Avant de parler du Baptême dans l’Esprit, il est important d’essayer de comprendre ce qu’est le Renouveau dans l’Esprit en son ensemble.
Après le Concile Vatican II, beaucoup de choses dans la vie de l’Église furent renouvelées - la liturgie, le souci pastoral, le code de droit canon,les constitutions des ordres religieux et leur habits. Bien que toutes ces choses soient importantes, elles sont seulement extérieures et malheur à nous si nous nous arrêtons là, et pensons que la tâche est terminée, parce que ce ne sont pas seulement les structures mais les âmes qui sont importantes pour Dieu. "C’est dans les âmes des hommes que l’Église est belle", écrit Saint Ambroise, et par conséquent, c’est dans les âmes des hommes qu’elle doit se faire belle.
Le Renouveau est un renouveau dans lequel Dieu, et non pas l’homme,est l’artisan principal. "C’est Moi, et pas toi", dit Dieu, "qui fais toutes choses nouvelles" (Ap 21,5) ; "Mon Esprit - et Lui seulement - peu renouveler la face de la terre" (voir Ps 104,30).
Habituellement, nous avons tendance à voir les choses selon une perspective prométhéenne : au départ, il y a notre effort - organisation, efficacité, réformes, bonne volonté - avec la terre, comme le centre que Dieu vient renforcer et couronner par Sa grâce. Notre oeuvre est au centre.
Nous devons - sur ce point, la parole de Dieu lance un cri - "redonner le pouvoir à Dieu" (Ps 68,35), parce que "le pouvoir appartient à Dieu" (Ps 62,12). Pendant trop longtemps, nous avons usurpé ce pouvoir à Dieu, en l’exerçant comme si c’était le nôtre, comme s’il nous revenait de ‘’diriger’’le pouvoir de Dieu. Nous devons changer totalement de perspective, et redire simplement que, sans le Saint Esprit, nous ne pouvons rien faire, pas même dire que Jésus est Seigneur (1 Co 12,3).
Le Baptême dans l’Esprit n’est pas un sacrement, mais il est relié au sacrement, à plusieurs sacrements en fait, aux sacrements de l’initiation chrétienne. Le Baptême dans l’Esprit authentifie et en un sens renouvelle l’initiation chrétienne. La relation première est avec le sacrement du Baptême. En fait, cette expérience est appelée Baptême dans l’Esprit parles anglophones.
Nous croyons que le Baptême dans l’Esprit authentifie et revitalise notre Baptême. Pour comprendre comment un sacrement qui a été reçu longtemps avant, habituellement immédiatement après notre naissance,peut soudainement revenir à la vie et produire tant d’énergie, comme cela arrive à travers l’effusion de l’Esprit, il est important de regarder comment nous comprenons la théologie sacramentelle.
La théologie catholique utilise le concept de sacrement "valide" mais "entravé". Un sacrement est entravé quand les fruits qui devraient l’accompagner ne germent pas à cause de certains obstacles. Par exemple, le sacrement du mariage ou de l’ordre reçu en état de péché mortel. Dans de telles circonstances, ces sacrements ne peuvent apporter aucune grâce à ceux qui les reçoivent jusqu’à ce que l’obstacle du péché soit enlevé par la pénitence. Ceci réalisé, le sacrement est dit "revivifié" grâce à son caractère indélébile, même si nous sommes infidèles parce qu’il ne peut se renier lui-même (voir Timothée 2,13).
Dans le cas du Baptême, quelle est la cause qui garde entravé le fruit du sacrement ? Les sacrements ne sont pas des rites magiques qui agissent mécaniquement, sans la connaissance de l’homme ou sans réponse de sapart. Leur efficacité est le fruit d’une synergie ou coopération entre la toute-puissance divine (en réalité la grâce du Christ ou le Saint Esprit) etla liberté humaine, parce que, comme le disait St Augustin, "Celui qui t’a créé sans ta coopération, ne te sauvera pas sans ta coopération".
L’opus operatum du baptême, c’est-à-dire la part de Dieu ou Grâce, revêt différents aspects - pardon des péchés, don des vertus théologales de Foi,d’Espérance et de Charité (mais seulement à l’état de semence) filiation divine - tout ce qui est réalisé à travers l’opération effective du Saint Esprit.
Mais en quoi consiste dans le Baptême l’Opus operantis, c’est-à-dire la part de l’homme ? Il consiste dans la Foi ! "Celui qui croit et sera baptisé sera sauvé" (Mc 16,16). Du côté du baptême, par conséquent, il y a un autre élément : la foi de l’homme. "À tous ceux qui l’ont reçu, il a donné pouvoir de devenir enfants de Dieu : à ceux qui croient en son Nom" (Jean1,13).
"ayant entendu la Parole de vérité, l’Évangile de votre salut et ayant cru en lui, vous avez reçu (bien sûr dans le baptême) le sceau du Saint Esprit"(Éphésiens 1,13).
Au commencement de l’Église, le Baptême était un événement tellement puissant et tellement riche en grâce qu’il n’y avait aucun besoin normalement d’une nouvelle effusion de l’Esprit comme nous aujourd’hui. Le Baptême était administré à des adultes qui s’étaient convertis du paganisme et qui, correctement instruits, étaient en situation de faire à l’occasion du Baptême un acte de foi et un choix libre et mûr. Il suffit de lire les catéchèses mystagogiques sur le baptême, attribuées à Cyrille de Jérusalem, pour comprendre à quelle profondeur de foi ceux qui demandaient le baptême étaient conduits. En substance, ils arrivaient au baptême à travers une conversion vraie et réelle, de telle sorte que, pour eux, le baptême était un réel ‘’blanchissage’’, un renouveau personnel et une renaissance dans le Saint Esprit.
Elles permettaient au Baptême, aux origines de l’Église, d’opérer avec un tel pouvoir, étaient la rencontre au même moment de la Grâce de Dieu et de la réponse de l’homme, dans une parfaite synchronisation.
Parce que nous avons été baptisés enfants, petit à petit, cet aspect de l’acte de foi libre et personnel n’apparaît plus. Il a été remplacé par une décision prise par un intermédiaire - parents ou parrain/marraine. Quand un enfant grandit dans un environnement totalement chrétien, cette foi s’épanouira, mais à une vitesse plus lente.
Maintenant, cependant, ce n’est plus le cas, et notre environnement spirituel est pire que celui du Moyen-Âge : ce n’est pas un environnement susceptible d’aider un enfant à s’épanouir dans la foi. Non pas qu’il n’y ait pas de vie chrétienne normale, mais cela constitue aujourd’hui l’exception plutôt que la règle.
Dans cette situation, la personne baptisée n’atteint que rarement voire jamais le stade de la proclamation dans le Saint Esprit que ‘’Jésus est Seigneur’’. Et tant qu’on n’a pas atteint ce point, tout le reste, dans la vie chrétienne, demeure étranger au coeur et immature. Il n’y a plus de miracles, et nous expérimentons ce dont Jésus a fait l’expérience à Nazareth : "Jésus ne put faire beaucoup de miracles à cause de leur manque de foi" (Matthieu 13,58).
C’est là que je perçois la signification de l’effusion de l’Esprit. C’est la réponse de Dieu au dysfonctionnement qui s’est développé dans la vie chrétienne dans le sacrement du Baptême.
L’Église et les évêques s’inquiètent depuis quelques années de ce que les sacrements chrétiens, en particulier le Baptême, soient administrés à des gens qui n’en feront aucun usage dans leur vie. On a même suggéré que le Baptême ne devait pas être administré à moins qu’il n’y ait quelques garanties minimum d’enseignement et d’encouragement de l’enfant. Ainsi,on ne doit pas jeter des perles aux pourceaux, comme Jésus l’a dit, et le Baptême est une perle, parce que c’est un fruit du sang du Christ.
Dieu s’est-il inquiété de cette situation, avant même l’Église, pour avoir suscité ici et là dans l’Église des mouvements destinés à renouveler l’initiation chrétienne chez les adultes ? Le Renouveau charismatique est l’un de ces mouvements, et en lui, la Grâce principale est, sans aucun doute, liée au Baptême dans l’Esprit et à ce qui vient avant.
Son efficacité à réactiver le Baptême repose sur la "part" de l’homme. Il fait alors un choix de foi, préparé dans la repentance, ce qui permet à Dieu de travailler librement et de communiquer toute sa force. C’est comme un interrupteur de courant qui n’aurait jamais été ouvert. Le Don de Dieu est finalement ‘’désentravé’’ et l’Esprit peut se répandre comme un parfum,dans la vie chrétienne.
En plus du renouvellement de la Grâce du Baptême, un "oui" délibéré à son Baptême, à ses fruits et à ses engagements, et dans la mesure où il lui est lié, à la Confirmation aussi. La Confirmation développe, confirme et accomplit le travail du Baptême. Elle fait naître le désir d’une vie apostolique et missionnaire dans l’Église, ce que l’on remarque habituellement chez ceux qui reçoivent l’effusion de l’Esprit. Ils se sentent appelés à coopérer à la construction de l’Église, à se mettre à son service dans des ministères variés, aussi bien cléricaux que laïcs, à témoigner du Christ - à faire toutes choses qui rappellent l’événement de pentecôte et qui sont actualisées dans le sacrement de la Confirmation.
Le baptême dans l’Esprit n’est pas le seul moyen de renouvellement des sacrements de l’initiation.
Il y a, par exemple, le renouvellement des promesses du Baptême lors de la vigile pascale, les Exercices Spirituels, et les professions religieuses, parfois appelées ‘’second baptême’’ et au niveau sacramentel, la Confirmation.
Aussi n’est-il pas difficile de découvrir dans les vies des saints, la présence d’une effusion spontanée, spécialement à l’occasion de leur conversion. La différence avec le Baptême dans l’Esprit cependant, est qu’il est offert à tout le peuple de Dieu, petits et grands, et pas seulement aux privilégiés qui font les Exercices Spirituels de St Ignace ou une profession religieuse.
Ce dont nous parlons n’est pas théorique mais quelque chose que nous avons nous-même expérimenté et par conséquent, nous pouvons dire avec Jean : "Ce que nous avons entendu, ce que nous avons vu de nos yeux, ce que nos mains ont touché, c’est cela même que nous vous annonçons, afin que vous soyez en communion avec nous" (voir 1 Jean 1,1-2). La volonté de Dieu est la seule explication de cette force, parce qu’il a plu à Dieu de renouveler l’Église aujourd’hui par ces moyens-là et cela suffit.
Il y a certainement des précédents bibliques, comme celui raconté en Actes 8,14-17, quand Pierre et Jean, ayant entendu dire que des Samaritains avaient accueilli la Parole de Dieu, s’y rendirent, prièrent pour eux et leur imposèrent les mains de telle sorte qu’ils puissent recevoir le Saint Esprit. Mais ces précédents bibliques rares et à l’interprétation difficile, sont peu de chose face à l’étendue et la profondeur de la manifestation contemporaine de l’effusion de l’Esprit.
Par conséquent, l’explication est dans le plan de Dieu. Nous pourrions dire, en paraphrasant un mot célèbre de l’apôtre Paul : "Parce que les chrétiens, avec toute leur organisation, n’étaient pas capables de transmettre le pouvoir de l’Esprit, il a plu à Dieu de renouveler les croyants à travers la folie de l’effusion. En fait, les théologiens cherchent une explication et les gens responsables préfèrent la modération, mais les simples touchent de leurs mains le pouvoir du Christ dans le Baptême de l’Esprit" (1 Co 1, 21-24).
Nous les hommes, et en particulier nous, les hommes d’Église, nous avons tendance à limiter Dieu dans sa liberté : nous avons tendance à insister sur le fait qu’Il suit une forme contraignante (ainsi désignée "canaux de la Grâce") et nous oublions que Dieu est un torrent qui rompt les amarres et crée sa propre trajectoire et que l’Esprit souffle où et comme Il veut (sans sous-estimer le rôle de l’enseignement de l’Église pour discerner ce qui effectivement vient de l’Esprit et ce qui ne vient pas de Lui).
Dans l’effusion, il y a une part secrète et mystérieuse de Dieu, qui est sa manière de se rendre présent et d’agir différemment pour chacun, parce que lui seul nous connaît intimement et sait ce dont notre croissance a besoin. Il y a aussi la part extérieure et commune, la même pour tous et qui constitue, en un sens, une sorte de signe - comme le font les sacrements. La partie visible ou communautaire consiste principalement en trois choses : l’amour fraternel, l’imposition des mains et la prière. Ce sont des éléments non-sacramentaux, simplement ecclésiaux.
D’où vient la Grâce que nous expérimentons dans le Baptême dans l’Esprit ?
De ceux qui sont autour de nous ? Non ! De la personne qui la reçoit ? Non ! Elle vient de Dieu ! Nous pouvons seulement dire qu’une telle Grâce est reliée au Baptême, parce que Dieu agit toujours avec cohérence et fidélité, et il ne fait pas quelque chose pour le défaire ensuite. Il honore les engagements et institutions du Christ.
Une chose est certaine : ce ne sont pas les frères qui communiquent le Saint Esprit, mais ils invoquent le Saint Esprit sur leur frère. Le Saint Esprit ne peut être donné par aucun homme, pas même le pape ou un évêque, parce qu’aucun homme possède en lui-même le Saint Esprit. Seul Jésus peut donner le Saint Esprit : tous les autres ne possèdent pas le Saint Esprit, mais sont possédés par Lui.
Eu égard à la spécificité de cette Grâce, nous pouvons parler d’une nouvelle venue du Saint Esprit, d’une nouvelle mission confiée par le Père à travers Jésus-Christ, et d’une nouvelle onction correspondant à un nouveau degré de Grâce.