"Et les siens, l'ayant appris, partirent pour se saisir de lui, car ils disaient: Il a perdu le sens."
(Mc 3, 21)
Qui sont ceux qui disent « Il a perdu le sens » ?
Est-ce que ce sont les siens où est-ce que c’est une rumeur que les siens entendent ?
Une différence claire entre les familiers de Jésus et les scribes
Souvent Mc 3,21 est relié immédiatement au verset précédent: « Il vient à la maison et de nouveau la foule se rassemble, au point qu'ils ne pouvaient pas même manger de pain » (Mc 3, 20). Ce fait aurait amené les familiers à penser que Jésus a perdu le sens et aurait provoqué leur décision d'aller et le ramener de force à Nazareth.
Mais cette interprétation ne respecte pas la cohérence de la narration de l'évangéliste :
Les familiers de Jésus se trouvent à Nazareth ; la maison dans laquelle est Jésus est à Capharnaüm.
Si ce que les familiers écoutent concerne cette situation, on doit supposer que quelqu'un ait entrepris le long chemin vers Nazareth, environ 40 km, pour leur communiquer cette nouvelle.
Il faut supposer aussi qu'ils aient entrepris ce voyage vers Capharnaüm et qu’ils aient trouvé Jésus encore en cette situation.
Une autre interprétation est plus convaincante : ce ne sont pas les familiers qui disent: « Il a perdu le sens » mais c’est ce qu’ils entendent dire. Et, l’Evangéliste montre combien ce jugement est dangereux quand les scribes disent de Jésus : « Il est possédé de Beelzéboul, c’est par le prince des démons qu’il chasse les démons » (Mc 3,22). Pour Jésus cela signifie un danger de mort.
La préoccupation des familiers n'est pas une idée étrange, mais elle est bien fondée. Dans cette interprétation la description de Marc apparaît cohérente, et on comprend que les familiers veulent reconduire Jésus à Nazareth.
Ce ne sont pas les familiers qui se font l'idée qu’il est hors de soi, idée très voisine à l'autre idée : Il est possédé par un démon. Mais ils écoutent cette opinion, ils en sont profondément émus et ils se voient contraints à agir.
Jésus aussi est conscient du danger (Mc 2,1-3,6; 3,22-30) mais différente est la manière avec laquelle Jésus et ses familiers veulent affronter un tel danger.
Jésus dans le danger
Jésus a reconnu comme volonté de Dieu le devoir de poursuivre sa mission malgré les oppositions et les dangers. Il trahirait sa mission s'il interrompait son oeuvre et revenait à Nazareth pour avoir tranquillité et sûreté; les liens de parenté et même sa vie doivent passer derrière. Qui n'accueille pas la volonté de Dieu ne peut avoir aucun communion avec lui. Aussi les familiers de Jésus doivent accepter le danger. La tension entre les attentes et les désirs humains d'une part et ce que Dieu veut, de l'autre, apparaît aussi en Jésus lui-même et elle est mise en évidence par Marc.
A Gethsémani Jésus prie :
"Abba, Père! Tout t'est possible. Éloigne de moi ce calice! Cependant non ce que je me veux, mais ce que tu te veux"
(Mc 14,36)
Et il répète encore cette prière (14,39). Cette tension apparaît aussi au moment de sa mort, quand il dit : "Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné? " (15,34).
Pour Jésus le Père est et demeure son Dieu à qui il est lié inséparablement ; avec une extrême force il s'appuie sur lui. Cependant, à cause de son sentiment humain immédiat, il se voit aussi abandonné par lui. Pour lui c’est un effort que de se conformer complètement à la volonté du Père.
C'est le même effort pour sa mère.
"Sa mère vient avec ses frères et, se tenant dehors, ils le firent appeler. Il y avait une foule assise autour de lui et on lui dit: "Voilà que ta mère et tes frères et tes sœurs sont là dehors qui te cherchent." Il leur répond: "Qui est ma mère? Et mes frères?" Et, promenant son regard sur ceux qui étaient assis en rond autour de lui, il dit: "Voici ma mère et mes frères. Quiconque fait la volonté de Dieu, celui-là m’est un frère et une sœur et une mère."
(Marc 3,31-35)
Klemens STOCK
Professeur d'exégèse du Nouveau Testament
près du Pontifical Institut Biblique de Rome.
Bibliographie : K.STOCK,
Maria, la madre del Signore, nel Nuovo Testamento,
ed. ADP, Roma 1997