Pour le théologien byzantin Théophane de Nysse (†1381), la conception immaculée de Marie est survenue avec «la synergie de l'Esprit», et, depuis le début, Marie était unie à l'Esprit :
«Lorsque l'hiver de l'incrédulité était déjà sur le point de finir, comme dit l'auteur du Cantique (cf. Ct 2, 11) et que les fleurs apparaissaient sur la terre, le printemps resplendissant du salut, et quand les ombres de la Loi commençaient à rétrocéder et à se liquéfier, et que le jour de la grâce commençait déjà à souffler et à s'éclaircir, il fut nécessaire d'édifier et préparer la couche nuptiale qui devait accueillir le Seigneur, pour que l'Epoux en entrant puisse s'unir à notre nature et l'épouse pour sa bonté [...].
Même si, en fait, sans l'union avec l'homme, Anne n'aurait pas engendré la génitrice de Dieu (ceci en fait était réservé depuis tous les siècles seulement à la Théotokos), puisque toutefois son sein était stérile et infécond, et dès lors sous cet aspect était mort. Comment un sein mort aurait-il pu produire de façon singulière les opérations des vivants, sans la présence de l'Esprit divin, ''qui fait vivre les morts et appelle à l'existence ce qui n'existe pas'' (Rm 4, 17) ?
C'est pour cela, en fait, que naquit d'une femme stérile cette enfant entièrement bonne [Marie], afin que même sa venue au monde ne soit pas seulement l'œuvre de la nature, mais aussi de la synergie de l'Esprit Saint. Ainsi, depuis le début, elle était unie à l'Esprit, source de vie : il n'y eut aucune parcelle de son être qui soit venue à la lumière sans sa participation [...].
Si, en fait, il est incomparablement extraordinaire qu'un sein virginal puisse accoucher, qu'un ventre stérile et sans vie ait généré, c'est également une chose singulière et extraordinaire, œuvre de la seule puissance de Dieu. Donc, après que de manière aussi neuve ce trésor et don digne de Dieu fut venu à l'existence, élu avant les siècles et consacré pour le service du terrible mystère de l'Incarnation de Dieu, l'Esprit Saint fut son gardien, arbitre, ornement et d'une certaine façon paranymphe, la préparant comme épouse pleine de grâce pour Dieu le Père, acceptée entièrement à lui pour devenir la Mère de son Fils bien aimé»[1].
[1] Teofano Niceno, Discorso sulla Madre di Dio, dans G. Gharib e E. Toniolo (par) Testi mariani del secondo millennio. Auteurs orientaux, Città Nuova, Roma 2008, vol. 1, pp. 427-428.
Malheureusement, la division entre les Eglises d'Occident et d'Orient (une division surtout liée à des contextes politiques différents) n'a pas permis à l'Eglise d'Occident d'intégrer ce type de réflexion dans l'élaboration du dogme de 1854.
Le concile Vatican II, dans un contexte de dialogue renouvelé, a intégré cette perspective orthodoxe : dans une sorte d'aggiornamento du dogme de l'Immaculée conception, le concile parle de Marie "pétrie de l'Esprit Saint" (Lumen gentium 56).
Françoise Breynaert