La vénération de Joseph pour Marie

La vénération de Joseph pour Marie

« Or telle fut la genèse de Jésus Christ. Marie, sa mère, était fiancée à Joseph: or, avant qu'ils eussent mené vie commune, elle se trouva enceinte par le fait de l'Esprit Saint. Joseph, son mari, qui était un homme juste et ne voulait pas la dénoncer publiquement, résolut de la répudier sans bruit. Alors qu'il avait formé ce dessein, voici que l'Ange du Seigneur lui apparut en songe et lui dit: "Joseph, fils de David, ne crains pas de prendre chez toi Marie, ta femme: car ce qui a été engendré en elle vient de l'Esprit Saint [...] Une fois réveillé, Joseph fit comme l'Ange du Seigneur lui avait prescrit : il prit chez lui sa femme. » (Matthieu 1, 18-24)

[Joseph homme juste (cf. Mt 1, 19), il « fit comme l'Ange du Seigneur lui avait prescrit et prit chez lui son épouse » (Mt 1, 24) ?

Il est clair que Joseph manifeste une attitude de culte envers Dieu : la fidélité à la loi (cf. Lc 2, 22-24. 27) et l'obéissance à un ordre du Seigneur sont des expressions du véritable culte [envers Dieu].

L'Evangile ne suggère-t-il pas aussi une vénération de Joseph envers Marie ?]

Voici l'interprétation de saint Jérôme :

« Comment Joseph est-il déclaré « juste » si l'on suppose qu'il cache la faute de son épouse ?

Loin de là, c'est un témoignage en faveur de Marie : Joseph, connaissant sa chasteté, et bouleversé [latin : admiror] par ce qui arrive, cache, par son silence, l'événement dont il ignore le mystère. »[1]

Selon saint Jérôme, d'une part Joseph est certain de l'innocence de Marie, d'autre part, il est témoin d'un fait qui suscite un grand étonnement et devant lequel il se retire dans le silence.

Jérôme emploie des termes usuels dans le langage cultuel (bouleversé [latin : admiror] ; cacher dans le silence, mystère), conférant une aura sacrée à cet événement qui suscite l'étonnement : il s'agit d'un mysterium qui transcende Joseph, dans lequel il comprend qu'il ne peut interférer.

L'interprétation de saint Jérôme nous plonge dans une ambiance de respect cultuel. Cependant, elle s'appuie davantage sur une intuition que sur une exégèse scientifique.

Avant lui, Eusèbe de Césarée (†399) avait interprété la décision de Joseph de renvoyer Marie en secret comme étant dictée par un respect cultuel devant le dessein divin : ce mystère est trop élevé pour que Joseph puisse garder Marie auprès de lui.[2]

De nos jours, X. Léon-Dufour et A. Pelletier, suivis par plusieurs exégètes et théologiens, ont proposé une exégèse de l'annonce faite à Joseph où réapparaît, indirectement, le même motif cultuel.

« Joseph réagit comme les justes de la Bible devant Dieu qui intervient dans leur histoire :

comme Moïse ôtant ses sandales,

comme Isaïe terrifié par l'apparition du Dieu trois fois saint,

comme Elisabeth demandant pourquoi la mère de son Seigneur vient à elle [Lc 1, 43],

comme le centurion de l'Evangile [Mt 8, 8],

comme Pierre enfin, disant : "Eloigne-toi de moi, Seigneur, car je suis un pécheur [Lc 5, 8]. »[3]

Donc, à l'annonce de la maternité extraordinaire de Marie, Joseph a fait l'expérience de la crainte cultuelle, propre à celui qui se trouve devant une intervention divine.

Ensuite, selon l'ordre de l'ange « il prit chez lui son épouse » (Mt 1, 24). Nous connaissons les sens que l'évangéliste donne à un tel acte : l'incorporation de Jésus à la dynastie davidique. Nonobstant cette intention littéraire, nous pouvons nous demander :

Si la nouvelle de la maternité de Marie a suscité chez Joseph une réaction cultuelle profonde,

le fait d'accueillir chez lui son épouse vierge, touchée par l'œuvre du Pneuma divin et portant en elle le sauveur d'Israël (cf. Mt 1, 20-21) n'a-t-il pas fait naître un sentiment plus grand encore ?


[1] Saint Jérôme, Commentarium in Matheum IV, I, 19, CCL 77, p. 11.

[2] Eusèbe de Césarée, Quaestiones evangelicae ad Stephanum, Questio I, 3, PG 22, 884.

[3] L'Annonce à Joseph, in X. Léon-Dufour, Etudes de l'Evangile, Seuil, Paris 1980, p. 81.


Extraits de : I. Calabuig, « La place du culte marial dans l'Eglise », dans Aa Vv, Marie, l'Eglise et la théologie, dirigé par D. de Boissieu, P. Bordeyne, S. Maggioni, Desclée, Paris 2007, p. 178-179.

I. Calabuig.