Quand tu entres dans une maison où se trouvent des icônes, tu fais bien de te signer car le Christ Seigneur, la Mère de Dieu et les Saints sont présents dans ce lieu. Rappelle-toi que l'icône n'est pas simplement un tableau religieux ! Le tableau est une chose, l'icône orthodoxe en est une autre.
L'icône, lieu de présence.
Si tu as vécu avec elle, et si tu as prié devant elle, tu sais qu'elle est vraiment un lieu de présence. Tu sais qu'elle nous introduit librement dans la rencontre avec celui ou celle qui y est représenté. Tu sais cela sans savoir comment tu le sais. Je n'ai d'ailleurs aucune intention de te l'expliquer. Car il y a un seuil au-delà duquel toute question devient vaine et tout discours stérile. Aussi ne te faut-il pas comprendre autrement qu'en priant et en vivant.
L'icône doit toujours être liée à la liturgie.
N'oublie pas non plus que la Liturgie est la source de cet art : l'icône est le témoignage de la vie liturgique, d'où jamais elle ne doit sortir, et avec laquelle elle est liée. Mais socialement c'est à l'intérieur de cette vie liturgique seulement que les fidèles connaissent le Seigneur, sa Mère et les Saints comme des vivants. C'est là qu'ayant été intégrés dans la création nouvelle par l'immersion dans les eaux sacramentelles, ils entrent dans le monde iconographique ; leurs yeux s'ouvrent sur la réalité montrée et enseignée.
Cette réalité n'est pas perceptible immédiatement. Il faut beaucoup de temps. Tout est dit avec tellement de douceur. Avec une grande sobriété aussi qui est absence d'emphase et de sentimentalisme.
Se laisser rencontrer, accueillir par l'icône.
Je ne sais si tu connais le regard des icônes. Je ne suis pas dans ton regard. L'œil du connaisseur qui cherche à apprécier la beauté esthétique de l'œuvre reste encore fermé à la Lumière qui rayonne de la face du Saint. Un tel regard procède la compétence. Mais nous ne sommes pas compétents en matière de vie. Même peut-être très incompétents. C'est quand nous savons cela que nous sommes prêts à être vus plutôt que de regarder. A écouter plutôt que de parler. A nous humilier plutôt que de savoir et de juger. Et alors se posera sur nous le regard du Christ et nous découvrons qu'il n'est pas sévère mais ferme et très compatissant.
Tu m'as parlé un jour d'une tristesse dans le regard de la Mère de Dieu. Ne sais-tu pas que sur les icônes, tous les Saints pleurent de joies ? Larmes du repentir et de joie du Salut. Contemple longtemps ce visage et porte ce regard en toi, et porte-le sur les êtres et les choses tout au long de ta route. Ah, si nous avions ce regard de Larmes !
La Mère de Dieu, nous la verrions alors comme notre Mère à nous aussi. Comme Celle qui nous voit jusqu'au fond du cœur, comme celle qui nous connaît mais ne nous juge point, celle qui sait tout mais ne condamne pas. Exactement comme son Fils qu'elle porte.
L'icône du Christ avec sa mère.
Ce n'est pas sans raison qu'on ne nous la montre jamais ou presque sans Lui. Les Images de la Mère de Dieu sont en vérité des icônes du Mystère de l'Incarnation du Dieu Indescriptible devenu indescriptible en elle. Nous touchons là au cœur de notre foi et au cœur de l'expérience de l'Eglise. Sois donc attentif à ces icônes où le Christ est montré dans sa relation avec Sa Mère. Lire plus...
Les icônes témoins vivants de la foi de l'Eglise.
Au huitième siècle, saint Jean Damascène écrivit trois traités « pour la défense des icônes ». Comme le titre l'indique, il s'agit là d'un écrit de combat. Mais plus qu'avec de l'encre, c'est avec le sang des martyrs que l'Eglise de ce temps-là a lutté pour les icônes, comme expression de sa foi dans l'Incarnation véritable du Christ Seigneur, Parole et Image de Dieu.
Aujourd'hui, en notre temps, la lutte continue, mais dans un autre sens. Ce sont les icônes qui témoignent de la foi de l'Eglise. Ce sont les icônes qui témoignent de l'Amour et de la Tendresse de Dieu, et de la victoire sur la mort, sur notre mort par la glorieuse Résurrection du Seigneur.
Peintes à la main quelquefois comme reproductions polychromes, la plupart du temps elles se trouvent sur les murs de beaucoup de maisons. Elles sont là comme des témoins du Royaume qui est là, et qui va venir ; un monde de joie sereine et de lumière : notre héritage et le désir secret de tous les cœurs. Dans la maison du croyant orthodoxe, l'endroit où se trouvent les icônes est comme le Saint des Saints. C'est là que Dieu parle à l'homme et que l'homme parle à Dieu. Joie et douleurs y trouvent leur expression et leur sens.
Existe-t-il une joie plus grande que celle d'être debout devant le trône de Dieu et de contempler l'image de Celui qui nous regarde sans rejet et sans jugement ? De lever le regard vers Celle qui est toujours avec Lui et la foule des témoins qui l'accompagnent ? Dans nos Eglises, nous les voyons tous : notre famille dans la chair et le sang du Seigneur. Tous, ils sont témoins de la foi dans le don du Seigneur qui est celle de la Vie dans laquelle l'homme devient Dieu. Ici s'exprime le réalisme spirituel de l'Eglise qui nous exhorte en disant : « toi aussi tu es appelé à partager cette joie indicible ». Devenir porteur de Lumière et de Vie encrée.
« Toi aussi tu es appelé. Ne dis pas que c'est impossible, dans ces jours mauvais. Ne dis pas que tu es trop faible ou ne dis pas que tu es indigne. Ceux qui sont sur les icônes montrent leur visage de lumière ; dans la même situation que toi maintenant ; revêtus de la faiblesse de la chair. Mais une vie en Dieu a vaincu en eux la faiblesse et a transfiguré l'homme. Alors quand tu rentres dans une maison où il y a des icônes, signe-toi et salue d'abord le Seigneur de toutes choses, sa Mère plus glorieuse que les séraphins et ta famille, les Saints. »
M Bernard Frinking
Laïc orthodoxe, iconographe, Cavillargues (30)
Tychique n° 156 mars 2002,
L'unité des chrétiens n°2,pp.53-58