Données générales sur l’icône

L'atelier :

De tout temps les iconographes se sont regroupés en "ateliers", tout comme les Compagnons du Moyen-Âge, non seulement pour recevoir un enseignement ou pouvoir mieux « pratiquer » l'abnégation de soi, par humilité et véritable anonymat, mais surtout afin que le peintre d'icônes isolé ne puisse commettre des erreurs dogmatiques. Le regroupement permet une certaine vérification et obéissance à la Tradition, c'est-à-dire à ceux qui nous ont précédés dans la Vérité. L'iconographe ne peut faire cavalier seul : c'est pourquoi, également, l'iconographe reçoit son « ministère » de l'Église. C'est au sein de la communauté ecclésiale qu'il remplit pleinement sa fonction. Le peintre d'icônes n'est ni artiste, ni artisan indépendant ; il exerce un ministère de l'Église.

La matérialité de l'icône :

Tous les matériaux proviennent du monde minéral, végétal ou animal. Ils sont appelés à participer à la transfiguration du cosmos.

La planche est recouverte d'un fond toilée et d'une enduit appelé levka en russe et formé de colle mélangé à une poudre de pierre blanche (albâtre ou chaux).

Le procédé de peinture de l'antiquité, la peinture à l'encaustique, a été abandonnée remplacée à partir du VIII° siècle par la détrempe à l'œuf, dite tempera.

En général, l'or couvre les fonds (de fines feuilles d'or pur) et souligne le volume des vêtements (de fines hachures : l'assiste).

Avant d'être exposée à la poussière et aux bougies, l'icône est recouverte d'un enduit appelé olifa, et préparé à partir d'huile de lin.

L'icône est le signe d'une présence invisible :

L'icône reçoit toujours un nom qui l'investit d'une présence.

Les formes architecturales, les montagnes et la végétation qui forment l'arrière plan sont toujours subordonnées aux personnes occupant l'avant-scène.

Loin d'exprimer le mouvement physique, les plis des vêtements dévoilent le rythme spirituel de l'être.

Les personnages ruissellent de la lumière. L'icône ignore les ombres.

L'icône est le signe d'une présence invisible. Elle sait être figurative lorsqu'elle représente les traits d'un saint, mais la dimension spirituelle domine. Le corps n'a rien de charnel, et donc rien de putrescible. Evacuée, la chair fait place à un corps transfiguré, rempli des énergies divines.

Si l'icône annonce la joie au monde, l'ascétisme ambiant imprime une touche de tristesse. La joie de Pâques est inconcevable sans la Passion au terme de laquelle le Christ ressuscite.

Le fond de l'icône s'appelle « lumière », on recourt en général à l'ocre ou aux feuilles d'or.

L'or n'existe pas dans la nature et symbolise donc la lumière incréée, qui investi la créature, la transfigure et lui permet déjà de goûter au Paradis.

Le fond doré forme une barrière opaque que l'œil ne pourra pénétrer, la présence de Dieu est ainsi manifestée dans sa dimension mystérieuse.

L'or symbolise le feu de la prière.

Parfois, les les icônes ont un fond rouge. Le rouge représente le feu ardent qui contient les énergies divines, qui anime les créatures et leur insuffle la vie. C'est aussi une allusion au sang du Christ versé pour sauver l'humanité.

Le visage domine tout :

 

Les Grecs de l'Antiquité nomment l'esclave aprosôpos, c'est-à-dire celui qui n'a pas de visage. Or, en prenant visage humain, Dieu nous restitue un visage à son image, enchaînés (aprosôpos) que nous étions par le péché.

Temps et lieu :

 

Tous les temps et tous les lieux peuvent se rejoindre dans le même point. Le temps-prison et l'espace-prison n'ont pas cours ici. L'icône de la Nativité en offre un parfait exemple. La scène dépeinte se joue devant la grotte, jamais à l'intérieur. L'iconographe souligne de cette façon que l'événement déborde le lieu historique et le moment de sa réalisation.

L'icône, image purificatrice :

 

 

« La lampe du corps, c'est ton oeil. Lorsque ton oeil est sain, ton corps tout entier aussi est lumineux; mais dès qu'il est malade, ton corps aussi est ténébreux. Vois donc si la lumière qui est en toi n'est pas ténèbres! Si donc ton corps tout entier est lumineux, sans aucune partie ténébreuse, il sera lumineux tout entier, comme lorsque la lampe t'illumine de son éclat. »

(Lc 11, 34)

L'icône purifie et enseigne à développer le regard intérieur.

L'icône est l'image d'un monde non pas désincarné, (dans le sens qu'il refuserait la création) mais transformé, transfiguré, rendu transparent par une spiritualisation qui englobe le cosmos entier.

L'icône du Christ, sa Face, "non faite de main d'homme", se trouve à la base de toutes les représentations du visage humain.

Ce visage de Dieu fait homme sacralise les autres visages.

En tant que représentation de la Réalité transcendante, l'icône emplit notre vision d'un univers de beauté.


Source :

Michel Quenot, L'icône, fenêtre ouverte sur le Royaume, Cerf, Paris 2001, p. 99-118, et 171-172.

Olga Popola, Engelina Smirnova, Paola Cortesi, Les icônes, Solar, Paris 1996, p. 53.61.

https://www.pagesorthodoxes.net/eikona/damasc.htm#silence

 


 

Synthèse par Françoise Breynaert