Rappel sur la tradition de la chasteté sacerdotale.
La tradition explique la chasteté sacerdotale en se référant au sacerdoce lévitique et en invoquant le fait que la prière est rendue plus simple et qu'elle est donc mieux exaucée[1]. Puis la tradition se réfère à saint Paul [2] et aux apôtres[3]. Pie XI est le premier à faire référence à saint Joseph[4].
(Cf. Le lien ci-dessous : le célibat ecclésiastique, 1° et 2° millénaire).
La référence à l'Ancien Testament nous invite à nous souvenir que les cultes cananéens étaient tout sauf vécus dans la continence, il fallait au contraire s'unir aux prostituées sacrées pour capter et attirer les forces de fécondité agricole et les victoires dans le combat. Le culte lévitique est effectué dans la continence parce que la foi hébraïque a rompu avec l'attitude de convocation magique pour entrer dans une attitude de confiance qui reçoit tout de Dieu.
La référence à saint Paul et aux apôtres qui ont tout quitté pour suivre Jésus (Mt 19, 27) indique une offrande totale de soi au Christ, par amour. En aimant Jésus, le prêtre, comme aussi saint Joseph, n'aime pas les autres immodérément. La chasteté est une affection spirituelle qui envahit, élève la chair. Cette vertu ne frustre pas, ne fatigue pas. Celui qui est saturé de chasteté n'a pas de place pour ce qui corrompt. L'amour du prêtre est un amour pour Jésus, le Fils de Dieu, la sagesse incarnée. Cet amour sature sa personnalité de chasteté comme d'un parfum de sainteté.
L'éclairage nouveau apporté par la référence à saint Joseph.
Saint Joseph ramène les questions de chasteté au mystère de l'Incarnation.
Or, c'est bien du mystère de l'Incarnation que dépendent tous les sacrements célébrés par le prêtre. Il y a donc bien un lien entre la chasteté de Joseph et celle des prêtres chrétiens.
Pour saint Joseph, la continence et la virginité sont liées à la conception virginale du Fils de Dieu, par l'Esprit Saint. Il y a une « déprise », mais cela n'a rien à voir avec un regard négatif sur la sexualité, il s'agit d'accueillir la vie du Fils de Dieu, une vie plus vivante que la nôtre. Jean Paul II écrit :
«Joseph fit ce que l'Ange du Seigneur lui avait prescrit : il prit chez lui son épouse »; ce qui est engendré en elle "vient de l'Esprit-Saint" (Mt 1, 20) : ne faut-il pas conclure, devant ces expressions, que son amour d'homme est, lui aussi, régénéré par l'Esprit-Saint? »[5]
La chasteté ecclésiastique se justifie, non seulement pour éviter la captation magique comme au temps lévitique, non seulement pour que la prière soit simple et bien exaucée, non seulement pour que le prêtre ait des affections bien ordonnées à la vie éternelle, mais aussi pour que l'Eucharistie soit accueillie comme le Christ fut accueilli lorsqu'il s'incarna virginalement par l'Esprit Saint, et c'est cette dimension qu'apporte saint Joseph.
[1] Concile de Carthage en l'an 390, cité par C. Cocchini, Origines apostoliques du célibat sacerdotal, éditions Lethielleux, Paris, 1981, p. 26
[2] Isidore de Péluse († v. 435), Demonstratio evangelica, III, 4, 37, GCS 23, 117 ; Saint Jérôme, Adversus Jovinianum I, 26 ; Tertullien, De Monogamia, 8.
[3] Les consultants du concile de Trente (Dz 1809)
[4] Pie XI, Encyclique, Ad sacerdotii catholici, § 30
[5] Jean Paul II, Redemptoris Custos, § 19-20
Françoise Breynaert
Extrait de l'intervention au congrès en l'honneur de saint Joseph, Gueberschwihr 2012