Ceux pour qui un Messie ne changerait rien

Ceux pour qui un Messie ne changerait rien

E. Urbach montre l'existence d'un courant pour lequel la venue d'un Messie ne change rien à la manière de vivre, toute entière dictée par une Halakha reçue définitivement au Sinaï et interprétée par les sages. Mais la tradition juive conserve aussi la trace d'un autre courant de pensée.

L'avènement du Messie ne changerait rien...

[Une grande partie des sages] ne s'autorisèrent aucune modification ou contestation de la portée ou de l'essence de la Tora. L'avènement du Messie n'y apporterait également aucun changement, car « La Tora n'est pas aux cieux » :

« Moïse a mis en garde Israël : Ne dites pas : Un autre Moïse se lèvera et nous apportera des cieux une autre Tora. Je vous déclare ici : Elle n'est pas aux Cieux - rien, de cette Tora, n'est resté aux Cieux. »

(Deutéronome Rabba VIII § 6)

Mais d'autres sages pensaient autrement[1]

Dans le monde futur, le Saint, béni soit-Il, sera assis dans le jardin d'Eden et commentera la Tora, et tous les justes du monde seront assis devant Lui, tandis que la familia céleste tout entière se tiendra debout. A la droite du saint, béni soit-il, seront le soleil et les planètes, à sa gauche la lune et les étoiles, et le Saint, béni soit -Il, commentera devant eux les raisons de la nouvelle Tora qu'Il leur donnera des mains du Messie.

Les lettres d'Aqiba (Batein Midrashot vol II, p. 367)

Il existait ainsi un courant de sages qui :

- considéraient les prophètes du passé comme des dispensateurs, non seulement de réprimandes et de paroles de réconfort, mais aussi d'enseignement halakhique [c'est-à-dire des préceptes] sous l'influx de l'inspiration divine,

- envisageaient que les humains continueraient de bénéficier des révélations du Très Haut, même en matière de loi et de jurisprudence, de prohibitions et de permissions rituelles,

- liaient à leurs espérances messianiques le renouvellement de la Tora [ = le Messie serait un nouveau Moïse apportant une nouvelle Tora].

Les deux approches existent parallèlement[2]

Les deux approches existent ou ont existé parallèlement, et le témoignage explicite de l'annulation des commandements dans le monde à venir nous a été conservé, ainsi que les conceptions émanant de l'autre parti :

YHVH permet des choses défendues [Ps 146, 7, habituellement traduit : YHVH délie les captifs] - Que signifie permet des choses défendues ? Certains disent : Tout animal déclaré impur en ce monde, le Saint, béni soit-Il, le déclarera pur dans le monde futur... Mais d'autres disent : Il ne les autorisera pas dans le monde futur...

(Midrash Tehillim 146, § 4, p. 535)


[1] Ephraïm E. Urbach, Les sages d'Israël, Cerf, Paris 1996 (traduit de l'hébreu par Marie-José Jolivet. Edition originale, Jérusalem 1979), p. 326

[2] E. Urbach, Ibid., p. 327


Synthèse F. Breynaert