Virgile est un poète et écrivain latin, né en 70 avant J.-C. et mort en l'an 19 avant J-C.
Le quatrième chant (églogue) des Bucoliques de Virgile évoque une attente remarquable.
Au 4° vers, Virgile dit qu'il transmet la prophétie de Cumes, c'est-à-dire les oracles d'une Sibylle (l'équivalent d'une pythie), s'adressant à l'empereur Auguste.
Sicelides Musae, paulo majora canamus !
non omnis arbusta juvant humilesque myricae ;
si canimus silvas, silvae sint consule dignae.
Ultima Cumaei venit jam carminis aetas
magnus ab integro saeclorum nascitur ordo. 5
Jam redit et Virgo, redeunt Saturnia regna,
jam nova progenies caelo demittitur alto.
Tu modo nascenti puero, quo ferrea primum
desinet ac toto surget gens aurea mundo,
casta fave Lucina ; tuus jam regnat Apollo. 10
Teque adeo decus hoc aevi, te consule, inibit,
Pollio, et incipient magni procedere menses
te duce. Si qua manent sceleris vestigia nostri,
irrita perpetua solvent formidine terras.
Ille deum vitam accipiet divisque videbit 15
permixtos heroas et ipse videbitur illis
pacatumque reget patriis virtutibus orbem.
Muses de Sicile, élevons un peu nos chants. Les buissons ne plaisent pas à tous, non plus que les humbles bruyères. Si nous chantons les forêts, que les forêts soient dignes d'un consul.
Il s'avance enfin, le dernier âge prédit par la Sibylle: je vois éclore un grand ordre de siècles renaissants.
Déjà la vierge Astrée revient sur la terre, et avec elle le règne de Saturne; déjà descend des cieux une nouvelle race de mortels.
Souris, chaste Lucine, à cet enfant naissant; avec lui d'abord cessera l'âge de fer, et à la face du monde entier s'élèvera l'âge d'or: déjà règne ton Apollon. Et toi, Pollion, ton consulat ouvrira cette ère glorieuse, et tu verras ces grands mois commencer leur cours. Par toi seront effacées, s'il en reste encore, les traces de nos crimes, et la terre sera pour jamais délivrée de sa trop longue épouvante.
Cet enfant jouira de la vie des dieux; il verra les héros mêlés aux dieux; lui-même il sera vu dans leur troupe immortelle, et il régira l'univers, pacifié par les vertus de son père.
VIRGILE.
Extrait de : Les Bucoliques, quatrième églogue.
Traduction universitaire sur :
fleche.org/lutece/progterm/virgile/eglogue4.html
Commentaire :
La religion de Virgile est la mythologie de son temps. Il vénère Saturne et d'autres dieux. Les livres sibyllins exposaient la doctrine de l'éternel retour : à la fin de chaque cycle, ou Grande Année, les astres retrouvent la même place dans le ciel, ce qui amène le retour des événements dans le même ordre, la renaissance des siècles, ou le retour du doux règne d'Apollon.
Dans le poème de Virgile, nous percevons le climat d'attente qui précéda la venue du Christ : les romains attendaient un véritable tournant cosmique, un nouveau fondement "ab integro" qui soit en même temps un retour à un âge d'or.
Au milieu du paganisme romain, une attente a surgi, l'espérance d'un âge nouveau et d'une race nouvelle qui doit venir d'un enfant divin né d'une mère intègre/vierge. Et « peut-être peut-on dire que la figure de la vierge et celle de l'enfant divin font en quelque sorte partie des images primordiales de l'espérance humaine, qui émergent dans les moments de crise et d'attente, sans qu'il y ait de figures concrètes en perspective »[1]
[1] J. Ratzinger, Benoît XVI, L'enfance de Jésus, Flammarion, Paris 2012, p. 82
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Synthèse Françoise Breynaert