Les noces de Cana (F. Manns)

Les Noces de Cana (F. Manns)

Le début de la vie publique de Jésus fut ponctué par le miracle de la transformation de l'eau en vin, lors de noces à Cana, où Lui-même et sa Mère Marie étaient invités :

"Et le troisième jour, il y eut une noce à Cana de Galilée, et la mère de Jésus y était. Jésus aussi fut invité à la noce, ainsi que ses disciples. Et le vin venant à manquer, la Mère de Jésus lui dit: "ils n'ont pas de vin."

Et Jésus lui dit: "Femme, qu'y a-t-il entre toi et moi? mon heure n'est pas encore arrivée." Sa mère dit aux servants: "Faites tout ce qu'il vous dira."

Il y avait là six jarres de pierre destinées aux purifications des Juifs, et contenant chacune deux ou trois mesures. Jésus dit aux servants: "Remplissez d'eau ces jarres." Et ils les remplirent jusqu'au bord. Et il leur dit: "Puisez maintenant, et portez-en à l'intendant du festin." Ils en portèrent.

Quand l'intendant eut goûté l'eau devenue du vin (et il ne savait pas d'où cela venait, mais les servants le savaient, eux qui avaient puisé l'eau), l'intendant appelle le marié et lui dit: " Tout le monde sert d'abord le bon vin, et quand les gens sont ivres, le moins bon. Toi, tu as gardé le bon vin jusqu'à présent".

Tel fut le premier des signes de Jésus; il le fit à Cana de Galilée. Et il manifesta sa gloire , et ses disciples crurent en lui" (Jn 2, 1-11).

Marie est présente aux noces de Cana, avec les frères de Jésus, comme toute parente désirant entretenir les liens familiaux, amicaux et sociaux avec son entourage. Marie accomplit aussi par sa présence aux noces l'observance d'un commandement de la loi judaïque, une oeuvre de charité, comme celle d'honorer et de bénir la famille et les futurs époux.. Il est évident cependant que la version des noces de Cana dans l'Evangile de Jean ajoute un surplus de sens à la scène, car Jean est attentif au symbolisme des événements et des personnes.

Marie constate que le vin vient à manquer. Elle s'adresse à son fils en partant d’une observation naturelle : "Ils n’ont plus de vin", mais Jésus réagit à un autre niveau. Le constat du manque qui surprend les invités lui permet de s'élever à un autre niveau. S’étonnant de la résonance que trouvent en lui les paroles de sa mère, il répond par une question : "Qu’y a-t-il entre toi et moi"[1 ]? Derrière les paroles de Marie, au plan symbolique, on peut entendre l'expression du reste fidèle d’Israël, de ceux qui attendent le règne du Messie.

En effet, le vin symbolise aussi dans la Bible la joie que Dieu a promise à son peuple et la restauration de l’alliance. Joël 4,18 en parle : "Un temps vient où les coteaux produiront du raisin en abondance". Amos 9,13 s’y réfère : "Le Seigneur dit encore: Le jour vient où … l’on foulera les raisins peu après avoir semé le blé. Alors le vin nouveau ruissellera sur les coteaux, et toutes les collines en seront inondées". Isaïe, lorsqu’il évoque le festin eschatologique, n’hésite pas à affirmer que le vin sera donné gratuitement. Zacharie 9,16-17 reprend le thème : "En ce temps-là, le Seigneur Dieu sauvera son peuple comme un berger sauve son troupeau. Semblables aux pierres de diadème, ils brilleront dans le pays, où régneront le bonheur et la beauté. Le froment fera croître les jeunes gens et le vin nouveau les vierges".

Le vin coulera à flots quand le Messie viendra, symbole de la joie et de bienfaits spirituels surabondants. Jésus accepte sa mission et Marie est l’instructrice de ses premiers pas. Comme la mère de Salomon avait couronné son fils au jour de ses épousailles [2 ], Marie est présente aux côtés de Jésus qui inaugure les signes de la présence du Royaume de Dieu. Intervenant auprès des servants, elle met Jésus au monde des hommes. Par voie de conséquence, elle donne naissance à la communauté que va réjouir le vin messianique [3 ].


[1 ] Qu’y a-t-il entre toi et moi ? signifie parfois : "Quel contentieux antérieur nous oppose? " cf Jg 11,12 ; 2 Ch 35,1 ; 1 R 17,18. Mais également : "Qu’y a-t-il de commun entre toi et moi?" ou "Quelle est la relation qui nous unit?". La remarque revient alors à déplorer : "Nous ne sommes pas sur la même longueur d’ondes, nous ne jugeons pas de la même manière". Le texte de Jn 7,6-10 permet de mieux comprendre l’attitude de Jésus. De fait Marie comprend la réponse de façon affirmative, puisqu’elle va trouver les servants et leur demande de faire ce que Jésus leur demandera.

[2 ] Ct 3,11.

[3 ] Marie ne donne aucun ordre, n’intime aucun commandement. Elle se contente d’attirer l’attention de son fils sur la situation et de faire confiance aux potentialités cachées de Jésus, aux virtualités dont il est porteur et qu’elle a pressenties. Sitôt réalisé le passage du Fils à la vie publique, la mère entre dans le silence et accepte la distance que Jésus ne cessera de marquer à l’égard de son entourage, tout tendu qu’il est vers la fraternité universelle.

Père Frédéric Manns

Jn 2,1-12 : Les noces de Cana

Il y avait un mariage à Cana en Galilée.

La mère de Jésus était là.

Jésus aussi avait été invité au repas de noces

avec ses disciples.

Or, on manqua de vin ;

la mère de Jésus lui dit :

«Ils n’ont pas de vin.»

Jésus lui répond :

« Femme, que me veux-tu ?

Mon heure n’est pas encore venue. »

Sa mère dit aux serviteurs :

« Faites tout ce qu’il vous dira. »

Or, il y avait là six cuves de pierre

pour les ablutions rituelles des Juifs ;

chacune contenait environ cent litres.

Jésus dit aux serviteurs :

« Remplissez d’eau les cuves. »

Et ils les remplirent jusqu’au bord.

Il leur dit :

« Maintenant, puisez,

et portez-en au maître du repas. »

Ils lui en portèrent.

Le maître du repas goûta l’eau changée en vin.

Il ne savait pas d’où venait ce vin,

mais les serviteurs le savaient,

eux qui avaient puisé l’eau.

Alors le maître du repas interpelle le marié

et lui dit :

« Tout le monde sert le bon vin en premier,

et, lorsque les gens ont bien bu,

on apporte le moins bon.

Mais toi, tu as gardé le bon vin jusqu’à maintenant. »

Tel fut le commencement des signes que Jésus accomplit.

C’était à Cana en Galilée.

Il manifesta sa gloire,

et ses disciples crurent en lui.


Après quoi, il descendit à Capharnaum,

lui ainsi que sa mère et ses frères et ses disciples,

et ils n'y demeurèrent que peu de jours.

(Jn 2,1-12)