La vie mariale enveloppe d'une pureté lumineuse les goûts, les odeurs, les musiques, comme autant de vestiges qui nous rappellent l'amour du Créateur.
Le psalmiste dit :
« Goûtez et voyez comme le Seigneur est bon. »
(Ps 34, 9)
L'épouse du Cantique des cantiques (c'est à dire Israël, l'Eglise, l'âme) dit :
« Comme le pommier parmi les arbres d'un verger,
ainsi mon bien-aimé parmi les jeunes hommes.
A son ombre désirée je me suis assise,
et son fruit est doux à mon palais. »
(Cantique 2,3)
Saint Paul dit :
« Car nous sommes bien, pour Dieu, la bonne odeur du Christ parmi ceux qui se sauvent et parmi ceux qui se perdent; pour les uns, une odeur qui de la mort conduit à la mort; pour les autres, une odeur qui de la vie conduit à la vie. »
(2Corinthiens 2, 15-16)
Saint Pierre dit :
« Rejetez donc toute malice et toute fourberie, hypocrisies, jalousies et toute sorte de médisances. Comme des enfants nouveau-nés désirez le lait non frelaté de la parole, afin que, par lui, vous croissiez pour le salut, si du moins vous avez goûté combien le Seigneur est excellent. »
(1Pierre 2, 1-3)
Ces textes nous parlent de goûter et de sentir.
Depuis Origène († 253) de tels versets sont lus comme des références à des sensations spirituelles, liées à la prière.
Goûter comme le Seigneur est bon est un chemin de vie, éloigne les médisances, inspire les paroles de bénédiction...
La Bible a de nombreux motifs alimentaires : le lait, le miel, l'eau, le pain et le vin. Les goûts spirituels sont une expression de l'expérience de Dieu dès le V° siècle, mais il faut attendre saint Bernard († 1153) pour que les goûts spirituels prennent une place centrale dans le vocabulaire de l'expérience mystique.
Le Christ s'est fait chair, pour qu'avec une chair purifiée nous entrions dans la vie divine. De là vient l'importance et la signification des représentations des fruits et des fleurs, ainsi que des musiciens, de ce que l'on mange et de ce que l'on sent ou que l'on écoute, dans les peintures du Moyen Age tardif. Divers auteurs parlent alors de jardin spirituel.
C'est avec tout cet arrière plan qu'il faut regarder les fruits, le pain, le raisin, la cuillère et l'assiette de soupe sur les tableaux de Gérard David.
On pourrait aussi montrer d'autres exemples de la Vierge avec l'enfant
- par Joss van Cleve (c. 1485-1541),
- par le Maître de Frankfort, (actif entre 1490-1518)
- par Hans Memling (c. 1440-1494).
- par Stéphane Lochner, la Vierge dans le rosier (1448).
Ce dernier exemple ajoute encore une nuance : le motif de « Marie dans le rosier », illustre le passage biblique où la Sagesse se compare au rosier « J'ai grandi comme le palmier d'Engaddi, comme les plants de roses de Jéricho » (Sir 24, 14). Un tel tableau est une claire allusion à Marie comme « vraie sagesse ». Mais ceci ne nous éloigne pas de notre sujet : la « sagesse » a le sens de « saveur », Marie communique l'art de goûter Dieu !
Bibliographie : Reindert L. Falkenburg, The fruit of devotion, mysticism and the imagery of love in Flemish painting of the Virgin and Child, 1450-1550, Amsterdam /Philadelphia 1994. D. Estivill, "Maria", Iconografia e arte cristiana, diretto da Liana Castelfranchi, Maria Antonietta Crippa. Edizioni San Paolo, Milano 2004, p.861
Françoise Breynaert