Formé dans le climat du protestantisme libéral qui, sous l’influence d’une critique rationaliste exacerbée, interprétait l’Ecriture de façon purement symbolique, Karl Barth (1886-1968) a été, pour le protestantisme, le restaurateur le plus écouté de la foi du dogme. Il a eu notamment le courage de réhabiliter l’article du Credo - si décrié par certains - « conçu de la Vierge Marie » :
"Sur le plan humain, c’est précisément à son père qu’un fils doit tout ce qui caractérise son existence particulière : son nom, son état, son droit, son caractère, son individualité, son lieu historique. La conception de Jésus-Christ par un père humain ne pourrait donc absolument pas convenir pour servir de signe à l’homme Jésus en tant que Fils engendré du Père dans l’éternité. Elle le désignerait, au contraire, comme un individu dont l’existence serait différente et indépendante de celle de Dieu […].
Dans toute génération naturelle, c’est l’homme, conscient de son pouvoir, fort de sa volonté, fier de sa puissance créatrice, l’homme autonome et souverain, qui se trouve au premier plan. Le processus de la génération naturelle ne serait donc pas un signe adéquat au mystère qu’il s’agit d’indiquer ici.
C’est la virginité de Marie, et non pas l’union de Joseph et de Marie, qui est le signe de la Révélation et de la connaissance du mystère de Noël.
Ce processus est, en effet, le signe de la puissance presque cosmique de l'éros humain. Pour désigner cette puissance en toute son ampleur, l’union sexuelle s’est toujours révélée comme un signe plus riche et plus significatif qu‘aucun autre. Mais elle ne saurait entrer en considération comme signe de l'agapè divine, qui, elle, « ne cherche pas son intérêt ».
La volonté de puissance et de domination de l’homme, telles qu’elles s'expriment en particulier dans l’acte sexuel, indique tout autre chose que la majesté de la miséricorde divine. Voilà pourquoi c’est la virginité de Marie, et non pas l’union de Joseph et de Marie, qui est le signe de la Révélation et de la connaissance du mystère de Noël."
Karl Barth, Dogmatique, vol. l, t. II, fasc.1
Karl Barth