Le prêtre célèbre à l'autel (et au confessionnal) « dans le rôle du Christ » (Vatican II, Lumen gentium 10),
mais, dans l'exercice de son apostolat, lorsqu'il écoute et accompagne, son « modèle » est la Vierge Marie (Vatican II, Lumen gentium 65) :
« C'est pourquoi, dans l'exercice de son apostolat, l'Eglise regarde à juste titre vers celle qui engendra le Christ, conçu du Saint-Esprit et né de la Vierge précisément afin de naître et de grandir aussi par l'Eglise dans le cœur des fidèles. La Vierge a été par sa vie le modèle de cet amour maternel dont doivent être animés tous ceux qui, associés à la mission apostolique de l'Eglise, travaillent à la régénération des hommes. »
(Vatican II, Lumen gentium 65)
Qu'est ce que cela signifie concrètement ?
A Marie, nous pouvons associer Joseph. Joseph est « juste ». Les premières audiences du pape Jean Paul II - ce grand pape marial - ont commencé, en 1978, par aborder les vertus cardinales (justice, force, tempérance, prudence), ces vertus sont les premières vertus nécessaires à tout apostolat. Lire plus...
Comblée de grâce (Lc 1, 28), c'est le nom de Marie aux yeux de Dieu, donné par l'ange, c'est son identité. Les sacrements sont source de grâce, de même, les bénédictions. Marie comme modèle de tout apostolat, c'est une invitation à bénir souvent et, pour un prêtre, à donner souvent des sacrements.
Marie (Marie et donc Joseph)
est vierge et conçoit dans l'Esprit Saint. Il y a une déprise. Savoir si on est dans l'Esprit Saint n'est pas facile. D'où l'importance, dans une relation d'accompagnement, par de petites invocations, à se mettre « EN Marie », confiant qu'elle réparera tout ce qui contriste l'Esprit Saint..
Marie est une servante active, Joseph aussi. Marie qui aide la cousine Elisabeth et, à Cana, elle veille à la joie de la fête, aux réserves de vin, à l'honneur des invités. Le service est le nom de Marie : « Je suis la servante » (Lc 1, 38), c'est aussi le nom de Jésus « venu pour servir ».. C'est donc en voyant quelqu'un dans un esprit de service que l'on peut se fier à lui, et un jour suivre son conseil « faites tout ce qu'il vous dira » (Jn 2, 5), et remplir les jarres jusqu'au bord. Le bon serviteur remplit son interlocuteur d'un sentiment de sécurité, et Dieu veut que nous ayons ce sentiment. C'est pourquoi le bon serviteur est un signe très fort, capable de conduire à Dieu.
Magnificat (Marie). La louange : la louange de Dieu, pas l'autosatisfaction... C'est une grâce que le renouveau charismatique ait retrouvé la louange, le chant, les farandoles et les danses. La
ère d’amour désintéressé, prière contemplative, la louange inaugu..." class="definition_texte">louange est importante, c'est l'ouverture du cœur qui ouvre au contact avec le Père. La Vierge du Magnificat n'est pas une image du Père, mais elle le désigne, elle le montre, en la regardant, en suivant son regard, nous voyons la lumière du Père céleste.
Puis vient la présentation de Jésus au temple, par ses parents (Lc 2, 21-35). « Celui qui a reçu le sacerdoce ministériel jouit d'un pouvoir sacré pour former et conduire le peuple sacerdotal, pour faire, dans le rôle du Christ, le sacrifice eucharistique et l'offrir à Dieu au nom du peuple tout entier. » (Lumen gentium 10). Former et conduire le peuple de Dieu ressemble à un acte d'engendrement, mais comme Marie et Joseph, à peine cet acte d'engendrement est-il vécu, il s'en détachera et en fera l'offrande à Dieu le Père. Lire plus sur l'acte d'offrande (prière) : cliquez.
L'épisode de Jésus perdu et retrouvé au temple (Lc 2, 41-52) est d'une grande importance, il éclaire tous les cas où la Providence dépasse les vues du prêtre qui guide son peuple (LG 10), ou, dans le cas d'un accompagnement personnalisé, tous les cas où le fils spirituel vit des choses de très grande importance pendant les périodes d'indisponibilité du père spirituel. Les pasteurs doivent savoir que, comme Marie, Dieu le Père les surprendra, les laissera sans comprendre les voies par lesquelles il conduit ses enfants (Lc 2, 51 ; ou Mc 3, 35), et les fils de l'Eglise doivent respecter le primat de leur conscience parce qu'ils doivent respecter la transcendance de Dieu le Père sur l'Eglise hiérarchique (toute l'Eglise est simplement comme Marie). Le père spirituel est dans la position de la Vierge Marie (ou Joseph), et non pas dans la position de Dieu tout puissant : il va donc souffrir de ne pas comprendre, de perdre de vue, d'être angoissé, le fils spirituel lui est pénible, et pourtant c'est l'heure de Dieu. Ensuite, il va y avoir de nouveau une présence de l'un à l'autre.
Marie gardait et méditait tous ces évènements dans son coeur (Lc 2, 19. 51). Marie est un modèle en cela aussi. La méditation de Marie n'est pas une illusion imaginaire, ni une spéculation, ni une analyse psychologique de soi, c'est une méditation sur les "évènements" (Lc 2, 19. 51).
Ajoutons encore le thème du pèlerinage de la foi vécu par Marie, le fait que Jésus croissait, le fait que Joseph étymologiquement signifie ajouter, donc grandir. Ajoutons que Marie monte de Galilée à Jérusalem-Ain Karem, puis à Jérusalem-Bethléem, puis remonte quand Jésus a douze ans... Ce sont des montés, des Exodes.
A leur image, le prêtre doit faire monter, élargir, fortifier, offrir, sur-naturaliser.
Mais finalement, c'est Jésus qui monte, seul, la dernière fois, pour la Passion, c'est-à-dire que le père spirituel est en retrait quand c'est l'heure du sacrifice.
Devant la souffrance, ceux qui "travaillent à la régénération des hommes" sont invités à l'attitude de Marie au calvaire : il y a une compassion de Marie, une compassion qui, dans la foi, communie à la Rédemption, et la croix est féconde. C'est à ce moment que Marie devient mère universelle. Donc guetter la fécondité des moments crucifiants, réfléchir et faire méditer sur cette fécondité.
Pour Origène commentant le Cantique des cantiques : « les jeunes filles adolescentes » ne pourraient pas percevoir et aimer le Christ en sa plénitude parce qu'elles aiment en son abaissement et en sa passion un reflet de ce qui en elles est mort ou corruptible. Elles ont besoin d'être fortifiées « pour la vie » par le parfum du Christ[1]. Mais l'âme parfaite aime l'époux en sa plénitude, autrement dit sa Pâque, son élévation au Ciel et sa dimension ecclésiale[2].
[1] Origène, Commentaire sur le Cantique des Cantiques, Sources Chrétiennes 375, par Luc Brésard et Henri Crouzel, Cerf, Paris, 1991., Livre I, 4,26 ; Tome I, p.237
[2] Ibid., Prologue 4,20 ; Tome I, p.161
[3] Ibid., Livre III, 5, 20 ; Tome II, p.537
Françoise Breynaert