Jésus accomplit l'Ancien Testament selon l'Apocalypse (Ap)

L’accomplissement de l’espérance juive (Apocalypse)

Le Messie Jésus ne remporte pas la victoire par la conquête militaire, et ceux qui partagent sa victoire ne sont pas la nation d'Israël, mais le peuple (universel, international) de Dieu.

Le rejeton de la race de David, l'Etoile radieuse du matin[1].

« Moi, Jésus, j'ai envoyé mon Ange publier chez vous ces révélations concernant les Eglises. Je suis le rejeton de la race de David, l'Etoile radieuse du matin. » (Apocalypse 22, 16)

  • «Je suis le rejeton de la race de David» provient d'Isaïe 11, 10 et fait référence au messie davidique.

  • « L'Etoile radieuse du matin.» fait référence à la prophétie de Balaam: «Je le vois -- mais non pour maintenant, je l'aperçois -- mais non de près: Un astre issu de Jacob devient chef.» (Nb 24, 17) qui est aussi communément comprise comme un symbole du Messie de David.

Les rois de la terre s'insurgent, le messie les mènera avec un sceptre de fer.

L'Apocalypse fait de très nombreuses références au psaume 2 qui décrit la victoire du Messie sur les nations en révolte contre le Seigneur et son Messie.

Le psaume dit :

« Des rois de la terre s'insurgent, des princes conspirent contre YHWH et contre son Messie. » (Ps 2, 2)

L'Apocalypse dit :

« Puis, de la gueule du Dragon, et de la gueule de la Bête, et de la gueule du faux prophète, je vis surgir trois esprits impurs, comme des grenouilles -- et de fait, ce sont des esprits démoniaques, des faiseurs de prodiges, qui s'en vont rassembler les rois du monde entier pour la guerre, pour le grand Jour du Dieu Maître-de-tout. » (Ap 16, 13-14)

Dans le psaume 2, Dieu dit au messie :

« tu les briseras avec un sceptre de fer, comme vases de potier tu les casseras. » (Ps 2, 9).

L'Apocalypse dit :

« Le vainqueur, celui qui restera fidèle à mon service jusqu'à la fin, je lui donnerai pouvoir sur les nations: c'est avec un sceptre de fer qu'il les mènera comme on fracasse des vases d'argile ! » (Ap 2, 26-27)

Et encore :

« Or la Femme mit au monde un enfant mâle, celui qui doit mener toutes les nations avec un sceptre de fer. » (Ap 12, 15)

L'Apocalypse affirme donc l'accomplissement de l'attente messianique juive en Jésus, nous devons dire aussi que l'Apocalypse réinterprète l'image du messie davidique par l'image de l'Agneau.

L'Agneau.

Nous lisons dans l'Apocalypse :

« Les quatre Vivants et les 24 Vieillards se prosternèrent devant Agneau, tenant chacun une harpe et des coupes d'or pleines de parfums, les prières des saints; ils chantaient un cantique nouveau:

"Tu es digne de prendre le livre et d'en ouvrir les sceaux,

car tu fus égorgé et tu rachetas pour Dieu, au prix de ton sang,

des hommes de toute race, langue, peuple et nation;

tu as fait d'eux pour notre Dieu une Royauté de Prêtres régnant sur la terre."

(Ap 5, 9-10)

Ce cantique fait référence à l'Alliance au Sinaï où YHWH déclare « Je vous tiendrai pour un royaume de prêtres, une nation . » (Ex 19, 5). L'Exode, ou sortie d'Egypte, a commencé sous le signe d'un agneau, égorgé et mangé à la hâte, tandis que son sang protège du fléau qui frappe les premiers-nés d'Egypte (Exode 12). Cet agneau est commémoré dans la Pâque juive, le Christ Agneau est le nouvel Agneau pascal.

En disant que le Christ Agneau est le prix de la rédemption, l'Apocalypse dépasse le rôle que le sang de l'Agneau avait dans l'Exode. En outre, l'agneau pascal ne jouait aucun rôle dans l'attente d'un nouvel exode. Jean fait vraisemblablement référence aussi à Isaïe 53, 7 où le serviteur souffrant est décrit comme un agneau offert en sacrifice[2].

« La clé pour comprendre la vision de l'Agneau égorgé (Ap 5, 6) offerte à Jean est de remarquer le contraste entre ce qu'il entend (5,5) et ce qu'il voit (5,6).

Il entend qu'il "a remporté la victoire, le Lion de la tribu de Juda, le rejeton de David." (5, 5). Les deux titres messianiques évoquent une image fortement militaire et nationaliste du Messie de David.

Mais cette image est réinterprétée par ce que Jean voit : l'Agneau dont la mort sacrificielle (5,6) a racheté des hommes de toutes les nations (5, 9-10).

Jésus est réellement le messie attendu.

Le Messie a certainement remporté une victoire, mais il l'a fait par le sacrifice et pour le bénéfice de toutes les nations. »[3]

Le dénombrement des vainqueurs :


  • Jean entend (apprend) :

« Et j'appris combien furent alors marqués du sceau: 144.000 de toutes les tribus des fils d'Israël. » (Ap 7, 4)

Jean entend un dénombrement purement nationaliste, avec 12000 de chaque tribu, ce sont ceux qui suivent le messie davidique. Un recensement est toujours une évaluation de la force militaire. Les 144000 sont une armée.

  • Mais ceci est réinterprété par ce qu'il voit : une multitude innombrable, comme la descendance innombrable promise aux patriarches (Gn 13, 16 ; 15, 15 ; 32, 12). Non parce que les chrétiens seront innombrables à la fin du 1er siècle, mais parce que Jean croit à l'accomplissement de toutes les promesses de Dieu dans le Christ. Jean voit :

« Après quoi, voici qu'apparut à mes yeux une foule immense, que nul ne pouvait dénombrer, de toute nation, race, peuple et langue; debout devant le trône et devant l'Agneau, vêtus de robes blanches, des palmes à la main. [...] Ce sont ceux qui viennent de la grande épreuve: ils ont lavé leurs robes et les ont blanchies dans le sang de l'Agneau. » (Ap 7, 9. 14)

N.B. Jésus est le premier acteur du salut : « Il nous aime et nous a lavés de nos péchés par son sang » (Ap 1, 5). Mais ici, comme en Ap 12, 11, les disciples sont actifs, ils sont le sujet du verbe (ils ont lavé), autrement dit, Jean veut dire que les disciples sont martyrs (comme en Ap 12, 11). [4]

Le chapitre 14 reprend cette interprétation :

  • Les 144000 réapparaissent en Ap 14 où il est dit qu'ils « ne se sont pas souillés avec des femmes » (Ap 14, 4), selon les exigences de pureté rituelle pour la guerre décrites dans l'Ancien Testament (Dt 23, 10-15 ; 1 S 21, 5 ; 2 S 11, 9-13).

  • Mais Jean passe aussitôt du registre militaire au registre sacrificiel :

« Ceux-là suivent l'Agneau partout où il va; ceux-là ont été rachetés d'entre les hommes comme prémices pour Dieu et pour l'Agneau. Jamais leur bouche ne connut le mensonge: ils sont immaculés. » (Ap 14, 4-5).

« Agneau », « prémices », « immaculés » sont une terminologie sacrificielle[5].

Aux chapitres 7 et 14 de l'Apocalypse, l'armée davidique des 144000 est donc réinterprétée par l'image d'une foule de martyrs. Les paroles nationalistes et militaires de l'Ancien Testament font place à une vision universelle et pacifique. L'espérance messianique est accomplie en Jésus, l'Agneau.


[1] Cf. Richard Bauckham, La théologie de l'Apocalypse, Cerf, Paris 2006, p.84

[2] Cf. Richard Bauckham, La théologie de l'Apocalypse, Cerf, Paris 2006, p. 86

[3] Extraits de : Richard Bauckham, La théologie de l'Apocalypse, Cerf, Paris 2006, p. 90

[4] Cf. Richard Bauckham, La théologie de l'Apocalypse, Cerf, Paris 2006, p. 93

[5] cf. Ibid., p. 94

Synthèse Françoise Breynaert