269. Ayant ainsi clarifié les positions en présence, nous sommes à même de dégager plusieurs points qui dès maintenant peuvent faire l'objet d'un consensus entre nos deux traditions, même si l'une d'elles n'approuve pas le dogme en tant que tel.
Nous constatons en premier lieu que nos diverses Eglises partagent en fait le même souci d'honorer sans réserve la souveraineté du Christ,
- soit en rappelant que Marie (comme toute créature, a elle-même besoin d'être sauvée par son Fils,
- soit en soulignant que l'Immaculée Conception ne doit se comprendre qu'en référence au mystère de l'Incarnation.
270. Les positions de nos diverses Eglises s'enracinent toutes, en deuxième lieu, dans une théologie de la grâce.
S'il est vrai que la réforme protestante insiste légitimement sur l'initiative absolue de Dieu dans le don de sa grâce (sola gratia),
la doctrine catholique de l'Immaculée conception doit être, elle aussi, entendue à partir de la sola gratia ; car l'Immaculée Conception n'est pas liée aux mérites personnels de Marie, mais est toute entière l'œuvre de Dieu « qui nous a choisis en lui avant la fondation du monde pour que nous soyons saints et irréprochables sous son regard, dans l'amour. » (Eph 1, 4), et qui a préservé Marie de toute faute, dès la conception, pour la disposer à devenir un jour la mère de son Fils.
271. Même si les protestants et catholiques ne sont pas d'accord sur le fait de confesser que Marie a été exempte de tout péché, les uns et les autres affirment cependant ensemble qu'elle a vécu la condition humaine qui passe par le progrès, la découverte, les déchirements, les faiblesses et les limites.
Si Jésus lui-même a connu la tentation, rien ne nous permet d'exclure Marie de la même situation.
Sa sainteté ne lui a pas été donnée en une seule fois de manière accomplie. Témoignent de cet itinéraire les scènes de la perte de Jésus au Temple (« Ses parents ne comprirent pas » (Lc 2, 50) et de Marie intervenant dans la vie publique de Jésus.
272. Enfin, le dialogue au sujet de l'Immaculée Conception ne peut que profiter des progrès de la réflexion œcuménique sur le thème de la « coopération ».
Car d'un côté, dans la mesure où les catholiques admettent que le fiat de Marie lors de l'Annonciation n'était possible que moyennant la grâce de Dieu, ils peuvent justement présenter l'Immaculée conception comme une expression radicale de cette grâce, par laquelle il a plu à Dieu, dès le commencement, de donner ce qui permettrait à Marie d'acquiescer au dessein du Seigneur.
Et inversement, dans la mesure où les protestants reconnaissent que le don de la grâce ne dispense pas Marie de répondre librement et activement à la volonté de Dieu, ils peuvent alors mieux comprendre le sens de la position catholique selon laquelle l'Immaculée conception n'a pas pour effet d'arracher Marie à la condition humaine, mais plutôt de la préparer à pouvoir un jour, comme toute créature rachetée, apporter sa réponse active à l'initiative de Dieu.
Groupe des Dombes, Marie dans le dessein de Dieu et la communion des saints. Tome II : controverse et conversion, Bayard, Paris 1998, § 269-272