacrifice[3] annonçant l'offrande du Christ. Nous avons dit que Marie et Joseph ont aussi été capables d'un acte d'offrande, d'un sacrifice personnel dépassant ce que la loi prescrivait. La Présentation de Jésus au temple pourrait avoir été une offrande pour tout le peuple Juif, « pour leur purification » (Lc 2, 22).
Jean Baptiste déclare « Dieu peut, des pierres que voici, faire surgir des enfants d'Abraham » (Mt 3,9 et Lc 3,8). Les pierres signifient les païens. La phrase signifie que les païens peuvent entrer dans l'Alliance ; par leur conversion et par la grâce de Dieu, ils en deviennent dignes. Au Jourdain, la mission qui commence pour Jésus sera non pas la fin d'un Exode, mais un nouvel Exode, vers le monde entier.
D'un point de vue marial, cet accueil des païens dans l'Alliance est présent dans le récit de Matthieu lorsque Marie accueille les mages venus adorer l'enfant Jésus (Mt 2,11) et dans le récit de Luc qui souligne la résidence de Marie « à Nazareth », « une ville de Galilée » (Lc 1,26 : dans la Galilée des nations, la Galilée des païens), ou encore quand saint Luc fait remonter la généalogie de Jésus à Adam (Lc 3, 38), le rendant ainsi solidaire de tout homme.
De plus, Au Jourdain, la voix céleste dit de Jésus qu'il est le Fils du Père... Marie garde ce mystère depuis l'Annonciation.
Au Jourdain, le geste de Jésus préfigure sa passion pour les pécheurs. Marie sera présente au calvaire...
[1] J. Bernard, Torah et culte chez les Rabbins, confessions divergentes, dans Mélanges de science Religieuse, Lille, Janvier-mars 1997 pp. 38-71
[2] Os 7,11 ; 11,11 ; Ps 55,7 ; Ct 1,15 ; Ct 2,14 ; Ct 5,2
[3] Lv 12,8
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Extrait de Françoise Breynaert A l'écoute de Marie, tome I, p. 131-133