Lc 1, 34 : Le voeu de virginité (St Bernard)

Lc 1, 34 : Le voeu de virginité (St Bernard)

Tu es bénie, tu échappes aux malédictions

Tu es bénie, oui, parmi les femmes [Lc 1, 42], toi qui échappas

à l'universelle malédiction ainsi exprimée:"Dans la douleur tu enfanteras tes fils" (Gen 3, 16),

et tout autant à la malédiction portée plus tard : Maudite la femme stérile en Israël (Ex 23, 26). [...]

Que vas-tu choisir, vierge prudente ?

[Marie répond] : Il n'y a certes pas de raison pour déclarer maudite la femme sans enfants, sinon qu'on la juge digne de mépris et de honte comme un être inutile et sans fruit; et encore cela n'est-il vrai qu'en Israël. Pour moi, peu m'importe de déplaire aux hommes si je puis, comme une vierge pure, m'offrir au Christ.

Qui t'a appris que la virginité plaît à Dieu ?

O Vierge prudente, ô Vierge généreuse, qui t'a appris que la virginité plaît à Dieu ?

[...] Où donc, heureuse Vierge, avais-tu lu : "La sagesse de la chair n'est que mort" (Rm 8, 6)

et encore : "Ne poussez pas le soin de la chair jusqu'à contenter ses désirs" (Rm 13, 14) ?

Où avais-tu lu que "les vierges chantent un cantique nouveau que personne d'autre ne peut chanter et qu'elles suivent l'Agneau partout où il va" (Ap 14, 3.4) ?

Où avais-tu vu louer ceux qui se vouent à la chasteté à cause du royaume des cieux (Mt 19, 12) ?

Où avais-tu lu ces mots : "Nous vivons, certes, dans la chair, mais ce n'est pas selon la chair que nous combattons" (2 Co 10, 3) ? et ceux-ci :"Celui qui marie sa fille fait bien, celui qui ne la marie pas, fait mieux" (1 Co 7, 38) ? Où avais-tu entendu cette parole : Je voudrais vous voir tous comme je suis... puis: C'est un bonheur pour l'homme de demeurer dans cet état comme je le conseille ? Pour les vierges, ajoute saint Paul, je n'ai pas de précepte du Seigneur, c'est un conseil que je donne (1 Co 7, 38.40.25) ?

Mais pour toi, Marie, je ne parlerai pas de précepte, ni même de conseil, ni d'exemple: seule l'onction de l'Esprit t'instruisait de tout.

La parole de Dieu, vivante et agissante, s'était faite ton maître, avant de devenir ton fils ; elle avait instruit ton esprit, bien avant de revêtir ta chair.

Courage, Vierge féconde !

Tu as donc résolu de t'offrir vierge au Christ, mais tu ignores que tu dois lui être offerte aussi comme mère !

Tu choisis d'être vouée au mépris en Israël, et pour plaire à celui à qui tu t'es vouée, tu braves la malédiction de la stérilité ; mais voici la malédiction changée en bénédiction et la stérilité compensée par la fécondité.

Courage, ô Vierge, ouvre ton sein, ô Vierge, dilate tes flancs, prépare tes entrailles : voici que pour toi le Tout-Puissant va opérer des merveilles, au point que, au lieu de la malédiction d'Israël, tous les peuples te proclameront bienheureuse.

N'aie pas peur, Vierge prudente, de la maternité, elle n'enlèvera rien de ta virginité. Tu concevras, mais sans péché, tu seras enceinte, mais sans fatigue, tu enfanteras, mais sans douleur, tu ignoreras le concours de l'homme, mais tu engendreras un fils. Quel fils? [...] C'est Dieu que tu enfanteras et de Dieu que tu vas concevoir.

Courage donc, Vierge féconde, chaste accouchée, mère virginale ! Tu ne seras plus maudite en Israël, ni comptée parmi les femmes stériles. Et si l'Israël charnel te maudit encore, non plus à la vue de ta stérilité, mais par envie de ta fécondité, rappelle-toi que le Christ a porté la malédiction de la croix, lui qui te combla, toi, sa mère, de bénédictions dans les cieux.

Mais dès ici-bas, l'ange te proclame bénie et toutes les générations du monde à juste titre t'appellent bienheureuse ! Donc tu es bénie entre toutes les femmes et le fruit de tes entrailles est béni !


Saint Bernard († 1153),

Extraits de Saint Bernard, 3° homélie Super missus est, § 7-8,

dans Ecrits sur la Vierge Marie, Mediaspaul, Paris 1995, p. 81-85