Par Marie, le Verbe éternel, le Fils de Dieu, est entré dans le temps. Ce contact avec la réalité éternelle, c'est notre salut. En un sens, Marie est médiatrice d'éternité, mais Marie n'est pas éternelle : elle n'est pas « pré-existante » , son existence a seulement commencé le jour de sa conception. La préexistence des âmes humaines (que ce soit celle des hommes, du Christ, ou de Marie) est une hérésie.
Le vocabulaire doit être précis.
L'Eglise, depuis saint Irénée jusqu'au concile Vatican II a toujours compris que Marie est indissociable de son fils, et que par conséquent, elle fait partie du dessein éternel de Dieu qui a voulu l'Incarnation.
Etre dans le dessein de Dieu ne signifie pas exister dans le sein de Dieu le Père, comme c'est le cas pour Jésus qui est le Verbe éternel - « Au commencement était le Verbe, et le Verbe était tourné vers Dieu, et le Verbe était Dieu... » (Jn 1,1-4). Le Verbe préexistait en sa divinité, ce n'est pas l'âme humaine de Jésus qui préexistait.
Que Marie était présente dans la pensée de Dieu de toute éternité ne signifie pas que son âme humaine était préexistante.
L'existence de Marie a eu un commencement, tout comme la nôtre. Marie a été conçue, avant, elle n'existait pas. L'Eglise fête sa conception (8 décembre chez les latins, ou 9 décembre chez les orientaux).
L'usage des livres sapientiaux (Siracide, Proverbes) doit être rigoureux.
Dans la Bible, il est dit que la Sagesse est une « créature préexistante ». On lit par exemple :
« YHWH m'a créée, prémices de son oeuvre, avant ses oeuvres les plus anciennes. » (Proverbes 8, 22)
« Avant les siècles, dès le commencement il m'a créée...» (Siracide 24, 9)
Si l'Eglise voulait dire que Marie est une créature « préexistante », elle aurait choisi ces lectures pour la liturgie du 8 septembre (naissance de Marie), ou du 8 décembre (conception de Marie), ou encore pour la mémoire liturgique de Notre Dame de Lourdes (où le titre de Marie est « immaculée conception »).
Tel n'est pas le cas.
Il existe cependant des cas, mineurs, pour lesquels l'Eglise catholique romaine choisit ces textes en lien avec la Vierge Marie. Mais soyons rigoureux et observateurs :
- La messe du 21 novembre (Proverbes 8, 22-31). L'Evangile est celui de la venue des bergers à Bethléem : la liturgie est orientée vers la naissance de Jésus. La présentation de Marie célébrée ce jour prépare la maternité de Marie, premier temple de Jésus. La lecture du livre des Proverbes a un sens christologique.
- Pour la messe votive 21 Le saint nom de Marie ou 36 Marie mère du Bel amour on lit le chapitre 24 du Siracide mais les versets concernant la préexistence de la Sagesse ont été coupés.
- La messe votive 24 Marie trône de la Sagesse propose la lecture de Siracide 24, en incluant le verset 9 qui parle de la préexistence. Mais justement, Marie est célébrée comme trône de la Sagesse, et il faut comprendre ici que c'est le Christ qui incarne la Sagesse, et effectivement, il est préexistant à la création du monde (même s'il est plus encore, il est Dieu).
- La messe votive 37 Marie mère de l'espérance propose aussi la lecture de Siracide 24,en incluant le verset 9 qui parle de la préexistence.
Le titre « mère de l'espérance » est un titre de la sagesse avant d'être un titre marial.
Marie fait partie d'un peuple qui espère, en hébreu on dit les « anawim ». L'espérance a précédé Marie, l'espérance est un attribut de la sagesse pré-existante.
Ensuite, quand Marie est née et a vécu sur la terre puis est montée au ciel dans la gloire, c'est elle qui porte de manière personnelle ce titre de « mère de l'espérance ».
Notre participation à la nature divine (2 P 1, 4) doit être comprise dans un ensemble.
Durant la vie terrestre, Marie et tous les chrétiens sont appelés à être participants de la vie divine (2 P 1, 4 ; 1 Co 9,23) et coopérateurs de Dieu (1 Co 3, 9), car Dieu agit sans cesse. Jésus dit : « Mon Père est à l'œuvre jusqu'à présent et j'œuvre moi aussi. » (Jn 5, 17).
Après la glorification, Marie et tous les saints du ciel participent à la vie divine et continuent de coopérer. Ils participent à la connaissance de nos origines, de l'origine de l'univers, au dynamisme de l'acte créateur, mais toujours en position seconde, sans effacer jamais le fait que nous ayons eu un commencement, que nous sommes des créatures et non pas le Créateur.
La préexistence des âmes (que ce soit celle des hommes, du Christ, ou de Marie) est une hérésie qui fut condamnée au 2° concile de Constantinople, (ce qu'a rappelé saint Jean Paul II[1]). Citons ce concile :
« Si quelqu'un dit ou pense que les âmes des hommes préexistent, en ce sens qu'elles étaient auparavant des esprits et de saintes puissances qui, lassées de la contemplation de Dieu, se seraient tournés vers un état inférieur ; que, pour ce motif, s'étant refroidies [...] dans leur amour de Dieu et dès lors ayant été appelées âmes [...], elles auraient été envoyées dans des corps pour leur châtiment, qu'il soit anathème. »[2]
« Si quelqu'un dit ou tient que l'âme du Seigneur a d'abord existé et qu'elle a été unie au Dieu Verbe avant de s'incarner et de naître de la Vierge, qu'il soit anathème. »[3]
« Si quelqu'un dit ou tient que le corps de notre Seigneur Jésus Christ a d'abord été formé dans le sein de la Vierge et qu'ensuite Dieu le Verbe et l'âme, déjà existante, lui ont été unie, qu'il soit anathème. »[4]
[1] Jean Paul II, Encyclique « Fides et Ratio » § 52
[2] 2° Concile de Constantinople, 1° anéthématisme contre Origène, DS 403
[3] 2° Concile de Constantinople, 2° anéthématisme contre Origène, DS 404
[4] 2° Concile de Constantinople, 3° anéthématisme contre Origène, DS 405
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Françoise Breynaert