Les récits qui se fixent, au cours de la répétition de ces enseignements dans les premières années de la vie de l'Eglise, sont forcément en langue hébraïque, c'est-à-dire en araméen de Babylone, la langue commune de l’époque en Israël. D’ailleurs pendant les 10 premières années de l’Église, tout ou presque se passe dans le monde juif. Les disciples comme leurs opposants, sont tous des juifs, et la prédication est naturellement orientée à leur intention.
C’est exactement ce qu’on retrouve dans l’Évangile composé, écrit et publié par l’un des Douze, que les Apôtres désignent parmi eux pour ce travail : Matthieu, le publicain, sans doute le plus lettré des Apôtres.
C’est bien ce qu’indique d’ailleurs toute la Tradition depuis toujours : Matthieu rassemble ces « Mémoires des Apôtres » (Justin, Irénée) en langue hébraïque (selon Irénée, Jérôme, Clément, Justin, Eusèbe, etc.) pour en faire un premier récit continu à l’attention spéciale des juifs, qui constituent à cette époque le seul et unique public auquel les Apôtres s’adressent.
Il est très vraisemblable de penser qu’au départ, les Apôtres n’avaient aucune intention qu’il y ait quatre Évangiles, mais qu’ils se sont ensemble concertés sur un seul, qu’ils ont validé ensemble, sans perdre de temps, comme référence pour tous, en faisant en sorte de limiter la première annonce à ce qui était audible par des auditeurs juifs non formés qui ont encore besoin de « lait ».
Matthieu recueille le témoignage des Apôtres, comme par exemple celui de Jacques le mineur, le frère (cousin) de Jésus, qui tient la tradition des récits de l’enfance de Saint Joseph.
La composition de ce premier Évangile se fait très certainement dans les années qui suivent la Pentecôte et l’écrit correspondant, pour servir d’aide mémoire doit suivre très rapidement, mais la publication du texte ne sera pas largement réalisée tant que l’Apôtre vivra. Selon la règle bien attestée et expliquée plus haut qui veut qu’on n’écrit que lorsqu’il y a danger ou séparation, on peut imaginer peut-être que c’est lors de la deuxième persécution qui dispersa les Apôtres, vers l’été 36, suite à la destitution de Ponce Pilate par l’Empereur Tibère, que se fait probablement la première édition de Matthieu, même si la diffusion du texte reste très limitée puisque les Apôtres prêchent oralement et privilégient l’enseignement oral.
« La tradition rapporte qu’ils en virent à publier par nécessité. Matthieu, qui avait tout d'abord prêché parmi les juifs, lorsqu'il décida de se rendre également auprès d'autres peuples, écrivit dans sa langue maternelle l'Evangile qu'il avait annoncé; il chercha ainsi à remplacer par un écrit, auprès de ceux dont il se séparait, ce que ces derniers perdaient avec son départ » Eusèbe de Césarée (HE 3, 24,5)
Cette vision traditionnelle d’une première écriture par Matthieu en langue hébraïque pour les juifs est contestée par l’exégèse moderne mais elle est pourtant très traditionnelle, très attestée, très probable et aussi très logique comme nous l’avons vu ! Et c’est la seule qui a été défendue par le Magistère de l’Église :
« Faut-il considérer comme suffisamment fondée par la voie de la tradition l'opinion selon laquelle Matthieu a précédé dans sa rédaction les autres évangélistes et qu'il a composé le premier Évangile dans la langue maternelle alors utilisée par les juifs de Palestine ? La réponse de la Commission biblique de l’Église Catholique est « oui pour les deux parties » (DS 3562)
D’autres arguments plaident en faveur d’une datation précoce de Matthieu :