Sainte Anne et saint Joachim, parents de Marie

Marie de Nazareth

Icône russe de la Sainte Rencontre d’Anne et Joachim à la Porte dorée, XVII ès.

Sainte Anne et saint Joachim- dont les noms signifient respectivement « la gracieuse » pour Anne et « Dieu accorde » pour Joachim- sont les deux parents de la Vierge Marie, et les grands-parents de Jésus. Leur nom et leur histoire ne figurent pas dans les Évangiles canoniques, mais ils apparaissent dans le texte apocryphe intitulé le Protévangile de Jacques, datant de la fin du IIès, puis dans sa version latine amplifiée que l’on nomme L’Évangile du Pseudo-Matthieu, ou le Livre de la naissance de la bienheureuse Vierge Marie et de l’enfance du Sauveur (VIIe siècle) ; dans L’ Évangile de la Nativité de la Vierge , qui est une adaptation des deux précédents, et, enfin, dans la Légende dorée du dominicain Jacques de Voragine (XIIIès), texte qui a permis le grand développement de la dévotion envers sainte Anne.

Les mentions de sainte Anne et saint Joachim sont liés au thème de l’enfance de la Vierge Marie, et à l’attention donnée à la généalogie maternelle de Jésus.

Sainte Anne et saint Joachim sont invoqués en tant que grands-parents, pour les époux âgés, ainsi que pour la fécondité.

L’histoire de sainte Anne et saint Joachim: une longue stérilité

L’histoire de sainte Anne et saint Joachim, telle qu’elle est rapportée, est celle d’un couple longtemps éprouvé par la honte qui s'attachait à la stérilité. Saint Joachim, de la tribu de Juda, homme riche et pieux, descendant de la lignée du roi David et né à Nazareth, et son épouse sainte Anne, de la tribu de Lévi, également de la descendance de David, étaient en effet privés de descendance. Après vingt années de vie commune, sainte Anne n’était plus en âge de procréer.

C’est alors qu’un incident grave fut, selon cette tradition, à l’origine de la conception de la Vierge Marie. Saint Joachim vit en effet son offrande refusée au Temple par le Grand Prêtre, sous prétexte qu’il n’avait pas d’enfant (l’infertilité étant le signe d’une malédiction de la Loi). Saint Joachim se retira alors dans le désert auprès de ses bergers pour jeûner et prier, tandis que sainte Anne restait seule et priait, pendant la longue absence de son époux.

La visite d’un ange

Or, la visite d’un ange du Seigneur vint annoncer successivement à saint Joachim et à sainte Anne, en une sorte de pré-Annonciation, que malgré leur âge avancé, ils allaient enfin mettre au monde un enfant, une fille, qui, elle-même, enfanterait le Sauveur.

La rencontre à la porte dorée et conception de la Vierge Marie

Maître de la Divisio_Apostolorum. Rencontre de Joachim et d'Anne à la Porte dorée v.1493

Les deux époux se retrouvèrent à la Porte d’or, à l’entrée de Jérusalem. Neuf mois plus tard, sainte Anne et saint Joachim devinrent les parents de la Vierge Marie. Cette naissance de Marie est célébrée le 8 septembre dans la liturgie catholique, et on célèbre la Conception de sainte Anne dans la liturgie byzantine le 9 décembre, jour béni de la guérison de la stérilité du couple.

Selon une tradition chrétienne orientale, la maison d’Akar, père de sainte Anne, se situerait à l’endroit actuel de la crypte de l'église Sainte-Anne, à Jérusalem, et serait le lieu de la naissance de la Vierge Marie.

La conception de la Vierge Marie

"Joachim et Anne, heureux soit votre couple ! Toute la création est votre débitrice. C’est par vous en effet qu’elle a offert au Créateur le don supérieur à tous les dons, une mère toute sainte, seule digne de Celui qui l’a créée. Heureux Joachim d’où sortit un germe tout immaculé, heureuse Anne dont le sein a développé lentement et d’où naquit une enfant toute sainte, la seule toujours vierge d’esprit, d’âme et de corps !"

Cet hommage, extrait de l’Homélie de Saint Jean Damascène sur la Nativité de la Vierge Marie, témoigne du respect qu’avaient les Pères de l’Église pour certains éléments des écrits apocryphes, puisqu’ils ont considéré l’histoire de saint Joachim et sainte Anne comme faisant partie intégrante du trésor de la tradition.

La longue stérilité de saint Joachim et sainte Anne est d’ailleurs interprétée par saint Jean Damascène, père de l’Église d’Orient et Docteur de l’Église, comme faisant partie du dessein divin : en effet, saint Jean Damascène explique que cette longue stérilité permit à Dieu de manifester Sa grâce, révélant ainsi que rien n’est impossible à Dieu (ce dont témoignent d’ailleurs les noms symboliques de saint Joachim et de sainte Anne).

La mystique et bienheureuse Anne-Catherine Emmerich (1774-1884)confirme dans ses écrits cette Conception exceptionnelle de la Vierge Marie par saint Joachim et sainte Anne.

Saint Joachim et sainte Anne dans la liturgie

On célèbre saint Joachim et sainte Anne, le 26 juillet dans le rite romain et le 9 septembre en Orient. On célèbre ainsi les bienheureux parents qui ont fait "fleurir le rameau de Jessé", c'est-à-dire l'arbre généalogique qui a fait de Marie la "fille de Sion", donnant naissance à Jésus, le Fils de Dieu, notre Rédempteur.

Sainte Anne et saint Joachim dans l’art

Giotto di Bondone. Rencontre de saint Joachim et de sainte Anne à la Porte dorée. Domaine public, via wikimedia.

Saint Joachim et sainte Anne apparaissent dans l’art en tant que couple, dans différents épisodes qui ont donné lieu à des motifs iconographiques : la rencontre de sainte Anne et saint Joachim à la Porte dorée, qui symbolise la Conception de la Vierge Marie et la Présentation de Marie au Temple, où, selon la tradition des apocryphes, sainte Anne et saint Joachim conduisirent Marie dès l’âge de trois ans.

La rencontre à la Porte dorée, ou Conception de la Vierge Marie

Lorenzo Monaco. Rencontre à la porte dorée de saint Joachim et sainte Anne, 1424. Église sainte Trinité , Florence.

Parmi les thèmes iconographiques de l’enfance de la Vierge Marie, celui de Sa Conception est lié à sainte Anne et st Joachim. Il se concrétise dans une représentation des retrouvailles des deux époux, après leur douloureuse séparation. On nomme traditionnellement la scène des retrouvailles ‘la rencontre de saint Joachim et sainte Anne à la Porte Dorée’ de Jérusalem. La Porte dorée se situe à l’entrée de Jérusalem. Dans la tradition juive, cette porte est celle par laquelle doit entrer le Messie. Elle a été close par Saladin, dans le dessein d’empêcher le Messie d’entrer.
Cette porte close est parfois mise en relation avec la porte close de la vision d’Ezéchiel (Ez. 44, 1-2) :

« Il me ramena vers la porte extérieure du sanctuaire, du côté de l’Orient. Mais elle était fermée. Et l’Éternel me dit: Cette porte sera fermée, elle ne s’ouvrira point, et personne n’y passera; car l’Éternel, le Dieu d’Israël est entré par là. Elle restera fermée ».


La porte close peut également symboliser pour les Chrétiens la virginité de Marie, avant, pendant et après la naissance du Christ (en ce cas, elle rejoint le thème de l’Hortus conclusus, du jardin clos, qui symbolise également la Virginité de la Vierge Marie,dans certaines représentations  de l’Annonciation).

Les retrouvailles du couple à la Porte dorée de Jérusalem sont représentées de plusieurs façons : parfois un simple geste de tendresse, une accolade amoureuse, ou, de façon plus réaliste, un baiser, qui prend une valeur éminemment symbolique, puisqu’il est assimilé à la Conception de la Vierge Marie. Cette représentation de la Conception de la Vierge Marie est fréquente dans l’art occidental, jusqu’au XVIès, le concile de Trente, comme l’explique Émile Mâle, ayant imposé des restrictions à la représentation des épisodes issus des apocryphes dans l’art de la Contre-réforme. Cette représentation de la Conception de Marie par la rencontre de saint Joachim et de sainte Anne a donc été peu à peu abandonnée, au profit d’une représentation de la Vierge Marie elle-même, en convertissant des représentations préexistantes, pour créer le type iconographique de l’Immaculée dans l’art.

Les plus célèbres représentations de ces retrouvailles de sainte Anne et saint Joachim à la Porte dorée sont celles des fresques de Giotto consacrées à la vie de sainte Anne et à l’enfance de Marie, qui se trouvent à Padoue, et celles de Lorenzo Monaco, datant du XVès (1424).

La Présentation de Marie au Temple

P. di Giovanni Fei. Présentation de la Vierge Marie au Temple, v.1400.Public domain, via Wikimedia Commons.

L’autre motif iconographique dans lequel on retrouve sainte Anne et saint Joachim représentés comme parents de la Vierge Marie est celui de sainte Anne et saint Joachim conduisant Marie au Temple (Présentation de Marie au Temple dans l’art). Cet épisode est, lui aussi, tiré des récits apocryphes : le Protévangile de Jacques rapporte que sainte Anne avait fait vœu de consacrer son enfant à Dieu, selon la coutume du naziréat, et que saint Joachim et sainte Anne emmenèrent la petite Marie, alors âgée de trois ans, au Temple de Jérusalem pour qu’elle y soit élevée. La Présentation de Marie au Temple est célébrée dans la liturgie le 21 novembre dans les différentes liturgies du monde, en Orient comme en Occident.

 

Saint Joachim

Taddeo Gaddi. Joachim se voit refuser son offrande par le Grand-prêtre du Temple, fresque chapelle Baroncelli de la basilique Santa Croce de Florence, Italie. Domaine public, via Wikimedia Commons.

Saint Joachim apparaît parfois seul, notamment pendant l’épisode antérieur à la rencontre avec sainte Anne à la porte dorée, soit lorsqu’il se voit refuser son offrande au Temple, soit lorsqu’il se retire au désert. Une tradition identifie ce lieu de retraite, avant son appel parental, à Choziba. On représente généralement saint Joachim âgé, avec une houlette de berger, ou portant l’agneau du sacrifice refusé. Cette représentation de saint Joachim portant la brebis du sacrifice préfigure également celle du Christ, Agneau immolé. Saint Joachim personnifie la vertu de persévérance, qui, par la prière et l’offrande, permet d’obtenir de nombreuses grâces.

Sainte Anne

Atelier de Georges de La Tour. L'Éducation de la Vierge (v. 1650).Domaine public, via Wikimedia Commons.

Sainte Anne est également représentée dans l’art sans son époux, pour honorer la généalogie maternelle de Jésus, soit pour évoquer l’éducation de la Vierge Marie, soit, comme grand-mère de Jésus (scène de la Nativité de Jésus, sainte Anne Trinitaire, etc.). La dévotion à sainte Anne s’est répandue à partir du XIVe siècle, notamment avec la propagation des récits de la Légende dorée de Jacques de Voragine. Plusieurs sanctuaires lui sont dédiés en France et au Canada français : la basilique Sainte-Anne d’ Apt, dans le diocèse d’Avignon, mais surtout la basilique sainte-Anne-d’Auray, dans le diocèse de Vannes, où l’on célèbre en 2023 le 400ème anniversaire des apparitions de sainte Anne à Yvon Nicolazic. On recense d’ailleurs plus de six cents petits et grands sanctuaires dédiés à sainte Anne en Bretagne. Au Canada, le sanctuaire de sainte-Anne-de-Beaupré, qui possède trois reliques insignes de la sainte Mère de la Vierge Marie, a été créé au XVIIès à l’initiative de quelques marins bretons, rescapés d’une tempête après avoir prié sainte Anne.