Loin de la fascination mythologique et de l’obsession des rites de fécondité, le Cantique des Cantiques, dans la ligne du verset de Genèse 2-3, restitue à l’amour humain son autonomie et sa gratuité, discours franc et heureux de l’amour partagé.
Le Cantique est un grand écrit de sagesse, une sagesse spécifiquement biblique : le peuple de la Bible nous a transmis l’amour dans la rencontre de l’autre, rencontre de Dieu, beauté au-delà de toute beauté, et rencontre du conjoint humain.
On sait depuis qu’Abraham s’est mis en route, depuis que Mo?se et les Hébreux ont suivi la colonne de nuée au désert et que les exilés sont revenus de Babylone, que pas plus qu’il n’y a d’installation dans l’amour véritable, il n’y a d’accoutumance dans la vie en face du Dieu vivant.
Le Cantique chante l’Amour jamais habitué et toujours jeune, avec passion, impatience et joie. On a longtemps hésité à l’incorporer au canon des Ecritures saintes, mais de nombreuses voix y ont vu un sommet : Rabbi Aquiba (1e siècle) affirme que le monde entier ne vaut pas le jour où le cantique fut donné à Israël.
Tous les écrits sont saints, mais le Cantique est le Saint des Saints.
Le Zohar (écrit juif du moyen âge) affirme que le Cantique des cantiques est le résumé de toute l’Ecriture , de toute l’œuvre de la création, le résumé du mystère des patriarches, le résumé de l’exil d’Egypte, de la délivrance d’Israël et du cantique chanté lors du passage de la mer rouge, le résumé du décalogue et de l’apparition au mont Sinaï, ainsi que de tous les événements qui se sont passés en Israël durant son séjour dans le désert, jusqu’à la construction du temple ; le résumé du mystère du Nom sacré et suprême, le résumé de la dispersion d’Israël parmi les peuples et de sa délivrance, le résumé enfin de la résurrection des morts et des événements qui auront lieu jusqu’au jour appelé le shabbat du Seigneur.
Ce cantique renferme tout ce qui existe et tout ce qui existera, tous les événements qui se passeront au septième millénaire, qui est le shabbat du Seigneur, sont résumés dans le cantique des cantiques.
C’est dans cette perspective que le Cantique est lu par les Juifs chaque shabbat et le septième jour de la fête de la Pâque.
Extrait de F. Breynaert,
La charité dans le commentaire d'Origène sur le cantique des cantiques.
Cerf, Paris, 2012 à paraitre.