"Loué soit Jésus-Christ!
"Nous le croyons, Jésus est mort puis est ressuscité" (1 Th 4, 13),
écrit l'Apôtre Paul à la communauté chrétienne de Thessalonique, comme nous venons de l'entendre dans la deuxième lecture de ce XXXII Dimanche "per annum".
En ce moment, moi aussi, humble successeur des Apôtres, je désire vous confirmer l'absolue certitude de cet événement extraordinaire. Jésus-Christ est notre Sauveur dans le sens plénier du terme car, à travers ses paroles et ses oeuvres, complétées par sa résurrection d'entre les morts, il s'est révélé être le Fils de Dieu, qui règne pour toujours, comme le Seigneur et Messie du temps et de l'histoire.
A l'occasion de cette célébration eucharistique, je désire avant tout vous apporter à tous l'accolade du Saint-Père. Jean-Paul II se rappelle encore avec émotion de la visite qu'il a effectuée ici, il y a presque dix ans, en avril 1993, afin d'ordonner les quatre premiers évêques albanais, après la longue et terrible persécution communiste.
Ensuite, il y a cinq ans, le 6 janvier 1997, en la solennité de l'Epiphanie, le Pape ordonna Evêque votre pasteur, dans la basilique Saint-Pierre.
Avant-hier, avant de partir, il m'a demandé de vous apporter, ainsi qu'à vos familles, sa Bénédiction. Mais quel message nous offre aujourd'hui la Parole de Dieu que nous venons d'entendre?
La parabole de l'Evangile nous rapporte l'histoire de dix jeunes filles, à qui l'on avait demandé d'"attendre" l'époux afin de l'accompagner aux noces. Leur tâche, en apparence facile, cachait des dangers: le risque de la fatigue et de la distraction, le danger de l'ennui et de la somnolence en raison du retard de l'époux, si bien qu'à certaines d'entre elles, l'huile vint à manquer, c'est-à-dire l'esprit de vigilance.
Ainsi, la moitié de ces jeunes filles manqua la rencontre avec l'époux, c'est-à-dire le rendez-vous le plus important de leur vie. Et nous, quel rendez-vous avons-nous, et de quel côté nous trouvons-nous?
Si nous regardons autour de nous, nous voyons que de nombreuses personnes vivent dans l'attente: des êtres qui scrutent l'horizon de la vie pour apercevoir la position du phare et savoir quelle route prendre pour le voyage; des personnes, comme la samaritaine, qui cherchent une fontaine capable d'étancher leur soif d'éternité (Jn 4, 1-42).
Des attentes grandes et petites, honnêtes et déloyales. Et nous? Souvent, nous nous trouvons, nous aussi, à une sorte carrefour et nous ne savons pas où aller. Et pourtant, si nous regardons en nous-mêmes, nous nous apercevons que quelqu'un nous attend.
C'est le Christ qui, avec patience, attend que nous nous apercevions de lui pour nous indiquer la voie. Nous pouvons trouver cette représentation du Christ qui attend au carrefour de nombreuses routes de beaucoup de pays de l'Orient.
Et l'Eglise d'Albanie, sur quel chemin se trouve-t-elle?
Si je regarde vos rues, je vois qu'elles sont partout baignées du sang des martyrs et pavées du témoignage de nombreux confesseurs du Christ. Aujourd'hui aussi, on ne peut que garder le silence en écoutant les témoignages de ceux qui ont survécu, et qui ont vu.
Et aujourd'hui, dans cette cathédrale, les témoins oculaires ne manquent pas et leurs regards nous interpellent.
Que d'émotion et d'admiration a suscité chez le Saint-Père, et chez nous tous qui l'avons écouté, le témoignage rendu par le R.P. Anton Luli, s.j., dans la Salle Paul VI, à l'occasion du 50 anniversaire de l'ordination sacerdotale de Jean-Paul II!
Et pourtant, grâce à ces témoins héroïques, pour la plupart inconnus, une vitalité impensable pour l'Eglise qui est en Albanie s'est à nouveau manifestée. Il est en effet vrai qu'une Eglise persécutée possède un grand avenir, au point de faire dire à Tertullien:
"Nous devenons plus nombreux toutes les fois que l'on nous tue, car le sang des martyrs est la semence de nouveaux chrétiens" (Apologeticum, 50).
L'Eglise persécutée en Albanie a renoué avec les racines de sa foi
C'est précisément à l'occasion de sa persécution que l'Eglise qui est en Albanie a rencontré le Christ et qu'elle s'est mise en route. En effet, au cours des dix années qui viennent de s'écouler, l'Eglise a recommencé à accomplir son oeuvre en s'engageant, en particulier à travers les initiatives de charité, à faire sortir la population de la très grave crise religieuse, économique et sociale qu'elle affrontait.
Assistée par de zélés missionnaires, elle a tout d'abord commencé à retrouver les racines de la foi, en parcourant le sentier ardu de la justice en Dieu et du pardon chrétien. C'est à partir de ce pardon, accordé, accueilli et donné que naîtront, dans le terrain fertile de votre coeur, de nouveaux germes d'espérance.
Seul l'amour gratuit de Dieu pourra, en effet, aider l'âme humaine à faire disparaître de son coeur les ombres ténébreuses et les blessures toujours ouvertes, comme le récite le Psaume 147:
"Bâtisseur de Jérusalem, Yahvé! Il rassemble les déportés d'Israël, lui qui guérit les coeurs brisés et qui bande leurs blessures" (Ps 147, 2-3).
Permettez-moi, au cours de cette célébration, de rendre grâce à Dieu avec vous pour les nombreux missionnaires, hommes et femmes, qui ont quitté leurs pays et leurs familles par amour pour Jésus et pour votre peuple.
De nombreux et valeureux apôtres de l'Evangile sont en train de parcourir votre terre pour vous annoncer l'Evangile, et rendre visible l'amour de Dieu, en aidant votre Eglise à croître dans la foi et dans l'amour pour Dieu.
Bien-aimée Eglise de Shkoder, je t'invite à apporter au-delà de tes frontières la foi que tu as reçue. De cette façon, ta foi se renforcera et deviendra lumière pour les nombreuses âmes qui attendent de connaître le Christ.
"La mission, en effet - comme l'écrit le Saint-Père dans Redemptoris Missio - renouvelle l'Eglise, rajeunit la foi et l'identité chrétienne, donne un nouvel enthousiasme et de nouvelles motivations" (RM, n. 2).
A vous, prêtres de cette bienheureuse Eglise locale, je voudrais adresser une parole d'encouragement particulière, en vous rappelant ce que saint Paul écrit à son disciple Timothée:
"C'est pourquoi je t'invite à raviver le don que Dieu a déposé en toi par l'imposition de mes mains" (2 Tm 1, 6).
Chers prêtres, si vous êtes généreux avec le Seigneur, il sera généreux avec vous et, soyez-en certains, en vous ne s'éteindra ni le projet de sainteté qui dérive de votre vocation singulière, ni l'amour pastoral pour le peuple qui vous a été confié.
A vous, familles chrétiennes, je renouvelle l'appel exprimé par le Saint-Père au cours de sa visite en 1993. Faites de la prière le centre de la vie dans vos foyers, afin d'édifier la famille sur le roc du Christ. N'ayez pas peur de lui, ni de son Evangile.
Il est le Fils du Dieu vivant, il est le Dieu fait homme, le Seigneur de la vie et de l'histoire. Il est l'avocat des orphelins, le défenseur des veuves, le père des pauvres. Il connaît votre vie et vous aime. Il vous demande de respecter la vie à naître, les infirmes et les malades en phase terminale; il vous demande de faire en sorte que le fondement de votre vie civile soit également la famille, une saine éducation des enfants, l'accueil ouvert et joyeux à la vocation sacerdotale et religieuse.
Chers parents, sachez être les continuateurs de l'oeuvre créatrice de Dieu, des fils du Dieu de la paix, capable de compréhension, de tolérance et de pardon réciproque. Je voudrais, enfin, adresser une invitation spéciale à vous, les jeunes.
Rappelez-vous les paroles de saint Jean:
"Je vous ai écrit, jeunes gens, parce que vous êtes forts, que la parole de Dieu demeure en vous et que vous avez vaincu le Mauvais. N'aimez ni le monde, ni rien de ce qui est dans le monde, l'amour du Père n'est pas en lui" (1 Jn 2, 14-16).
Chers jeunes, apprenez à vivre comme le Christ, comme des ressuscités. Soyez généreux, et volez très haut, comme l'aigle qui est sur votre drapeau. Volez très haut, au-delà de la banalité. Dieu vous aime beaucoup. Rendez son amour à Dieu et aimez votre pays, également à travers l'annonce de l'Evangile.
Et si Dieu murmure à votre coeur de le suivre "pour toujours et totalement", ayez le courage de répondre "oui". La joie sera votre récompense sur cette terre et au ciel.
Eglise de Shkoder, accueille l'Evangile du Seigneur Jésus, et transforme-le en vie pour ton peuple. Sois courageuse! Dieu, qui connaît ta foi et ton dynamisme, sera toujours avec toi.
La Vierge Marie, Mère du Bon Conseil, te protègera. Que le Seigneur te bénisse, aujourd'hui et toujours!
Amen! "