Ils sont témoins de tout ce qu’ils ont vécu, vu et entendu « depuis le baptême de Jean » (Ac 1,22). Et pour répondre à l’attente et au besoin des néophytes baptisés après la Pentecôte, ils se consacrent entièrement au « service de la parole » (Ac 6,1), prenant soin de l’enseignement de ces multitudes.
Les 3.000 premiers disciples « se montraient assidus à l'enseignement des apôtres, fidèles à la communion fraternelle, à la fraction du pain et aux prières » (Ac 2,42). Devant cet afflux massif, les 12 Apôtres et les 72 premiers disciples formés par le Christ sont forcément un peu débordés par les questions d’intendance. Les Actes des Apôtres montrent que les Douze ont bien compris la priorité absolue de la transmission : ils privilégient le « service de la parole » (Ac 6,1). Ils doivent trouver des aides :
En ces jours, ces mois et ces années qui suivent la Pentecôte, la principale activité des Apôtres va être d’abord de transmettre leur témoignage, de former et d’enseigner les multitudes sans cesse plus nombreuses qui ont eu le cœur transpercé par l’annonce de la Bonne Nouvelle et qui ont été baptisées pour répondre à l’appel du Ressuscité.
Le soin apporté à la formation est très logique, parce que l’Église ne pourra grandir et se développer de manière exponentielle que si les premiers néophytes de Jérusalem sont bien formés et peuvent à leur tour former d’autres disciples. Cela suppose un enseignement complet, structuré, réfléchi, organisé, qui porte sur des nombres importants et suppose du temps, une logistique, une organisation permettant la délégation, le suivi et le contrôle. L’approche de ces problèmes d’un point de vue de scénariste est très intéressante, parce qu’elle oblige à mesurer toutes les conséquences matérielles, spatiales et temporelles de cet effort de formation de milliers puis de dizaines de milliers de personnes, sur plusieurs mois et plusieurs années. Les Apôtres doivent nécessairement y investir toutes leurs forces et s’appuyer pour gérer cette priorité sur les 72 qui sont eux aussi témoins du Christ et qui ont bénéficié de son enseignement direct, et sur les 500 témoins de la Résurrection.
Pour réfléchir sur le processus de fixation des Évangiles, deux exemples sont très éclairants.
C’est par exemple une expérience que nous avons vécue souvent à "Marie de Nazareth", lorsque nous pensions vivre des événements assez providentiels, où l’aide de Dieu apparaissait étonnante. Par exemple, lorsqu'à Nazareth il y a eu le 12 juin 2000 la rencontre avec le Maire de la ville et ses adjoints, afin de trouver un emplacement pour le futur Centre international Marie de Nazareth. Cela faisait 2 ou 3 ans que le Maire cherchait un lieu pour un Musée marial, mais il n’avait pas trouvé grand-chose et nous avons passé l’après-midi à chercher avec eux sans grand succès. Le soir en rentrant à l’hôtel Galilée, on pensait que c’était fini et qu’il n’y avait plus rien à faire, mais un groupe de pèlerins français croisés dans le hall ont proposé de les accompagner pour visiter le « tombeau du Juste » chez les Sœurs de Nazareth. Là-bas les Sœurs nous ont présenté ce lieu archéologique extraordinaire en expliquant que ce pouvait être le tombeau de Saint Joseph en nous invitant à y descendre et à y prier, ce qui a conduit à demander : « Saint Joseph, toi qui a logé Jésus et Marie sur la terre toute ta vie, pourrais-tu nous trouver quelque chose ? ». Le lendemain, après la première messe à la Basilique, une Sœur qui s’était un peu attardée en prière, Sœur Anthony, dont c’était la fête, ce 13 juin, explique qu’elle s’occupe d’une école juste à côté de la Basilique, mais que les bâtiments sont maintenant trop petit, qu’il va falloir déménager dans un an et que cela fait une semaine que les Sœurs commencent à recevoir des personnes pour trouver une nouvelles affectation pour un hôtel ou un commerce. C’était exactement ce qu’il nous fallait pour le projet de Centre marial et finalement les choses se sont faites. Les Sœurs étaient de la Congrégation de Saint Joseph de l’Apparition, l’école s’appelait l’école Saint Joseph, et nous nous étions rencontré par hasard, exactement au moment où il le fallait. Comme nous y avons vu un beau signe du Ciel, cette histoire a été racontée des dizaines de fois oralement et tous les détails n'ont pas été retenu mais tous ceux que nous rapportons, et qui nous sont apparus au fil des multiples récits comme les plus importants et les plus signifiants, sont parfaitement exacts et se sont vraiment passés. Et si nous devions écrire cette histoire dans le détail des dizaines d'années plus tard, tout ce qui serait raconté serait parfaitement juste et vrai, parce que le récit est fixé depuis longtemps, même si nous n'avons pas la chance de vivre dans un monde de culture orale (ce qui aurait permis de fixer les choses d’une manière plus codifiée et plus normalisée, avec un rythme et des accroches mnémotechniques qui auraient permis à d’autres de tout mémoriser ensuite plus facilement).
Nous avons entendu aussi très souvent des amis raconter des histoires comparables à des publics différents dans des termes très proches, qui s’étaient fixés au cours du temps, comme par exemple lorsqu’Edmond Fricoteaux racontait dans d’innombrables détails l’histoire de Notre-Dame de France et des Vierges pèlerines : les récits que l’on raconte souvent se fixent très vite et ils sont parfaitement exacts.
Bref, nous pouvons tous faire l’expérience de ce genre de choses et on ne peut pas imaginer que les récits de tous les miracles ou les hauts faits du Christ, qu’on se répétait forcément sans cesse, n’aient été fixés très rapidement, et que les Apôtres aient pu les répéter encore sans cesse pendant des mois et des années afin qu’ils soient connus et mémorisés par ceux qui devaient devenir les cadres de l’Église sans qu’ils n’aient eux aussi été fixés très rapidement.
La composition des récits évangéliques est clairement une réalité qui a accompagné la prédication du Christ et qui a suivi immédiatement la Pentecôte à l’occasion de cet immense effort d’enseignement qui a conduit à décanter, fixer, et harmoniser l’annonce commune.
Pendant ces tout premiers temps de l’Église, les Apôtres n’auront pas autre chose à enseigner et à transmettre que le témoignage de la Résurrection et de tout ce qu’ils ont vécu avec Jésus comme le Christ lui-même le leur a demandé :