« Joseph... vint s'établir dans une ville appelée Nazareth ; pour que s'accomplît l'oracle des prophètes : 'Il sera appelé Nazôréen' » (Mt 2, 23)
Où cette parole trouve-t-elle un fondement chez les prophètes ?
Deux lignes principales existent pour une solution :
-1- « Nazareth » et « Nazôréen » viendrait de « nazir », consacré.
La première [ligne d'interprétation] renvoie à la promesse de la naissance du juge Samson. L'ange qui annonce sa naissance dit de lui qu'il serait un « nazir », consacré à Dieu depuis le sein maternel, et cela - comme le rapporte sa mère - « jusqu'au jour de sa mort » (Jg 13, 5-7).
Contre cette déduction, du qualificatif de Jésus comme « nazir » parle le fait qu'il n'a pas correspondu aux critères du nazir, mentionnés dans le livre des Juges, en particulier à celui de l'interdit de l'alcool. Jésus n'a pas été un « nazir » dans le sens classique du mot.
Ce qualificatif, cependant, vaut pour lui, qui était totalement consacré à Dieu, remis en propriété à Dieu, depuis le sein maternel jusqu'à sa mort d'une façon qui dépasse de loin l'apparence du genre. Si nous revenons à ce que Luc dit sur la présentation-consécration de Jésus, le premier-né, à Dieu dans le Temple, ou si nous nous souvenons comment l'évangéliste Jean présente Jésus comme celui qui vient du Père, vit de lui et est orienté vers lui, alors se rend visible avec une extraordinaire intensité comment Jésus a été vraiment un consacré à Dieu, du sein maternel jusqu'à sa mort en croix.
-2- « Nazareth » et « Nazôréen » viendrait de « nezer », rejeton (de Jessé)
La seconde ligne d'interprétation part du fait que, dans le nom nazôréen, on peut aussi entendre évoqué le mot nezer qui est au centre d'Isaïe 11, 1 : « Un rejeton (nezer) sortira de la souche de Jessé. »
Cette parole prophétique est à lire dans le contexte de la trilogie messianique d'Isaïe 7 (La jeune femme va enfanter), Isaïe 9 (lumière dans les ténèbres : un enfant nous est né) et Isaïe 11 (le rejeton de la souche, sur lequel reposera l'Esprit du Seigneur). Puisque Matthieu se réfère explicitement à Isaïe 7 et 9, il est logique de supposer aussi une allusion à Isaïe 11.
L'élément particulier dans cette promesse est le fait qu'elle se rattache, au-delà de David, à la souche de Jessé. De cette souche, apparemment déjà morte, Dieu fait pousser un rejeton : il pose un nouveau commencement qui, toutefois, demeure en profonde continuité avec l'histoire de la promesse qui précède. Comment ne pas penser, dans ce contexte, à la conclusion de la généalogie de Jésus selon Matthieu ? [...]
Oui, nous pouvons supposer avec de bonnes raisons que Matthieu, dans le nom de Nazareth, a entendu évoquer la parole prophétique du « rejeton » (nezer) et dans la qualification de Jésus comme Nazôréen a vu une allusion à l'accomplissement de la promesse.
J. Ratzinger, Benoît XVI, L'enfance de Jésus, Flammarion, Paris 2012, p. 164-166