La nuit de l'esprit est un véritable drame.
Pour en éclairer l'horreur et en expliquer la fécondité, il faut le rapprocher du drame de Gethsémani qu'il prolonge.
Gethsémani vit la collusion de la pureté de Dieu et du péché du monde dans l'humanité du Christ qui portait ce double poids.
Cette Humanité y fut écrasée, brisée, anéantie. Quelques plaintes aux apôtres, des gémissements dans la nuit, la sueur de sang, laissèrent deviner l'horreur du drame silencieux et profond qu'enveloppait l'obscurité du mystère.
Et cependant le rachat de l'humanité, la naissance et les développements de l'Eglise ont révélé la qualité de la victoire remportée par la patience du Christ en ce combat.
La nuit de l'esprit est une participation à cette souffrance et à cette victoire du Christ.
N'identifions pas complètement les deux combats. Des distinctions s'imposent.
- Jésus portait l'onction de la divinité et le péché du monde.
- Pour hautes que soient ses communications avec Dieu, l'âme ne reçoit qu'une grâce créée et limitée ; le péché qu'elle porte est le sien.
Le combat du Christ avait pour enjeu le salut de l'humanité entière, et il y fut victorieux.
La nuit de l'esprit a pour enjeu la haute perfection d'une âme. Et cependant, dans la nuit de l'esprit, il ne s'agit pas que d'une âme. Ce n'est pas un combat individuel. Celui qui sort victorieux de l'épreuve devient nécessairement un apôtre, un entraîneur. Or donc, toutes proportions gardées, c'est bien Gethsémani qui se prolonge dans la nuit de l'esprit que subissent les vaillants. L'Eglise entière est intéressée à leur victoire.
Père Marie Eugène de l'Enfant Jésus, Je veux voir Dieu,
Editions du Carmel, 1956, p. 762-763