En 1689, le Sacré-Coeur fit à Paray-le-Monial des révélations se rapportant à la France.
Marguerite-Marie Alacoque écrivit en suivant une première lettre à la Mère de Saumaise, son ancienne supérieure, en date du 23 février de la même année, afin de la remercier de tout ce qu'elle a fait dans le but de promouvoir le culte du Sacré-Cœur, et dès cette date, elle touche à demi-mot, il est vrai, le côté social et national de cette grande dévotion:
« Ah ! que de bonheur pour vous et pour ceux qui y contribuent ! car ils s'attirent par là l'amitié et les bénédictions éternelles de cet aimable Cœur, et un puissant protecteur pour notre patrie ...
Il ne veut établir Son règne parmi nous que pour nous accorder plus abondamment ses précieuses grâces de sanctification et de salut. »
Une seconde lettre, envoyée le 17 juin 1689, avec une demande très explicite :
« ... Il me semble que Notre-Seigneur désire entrer avec pompe et magnificence dans la maison des princes et des rois, pour y être honoré autant qu'il y a été outragé, méprisé et humilié en sa Passion, et qu'Il reçoive autant de plaisir de voir les grands de la terre abaissés et humiliés devant Lui, comme Il a senti d'amertume de se voir anéanti à leurs pieds.
Et voici les paroles que j'entendis sur ce sujet :
« Fais savoir au Fils aîné de mon Sacré-Cœur (parlant du Roi de France) que, comme sa naissance temporelle a été obtenue par la dévotion aux mérites de ma sainte Enfance, de même il obtiendra sa naissance de gloire éternelle par la consécration à mon Cœur adorable, qui veut triompher du sien, et, par son entremise, de celui des grands de la terre. Il veut régner dans son palais, être peint dans ses étendards et gravé dans ses armes, pour les rendre victorieuses de tous ses ennemis et de tous ceux de la sainte Eglise. Mon Père veut se servir du Roi pour l'exécution de Son dessein, qui est la consécration d'un édifice public où serait placé le tableau de mon Cœur pour y recevoir les hommes de toute la France »
Cette lettre du 17 juin 1689 resta sans réponse de la part de la mère de Saumaise ou de quiconque. C'est pourquoi, Marguerite-Marie lui écrit de nouveau, le 12 août 1689, en ces termes :
« Je vous avoue, ma chère Mère, que votre silence sur les deux lettres que je m'était donné l'honneur de vous écrire, me fait un peu de peine, ne sachant à quoi l'attribuer, sinon que peut-être je vous ai marqué trop librement et simplement mes pensées, que j'aurais peut-être mieux fait de cacher sous un humble silence. Vous n'avez qu'à me le témoigner, et je vous puis assurer qu'en cela je contenterai beaucoup l'inclinaison que j'ai à ne jamais parler de ces choses, mais de les tenir ensevelies dans le secret du sacré-Cœur de mon divin Maître. Il m'est témoin de la violence qu'il faut que je me fasse pour en parler; à quoi je ne me résoudrais pas, s'il ne me faisait connaître qu'il y va de l'intérêt de Sa gloire, pour laquelle je sacrifierais de bon cœur des millions de vies, si je les avaient, par le grand désir que j'ai de le faire connaître, aimer et adorer. Mais peut-être n'avez-vous pas reçu mes lettres, ce qui serait encore bien plus affligeant. »
C'est par crainte que ces lettres se soient perdues, et afin que, si elle venait à mourir, son secret ne descendît pas avec elle dans la tombe, que sainte Marguerite-Marie rédigea le 28 août 1689 une nouvelle lettre :
Vive † Jésus!
« Le Père éternel, voulant réparer les amertumes et angoisses que l'adorable Cœur de Son divin Fils a reçues dans la maison des princes de la terre, parmi les humiliations et outrages de sa Passion, veut établir son empire dans le Cœur de notre grand monarque, duquel il se veut servir pour l'exécution de son dessein, qui est de faire faire un édifice où serait placé le tableau de ce divin Cœur, pour y recevoir la consécration et les hommages du Roi et de toute la cour.
De plus, ce divin Cœur se veut rendre protecteur et défenseur de sa sacrée personne contre tous ses ennemis. C'est pourquoi il l'a choisi comme son fidèle ami, pour faire autoriser la Messe par le Saint-Siège apostolique, et en obtenir tous les autres privilèges qui doivent accompagner la dévotion de ce divin-Cœur.
C'est par ce divin Cœur qu'il lui veut départir les trésors de ses grâces de sanctification et de salut, en répandant ses bénédictions sur toutes ses entreprises, en donnant un heureux succès à ses armes, et en le faisant triompher de la malice de ses ennemis. »
Ainsi, la demande écrite de répondre aux demandes de Notre-Seigneur était répétée, à savoir donc:
- une consécration nationale au cœur de Jésus,
- un temple national élevé par la France au Cœur de Jésus,
- la conversion du Roi et de toute la cour
- une inscription du Cœur de Jésus sur un étendard national, moyennant quoi Dieu rendra le roi, c'est à dire la France, victorieuse de tous ses ennemis, et lui donnera un règne éternel d'honneur et de gloire.
La demande de Notre Seigneur se rapportant à la France est-elle arrivée jusqu'au Roi ? Aucun élément ne permet de le certifier, mais si nous analysons la révélation de Notre Seigneur Jésus-Christ qui se plaignait à Sœur Lucie de Fatima, en août 1931 à Rianjo, de l'absence de réponse à sa demande de consécration de la Russie au Coeur Immaculé de Marie, ce fut bien le cas, et il n'y eu pas de réponse :
« Ils n’ont pas voulu écouter ma demande. Comme le Roi de France, ils s’en repentiront, et ils le feront, mais ce sera tard. La Russie aura déjà répandu ses erreurs dans le monde, provoquant des guerres et des persécutions contre l’Église : le Saint-Père aura beaucoup à souffrir. Faites savoir à mes ministres que, suivant l’exemple du Roi de France en retardant l’exécution de mes ordres, ils le suivront dans sa déchéance »
242 ans après la demande faite au Roi de France ces étonnantes paroles du Christ laissent supposer que Louis XIV savait exactement ce que Dieu voulait de lui, même s'il mourut finalement sans répondre aux demandes du Ciel, et le fait que le Seigneur en reparle si longtemps après montrent également à quel point Jésus y attachait de l'importance ...
Ensuite, 100 ans - jour pour jour ! - après la lettre mentionnant les demandes du Sacré-Coeur, le 17 juin 1789, les Etats généraux décident de se proclamer Assemblée constituante : c'est le moment clé du basculement de la France dans la Révolution, et il est difficile de n'y voir qu'une coïncidence ...
Plus tard, Louis XVI tombé du trône dans une prison, accablé des malheurs de la France, voyant qu'il n'y avait de ressources nulle part, se souvint de Marguerite-Marie et du secret qui avait été confié à son aïeul. Alors il se décida à accomplir enfin cette consécration de la France au Cœur de Jésus que Dieu avait demandée à ses pères et qui n'avait pas été réalisée, mais il était bien tard ...
L'histoire du Sacré-Coeur et de la France n'était cependant pas finie et plusieurs épisodes remarquables devaient suivre notamment :
Est-on au bout de cette histoire ?
On peut espérer que non, parce que comme dit le Psaume :
« Le plan du Seigneur demeure pour toujours,
les projets de son Coeur subsistent d’âge en âge » (Ps 32,11)