Bouddhisme, christianisme : quelle compassion ?

Bouddhisme, christianisme : quelle compassion ?

[Le « Dalaï lama » est considéré comme une émanation de Chenrézi, le Seigneur de la compassion infinie. (« Dalaï » est un mot mongol qui signifie « océan » et désigne l'étendue de la connaissance ; « lama » vient du tibétain : « la » signifie « supérieur », « ma » signifie « mère ».) [1] S'il y a compassion dans le bouddhisme, elle est cependant très différente de la compassion chrétienne, puisqu'elle se vit dans la direction d'un esseulement toujours plus grand et de la recherche d'une vacuité stérile, l'extinction.

Ceci nous invite à approfondir ce qu'est la compassion chrétienne, et, s'il est permis de parler ainsi, de la co-rédemption].

Jésus est le seul Rédempteur, et il ne manque rien à sa Passion. Mais le Père sauve les hommes par ses deux Envoyés, ses deux « mais » dirait saint Irénée - son fils et l'Esprit. Lorsque le Fils a terminé la grande œuvre de sa Passion, l'Esprit va en assurer la distribution par son ministère de compassion. [...]

S'il est permis de parler de Marie co-rédemptrice, et dès lors de l'Eglise co-rédemptrice, il me semble que ce ne peut être que dans le sens où l'Esprit qui habite en son cœur et agit en elle, est co-rédempteur à travers son ministère de compassion. [...]

Le ministère de la compassion de l'Esprit est co-rédempteur au sens où sans lui nous ne pourrions nous approprier le don de la Rédemption qui ne se déverse que du Cœur transpercé de Jésus dans le nôtre, lorsque ce dernier s'est ouvert à la compassion par l'action de l'Esprit.

Si le Cœur de Marie a pu être transpercé par la lance qui s'enfonçait dans le Cœur de Jésus - selon la prophétie de Siméon, c'est que l'élan de compassion de l'Esprit l'avait élevée sur la croix avec son Fils au point que leurs deux Cœurs n'en faisaient plus qu'Un.

La Croix est l'échelle de Jacob dressée entre Ciel et terre, mais il nous faut la gravir dans le dynamisme de l'Esprit de compassion, qui seul peut nous introduire dans la pleine connaissance du Mystère de l'Amour crucifié. [...]

Je me souviens qu'au moment de ma conversion, j'ai été saisi par une confrontation entre une icône du Christ en Croix et une représentation de la mort de Bouddha. Celui-ci, après avoir pris congé de ses disciples rassemblés autour de sa couche, se retire lentement dans un samadhi dont il ne reviendra plus. Il franchit progressivement les différentes étapes de la méditation, jusqu'à la dissolution totale de sa conscience personnelle dans la vacuité bienheureuse, son visage serin marqué par le sourire mystérieux caractéristique de l'enstase.

Jésus par contre est debout, élevé entre ciel et terre, les bras ouverts, pleinement déployés, dans un geste d'appel et d'étreinte universelle. Il, meurt dans un grand cri :'tout est accompli », cri de victoire du guerrier vainqueur, cri de naissance du premier né d'entre les morts. Il remet son esprit entre les mains de son Père, penche la tête vers Marie et vers saint Jean et exhale sur eux son souffle, reproduisant le geste créateur de la genèse 2, 7. [...]

L'idéal du chrétien n'est pas la croix mais une vie de charité ; et notre modèle est Jésus qui nous a aimés du plus grand amour, jusqu'à donner sa vie pour nous sur une croix.


[1] Joseph Marie Verlinde, L'expérience interdite, éditions saint Paul, Versailles 1998, p. 243

Extraits par F. Breynaert de Joseph Marie Verlinde,

L'expérience interdite, éditions saint Paul, Versailles 1998, p. 204-209